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01 Suivi postcarcéral : du travail... mais peut mieux faire

Intervention du Dr André-Jean Rémy, UCSA de Perpignan

Mise en ligne : 27 mars 2008

Enquête nationale des pratiques sur le suivi médico-social des personnes séropositives sortant de prison

Enquête nationale des pratiques sur le suivi médico-social des personnes séropositives sortant de prison

Texte de l'article :

Que se passe-t-il, pour les détenus infectés par une hépatite et/ou le VIH, à leur sortie de prison ? Quel suivi médical, social, associatif se voient-ils proposer ? Quelles passerelles assurent le lien entre le dedans et le dehors ? Autant de points sur lesquels a enquêté l’équipe du Dr André-Jean Rémy. État des lieux.

« La prison n’est pas un lieu de soins, mais un lieu où l’on soigne  », rappelle le Dr André-Jean Rémy, médecin coordinateur de l’Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de Perpignan. « Et un lieu où l’on tente de le faire le mieux possible  ». Cela a même parfois des conséquences paradoxales, puisqu’il arrive que les experts sollicités dans le cadre d’une demande de suspension de peine pour raison médicale considèrent qu’un patient sera mieux traité s’il reste en prison que s’il en sort, du fait de la grande précarité dans laquelle il se retrouve à l’extérieur... Dans nombre d’établissements, la prise en charge nécessite toutefois maintes améliorations. En particulier, l’accompagnement post-carcéral des personnes atteintes par le VIH ou une hépatite doit évoluer, comme le démontre l’équipe du Dr André-Jean Rémy dans son enquête nationale de 2006 sur les pratiques de suivi médico-social des personnes séropositives sortant de prison. Une population relativement importante, puisque les prévalences du VHB, du VHC et du VIH sont particulièrement élevées en milieu carcéral. L’hépatite B concerne ainsi aujourd’hui 1,3 % des détenus, l’hépatite C 4,7 % - un taux stable mais un nombre de personnes concernées en augmentation - et le VIH, 1,2 % (contre 1,56 % en 2000).

Une prise en charge inégale. Sur le plan du suivi médical post-carcéral, l’enquête révèle une série d’indicateurs significatifs des progrès à accomplir. Ainsi, seules 56 % des Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) disposent systématiquement de la liste des détenus libérables - laquelle permet d’anticiper la sortie -, et 10 % ne l’ont jamais. Par ailleurs, une unité sur trois uniquement (31 %) rédige la lettre au médecin traitant, et une sur dix ne se prêtant jamais à l’exercice. L’enquête établit en outre que les coordonnées d’un généraliste sont remises sans exception dans 20 % des services seulement et celles d’un spécialiste dans 25 %. De surcroît, moins d’un patient sur deux concerné par le VIH ou le VHC se voit transmettre les coordonnées d’une structure d’accueil (11 % des UCSA le font systématiquement, 19 % jamais). Quant aux renseignements sur les droits sociaux, ils ne sont que rarement donnés puisque dans 48 % des cas, cela n’est jamais fait. Les UCSA qui le font automatiquement ne sont que 7 %. Rares sont aussi les rendez-vous pris à l’hôpital ou dans un Centre de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST), tout comme les relais mis en place avec des associations. Ceux-ci ne sont assurés qu’au cas par cas et jamais dans 38 % des unités. Enfin, l’enquête constate que 52 % des UCSA donnent systématiquement des médicaments aux détenus sortants et 2 % jamais ; 40 % enfin leur remettent toujours une ordonnance alors que 15 % ne s’en préoccupent jamais.

Soigner l’articulation UCSA-SPIP. La sortie de prison se révèle être « un véritable parcours du combattant  », affirme le Dr André-Jean Rémy. Pour lui, « l’idéal est donc de faire les choses en amont  ». Aussi, attire-t-il l’attention sur le fait que « 58 % des UCSA font une demande de 100 % auprès de la Sécurité sociale, alors que tous les patients VIH ou VHC en relèveraient  ». Concernant les demandes de Couverture maladie universelle (CMU), le taux est de 44 %, pour la CMU complémentaire, il est de 37 %, pour l’Allocation adulte handicapé (AAH), de 42 %. Les demandes sont réalisées à 52 % par les Servics pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et à 37 % par les UCSA. A noter que, dans quelques établissements, des assistantes sociales de la caisse primaire d’assurance maladie viennent en milieu carcéral monter les dossiers.
L’enquête pointe par ailleurs la faiblesse des collaborations entre UCSA et SPIP. Le Dr André-Jean Rémy se réjouit cependant de la coopération fréquente opérée avec les réseaux de soins. Ce type de collaboration concerne 46 % des UCSA pour les hépatites, 41 % pour le VIH et 45 % pour la toxicomanie et les addictions. Sa faiblesse dans le domaine des réseaux spécialisés dans la précarité reste cependant à déplorer.

Des besoins dessinés en creux. Pour améliorer la situation, plusieurs pistes sont ainsi naturellement tracées. Parmi elles, la nécessité de procéder en prison aux démarches ouvrant droit à la Sécurité sociale et au bénéfice de l’Affection longue durée (ALD), de constituer le dossier médical à remettre avant la libération, de donner au détenu sortant une ordonnance, de transmettre une copie du dossier au médecin traitant, de développer la collaboration UCSA - SPIP, d’améliorer la réponse en matière d’hébergement... Les dysfonctionnements pointés ne touchent pas spécifiquement les personnes atteintes par le VIH et les hépatites. Plus largement, c’est le suivi post-carcéral des patients souffrant de maladies chroniques qui se révèle problématique.