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"Les personnes placées sous main de Justice : un public en peine(s) de culture" d’Axelle Nagrignat

03 Les activités culturelles au sein de la prison

Mise en ligne : 30 mai 2007

Texte de l'article :

Chapitre 3 Les activités culturelles au sein de la prison

3.1 Comment se déroulent les activités culturelles en détention ?
Concrètement, c’est-à-dire dans quelles conditions se déroulent les activités culturelles (ateliers de pratique, bibliothèque, spectacles, rencontres) dans les établissements pénitentiaires ? Être au fait de ces conditions permet une meilleure appréhension des spécificités des actions culturelles en détention et de leur public.

3.1.1 Quelques grands principes
Des précisions doivent être apportées, notamment en ce qui concerne le déroulement général des activités en détention et leur inscription dans l’emploi du temps carcéral.

3.1.1.1 Séparation des différentes catégories de détenus
Dans le système carcéral, les détenus se répartissent entre différents groupes, selon leur sexe (hommes ou femmes) et leur âge (mineurs ou majeurs). Dans les établissements accueillant à la fois des hommes et des femmes, et/ou des majeurs et des mineurs, chaque groupe est affecté à un quartier différent qui correspond généralement à un bâtiment bien distinct au sein de la prison. Dans un objectif avant tout sécuritaire, tout est fait en détention pour que les différentes catégories de détenus ne se rencontrent pas et aient le moins de contact entre eux. Les activités culturelles n’échappent pas à cette règle, et elles ne sont pas les mêmes selon les quartiers. De manière exceptionnelle, lorsqu’il y a un encadrement suffisant, il arrive, en maison d’arrêt, que les mineurs se joignent aux majeurs lors d’un spectacle ou d’une rencontre. Mais cette notion d’encadrement reste floue dans les faits puisqu’elle recouvre à la fois le personnel pénitentiaire, les enseignants, les intervenants extérieurs, etc. Personnes qui n’ont pas le même statut en détention. Quoi qu’il en soit, la répartition des détenus entre différents quartiers rend l’organisation d’activités complexe puisqu’il s’agit de faire des propositions adaptées à chacun des quartiers (selon leur sexe ou leur âge) et en nombre suffisant pour que les détenus y aient un accès égal, mais aussi de gérer au mieux les espaces carcéraux dédiés à la culture. Par conséquent, et pour des questions évidemment liées aux budgets, il est très difficile d’avoir une programmation à la fois riche et diversifiée.

3.1.1.2 Le volontariat
Il est également important de savoir que la participation aux différentes activités culturelles a un caractère facultatif. Les participants sont tous volontaires, et il n’est faite aucune obligation aux détenus de fréquenter la bibliothèque, de prendre part à un atelier de pratique artistique ou d’assister à un spectacle. Du moins ce principe concerne les majeurs (hommes et femmes). Bien évidemment les motivations sont différentes d’un détenu à l’autre et sont souvent dans un premier temps utilitaires.

3.1.1.3 De longues listes d’attente
Être volontaire pour une activité culturelle ne rend pas automatique l’inscription à celleci. Les établissements pénitentiaires sont très peuplés, spécialement les maisons d’arrêt souvent surpeuplées. Les offres culturelles ne suffisent alors pas à répondre aux demandes et les listes d’attente s’allongent au fil des semaines. Les détenus vivent parfois mal ces inscriptions qui sont décidées en dernier ressort par le personnel pénitentiaire. Les refus ne sont pas toujours expliqués, voire motivés, et les enjeux placés par l’adminitration dans les activités culturelles échappent la plupart du temps aux détenus qui retirent de ces refus un sentiment de frustration.

3.1.2 La fréquentation de la bibliothèque
Comme le rappelle Jane Sautière, adjointe au directeur du Spip du Rhône, « le livre est [...] le plus petit dénominateur commun culturel. Il est aussi l’objet qui circule le plus aisément en détention » [1]. C’est pourquoi les bibliothèques ont acquis une légitimité aujourd’hui ancienne. La bibliothèque reste le premier équipement culturel dans un établissement pénitentiaire. Même si d’autres équipements font défaut, il y a toujours un lieu dédié aux livres, ne serait-ce qu’une cellule transformée pour l’occasion en bibliothèque.

3.1.2.1 Visite des lieux
« Même si elles ont fait leur place dans l’espace carcéral, les bibliothèques doivent maintenant rattraper un retard considérable par rapport au fonctionnement et à l’offre des bibliothèques publiques » [2]. Ce sont les préconisations faites dans le Rapport sur les bibliothèques des établissements pénitentiaires. En effet, il n’y a pas de généralité et d’homogénéité en ce qui concerne les lieux et les fonds d’ouvrages. Dans l’ensemble, l’espace consacré au lieu bibliothèque est de petite ou moyenne surface. Il en va de même pour les fonds qui sont renouvelés moins régulièrement que les textes ne le recommandent. Mais ces deux remarques sont intimement liées puisque de la taille de la bibliothèque dépend le nombre d’ouvrages disponibles en rayons. Des efforts sont cependant faits dans le sens d’une optimisation de l’espace et d’une actualisation des collections par des achats réguliers et un désherbage fréquent. Lorsque les locaux le permettent, les établissements accueillant des catégories différentes de détenus possèdent autant de bibliothèques que de quartiers. La maison d’arrêt de Dijon est équipée de deux bibliothèques : une pour le quartier femmes et une située au quartier hommes qui accueille aussi les mineurs. Cette dernière est fréquentée à des horaires différents par les adultes et les mineurs. À l’heure actuelle, la majorité des fonds est informatisée, bien que les logiciels employés sont de performance inégale.

3.1.2.2 Comment et par qui est gérée la bibliothèque ?
On ne peut parler de personnel, au sens propre du terme, pour désigner ceux qui oeuvrent pour le fonctionnement de la bibliothèque. Tout simplement parce qu’en détention il existe très peu de bibliothécaires permanents. De nombreuses bibliothèques pénitentiaires bénéficient d’un partenariat avec la bibliothèque municipale la plus proche de la prison. L’aide se présente sous différentes formes : par une permanence d’une petite partie du personnel professionnel de la bibliothèque, par un prêt ou un don d’ouvrages, par l’animation de la bibliothèque pénitentiaire.
Il y a aussi un personnel propre aux établissements. En effet, le fonctionnement au jour le jour est délégué à un détenu-bibliothécaire. Il y en a au minimum un dans chaque bibliothèque de maison d’arrêt depuis 1998. Il est appelé « auxiliaire de la bibliothèque ».
Les détenus classés (ou auxiliaires) le sont pour des raisons propres à l’administration (souvent en lien avec l’attitude en détention à l’égard du personnel de surveillance et des codétenus) et sur des critères qui n’ont pas grand lien avec des compétences en matière de lecture. Pour cette tâche, il peut être rémunéré ou non. Son rôle est d’équiper et ranger les livres, d’assurer les prêts. Il est également un témoin du lieu et de l’activité au sein de son établissement pénitentiaire, et un relais éventuel entre la bibliothèque pénitentiaire et la bibliothèque municipale. A Dijon, un(e) détenu(e)-bibliothécaire est quotidiennement chargé(e) de la gestion de chacune des deux bibliothèques. Il serait judicieux pour ces auxiliaires de bibliothèque de bénéficier d’une formation qui rendrait leur travail plus opérationnel et pertinent. Mais ces actions de formation peinent à se mettre en place, notamment dans des établissement pénitentiaire comme Dijon où il n’existe pas encore de partenariat formalisé avec la bibliothèque municipale. Il arrive aussi que des bénévoles de l’extérieur aident quelques heures par semaine à la gestion et à l’animation de la bibliothèque pénitentiaire.

3.1.2.3 Des conditions d’accès particulières
Les exigences de sécurité s’excerçant en détention déterminent des conditions d’accès qui ne peuvent pas être celles des bibliothèques ordinaires. Ce n’est pas parce que la bibliothèque est ouverte que les détenus y ont accès, puisque les emplois du temps et les déplacements des divers groupes de détenus (majeurs, femmes, mineurs, isolés) sont organisés par roulement. L’importance de la fréquentation est relative car elle ne dépend pas de la seule volonté des usagers, mais d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels la disponibilité du personnel de surveillance est capitale. Par ailleurs, les détenus ne restent pas très longtemps dans la bibliothèque, et ils ne disposent que d’une demi-heure pour rendre leurs ouvrages et en emprunter de nouveaux. Bon nombre de détenus fréquentent la bibliothèque pénitentiaire. Dans le but de choisir des livres et des revues, mais aussi pour le calme du lieu et la possibilité d’échanger avec les codétenus dans un espace privilégié.

3.1.3 Les ateliers de pratique et les spectacles
En dehors de l’accès à la bibliothèque, les détenus peuvent s’inscrire à un atelier de pratique ou assister à des spectacles lorsque l’établissement pénitentiaire en accueille. Là encore, ces activités culturelles s’inscrivent dans un emploi du temps régi par le système carcéral.

3.1.3.1 Le travail pénal ou l’atelier de pratique artistique ?
Bien des détenus désireux de prendre part à un atelier ne peuvent pas s’y inscrire. Il leur faut faire le choix entre le travail pénal et les « loisirs » (activités culturelles, sportives, etc). Or, le travail est la seule source de revenus en détention, et la majorité des détenus sont obligés de renoncer aux ateliers de pratique culturelle qui ont toujours lieu au même moment que le travail pénal, afin de gagner quelques euros nécessaire au soutien financier de la famille qui les attend dehors ou encore à l’amélioration de leur quotidien avec la cantine [3]. Il en va de même pour ceux qui suivent une formation ou des cours. Une réflexion sur le temps carcéral et sur son aménagement est nécessaire afin de rendre pleinement effectives et cohérentes les mesures de réinsertion.

3.1.3.2 Des spectacles aux temps forts de l’année
Si les ateliers de pratique ont lieu de manière très régulière (une fois par semaine, pendant un certain nombre de mois, voire sur une année), les actions de diffusion sont plus ponctuelles. Bien évidemment, on ne peut parler de programmation, au sens propre du terme, puisque des spectacles sont proposés pour la plupart à des périodes particulières de l’année. Souvent ce sont aux périodes de fêtes (Noël, fête des mères) que les spectacles ont lieu. Des efforts sont également faits pour que les temps forts culturels, tels ceux de « Lire en Fête », « Le Printemps des Poètes », « La Fête de la musique », soient les mêmes en détention qu’à l’extérieur. Mais ce sont toujours des questions de budget qui ont le dernier mot en matière de choix de spectacles et de leur fréquence.

3.1.3.3 Des conditions matérielles souvent inadaptées

La salle polyvalente reste en détention le lieu privilégié où se déroulent bon nombre d’actions culturelles. Concerts, représentations de théâtre ou de danse, rencontres avec des auteurs, cours de danse, etc. Parfois, le manque de place fait de la salle polyvalente l’unique espace réservé à ce type d’actions. L’équipement de cette salle n’est pas toujours adapté aux exigences des spectacles. La possibilité de plonger une salle dans l’obscurité ou de disposer d’un jeu de projecteurs sont des conditions nécessaires à la mise en place de certains programmes culturels. Or 70% des salles (de l’ensemble des établissements pénitentiaires de France) remplissent la première condition [4] mais seules 20% la seconde [5]. Et seule une salle sur cinq [6] est à vocation uniquement culturelle ; la salle polyvalente pouvant aussi accueillir des activités sportives par exemple. Ces contraintes matérielles conditionnent très fortement la mise en place d’actions et certains intervenants s’en trouvent découragés, notammment lorsqu’ils ne se sentent pas soutenus et secondés par le personnel pénitentiaire.

3.2 Quelle place en détention pour l’artiste ?
Un certain nombre d’artistes refusent d’intervenir en détention car le milieu pénitentiaire leur semble trop contradictoire avec la disponibilité et les motivations nécessaires à l’expression artistique. Pour d’autres, au contraire, ce sont précisément ces mêmes caractéristiques qui justifient ce choix. Ce dernier est un mélange propre à chaque intervenant et fait « d’une forme de curiosité, de solidarité humaine et plus encore d’une rencontre dont on ne sait pas toujours si elle relève de l’artistique, avec les limites de chacun, le vital, l’essentiel » [7]. Quelle place un intervenant artistique peut-il se faire en détention.

3.2.1 Les enjeux des intervenants extérieurs
Qu’il soit culturel, sportif, bénévole ou rémunéré, l’intervenant extérieur revêt souvent une importance toute particulière dans un univers carcéral composé pour l’essentiel du personnel pénitentiaire et des détenus. La venue de personnes de l’extérieur est toujours un événement en soi, comme une petite percée sur le monde libre. Ou plus exactement une percée du monde libre.

3.2.1.1 La bouffée d’oxygène
Les intervenants apportent un peu d’air frais du dehors. Ils viennent également rompre la monotonie d’un rythme de vie répétitif et ennuyeux. La figure de l’artiste est encore plus porteuse de changement puisqu’on l’associe à la création, mais aussi aux loisirs, à la détente. Les détenus savent que ceux-ci ne sont pas là pour les mettre à l’épreuve ou les contraindre, mais pour partager une activité. Bien souvent les intervenants jouissent d’un grand respect de la part des participants à leur atelier. Les personnes incarcérées apprécient qu’un artiste pénètre en prison et s’intéresse à eux, alors même qu’elles se sentent rejetées par la société, comme oubliées et inutiles. De plus, les artistes, pas toujours au fait des règles drastiques de sécurité, se montrent ainsi plus accessibles que les surveillants. Leur aura se fait plus humaine. Et l’on peut faire l’hypothèse que la présence d’intervenants extérieurs agit comme une soupape de sécurité dans les rapports détenus/surveillants, maintenant ainsi une paix sociale.

3.2.1.2 Le lien avec l’extérieur
Rencontrer et échanger avec un artiste venu du monde libre permet de maintenir ce lien essentiel et pourtant si fragile avec l’extérieur. La vie en détention ne ressemble en rien à celle que l’on peut mener à l’extérieur ; et les détenus luttent pour tenir encore leur place dans cette vraie vie. L’importance de la correspondance ou des visites au parloir prend tout son sens puisque tout cela oeuvre au maintien des liens sociaux mis à dure épreuve lors de l’incarcération. L’intervenant porte avec lui la marque de son appartenance au dehors, et chacun retrouve alors un peu de cette vie qu’il menait avant son incarcération. Un ancien détenu témoigne : « Ce qui est est important pour nous, c’est qu’ils n’ont pas d’uniforme. Non, ce ne sont pas des gens qui sont là pour nous punir, nous juger, ils sont
comme nous, ils nous rappellent peut-être un peu nos copains, des gens qu’on aime, et puisque c’est l’extérieur, on n’a aucune raison de ne pas avoir confiance et de ne pas nous livrer » [8].

3.2.1.3 La réintroduction d’une convivialité
Dehors, que ce soit dans le cadre d’une compagnie de théâtre, d’un orchestre ou d’un atelier quelconque, il arrive toujours un moment après la séance de travail où on s’assoit autour d’un verre dans une ambiance moins formelle et plus détendue. En prison, ces occasions d’évacuer la tension du travail et de discuter en sortant d’un cadre strict ne peuvent se produire. Quand le gardien arrive en fin de séance, il faut conclure rapidement car la séance ne peut déborder. Ainsi « les temps traditionnels de convivialité (autour d’un repas ou d’un pot) sont ici inapplicables. La convivialité doit donc se resserrer sur la séance elle-même » [9]. Et les intervenants participent à cette convivialité retrouvée, notamment parce qu’ils introduisent un travail de groupe alors que d’ordinaire les détenus sont très peu amenés à se côtoyer entre eux. Les participants aiment aussi les rapports avec l’intervenant, autrement plus détendus qu’avec le personnel pénitentiaire.

3.2.2 Artiste en détention : un rôle ambigu
Que signifie pour un artiste, toutes disciplines confondues, intervenir auprès de personnes incarcérées ? C’est d’emblée accepter d’accueillir des publics non avertis, et c’est également individuellement accepter d’être personnellement de l’autre côté des barreaux. De fait, cela équivaut à déjà accepter la notion d’enfermement et des règles très strictes. Et l’intervenant est bien souvent éducateur avant d’être artiste.

3.2.2.1 Éducateur...
« Il y a un énorme travail éducatif. Ce rôle d’éducateur est nécessaire, sinon on se laisse envahir » [10].
Stéphane Lafoy, artiste vidéaste, anime depuis plusieurs années un atelier vidéo au quartier mineurs ainsi qu’un atelier de guitare à la maison d’arrêt de Dijon. C’est ainsi qu’il définit son travail, par ce rôle éducatif qui est le fondement même de ses interventions. Bien évidemment ce rôle est plus prégnant lorqu’il est avec les adolescents, puisque ceux-ci nécessitent d’être plus encadrés et contenus. Néanmoins, toute intervention dans un milieu aussi spécifique que la détention se double d’un long travail de socialisation. Bon nombre de détenus sont des individus socialement marginalisés que la détention désocialise encore plus. La participation à un atelier de pratique culturelle passe par un (ré)apprentissage du travail de groupe avec les exigences que cela implique : une concentration pendant un temps assez long, le respect de certaines règles édictées par l’intervenant, la prise en considération des choix des autres participants. Sans un minimum d’encadrement, l’atelier ne peut se dérouler correctement et profiter aux participants. Cela nécessite un accompagnement, celui de l’intervenant dont le rôle se fait alors contenant, voire strictement pédagogique. Une fois la confiance instaurée et le cadre posé, l’intervenant peut se positionner comme artiste.

3.2.2.2 ... puis artiste
Les intervenants artistiques en milieu pénitentiaire prennent rapidement conscience que le travail ne pourra pas se dérouler dans les conditions matérielles et pratiques identiques à celles de l’extérieur et encore moins viser les mêmes résultats. Ce double postulat est très important.
« Il y a une autre démarche à proposer où l’on s’éloigne de l’idée du résultat par exemple [...], il faut du temps pour ancrer des choses, être dans le sens des choses. Il faut s’éloigner de la production à tout prix, du résultat » [11]. C’est par ces mots que la plasticienne designer Isabelle Ménétrié décrit le travail qu’elle mène depuis plusieurs mois au quartier hommes de la maison d’arrêt de Dijon. Elle laisse le temps nécessaire à chacun pour s’approprier le projet et s’engager dans une démarche artistique avant de penser à la réalisation finale : une fresque sur les murs menant à la cour de promenade. De plus, le travail artistique se fait au sein d’un groupe très hétérogène, constitué non par affinités ou selon une expérience pré-requise mais par les listes de l’Administration pénitentiaire. L’artiste joue un rôle d’autant plus essentiel qu’il canalise et harmonise toutes ces énergies pour optimiser la phase artistique de l’atelier.

3.2.3 Une richesse pour la création
Jane Sautière, du Spip de Lyon, affirme que « les problématiques de l’exclusion et de l’enfermement concernent au premier chef les artistes. La prison est un lieu où ils viennent aussi chercher pour leur propre travail une stimulation, une impulsion créatrice » [12].

3.2.3.1 Une rencontre avec l’artistique
Tous les participants aux ateliers artistiques proposés en détention ne sont pas personnellement dans une démarche de création ou de recherche artistique. Comme nous le soulignerons dans la seconde partie, les motivations sont variées. Mais certaines personnes découvrent ou redécouvrent à cette occasion une liberté d’expression par le biais de l’art qu’elles ne soupçonnaient pas. Une vraie fibre artistique se révèle pour certains, quand il se passe une rencontre entre la discipline et eux. Et certaines vocations peuvent naître, alors même que l’objectif initial pour un intervenant n’est jamais de faire des participants des artistes. Cependant, un tel constat reste agréable à faire pour l’intervenant qui a su susciter cette rencontre.

3.2.3.2 Un travail personnel en maturation
Travailler en direction et avec un tel public est une grande source de questionnements pour l’artiste intervenant. Isabelle Ménétrié l’exprime en ces termes : « Je voudrais aussi qu’à partir de mes interventions arrive ma démarche d’artiste. Je crois que la prison m’aide beaucoup à envisager cela. Intervenir dans ce milieu-là est très interpellant pour un artiste [...] du fait de notre questionnement un peu perpétuel sur l’état des choses, sur la réalité. Être dans ce milieu condense beaucoup de questionnements et j’aimerais bien pouvoir le mettre en marche aussi pour mon travail personnel qui est en recherche, surtout au niveau de la forme » [13].
Bon nombre d’artistes intervenant en détention font preuve d’une grande exigence à la fois envers eux et les participants. Les détenus découvrent de nouveaux moyens d’expression ou des formes artistiques jusque là méconnues grâce aux apports de l’artiste, pendant que ce dernier puise également dans ces phases d’atelier de nouvelles orientations pour sa démarche personnelle. Il y a alors une véritable intéraction qui rend l’atelier très riche.

En chemin...
Les personnes placées sous main de justice forment un public qui a été pendant longtemps ignoré par les institutions culturelles. Jusqu’au milieu du siècle dernier la prison n’intéressait que quelques spécialistes en droit pénal et en criminologie ; certainement pas la société civile. Aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, une politique de décloisonnement est amorcée, et des partenariats interministériels commencent être pensés et mis en place. C’est ainsi que la culture pénètre en détention et plus généralement auprès des personnes suivies par les services pénitentiaires.
Quelle place revient aux actions culturelles en milieu pénitentiaire et quelle importance revêt-elle aux yeux de l’Administration mais surtout à ceux des détenus ? L’exemple de la politique culturelle menée par le Spip de Côte-d’Or permet d’apporter des éléments de réponse en montrant combien cette notion de public culturel est encore fragile. On ne peut la comprendre sans l’envisager dans un contexte carcéral très fort qui s’inscrit dans une organisation administrative complexe. Les mêmes questions de culture se posent pour le milieu ouvert qui reste souvent dans l’ombre des murs de la prison, bien plus imposants.
Or les probationnaires suivis à l’extérieur de ces murs forment un grand public potentiel. La culture en milieu ouvert comme en détention concourt à des parcours de réinsertion.

Notes:

[1] Luc Hernandez, ‘Dossier : Livres en prison’, Livre & Lire. Le mensuel du livre en Rhône-Alpes n°203 (Avril 2005)

[2] Lieber, Claudine et Chauvigny, Dominique, op. cit.

[3] Système qui permet d’acheter des vivres et divers produits (comme le tabac, les produits de beauté, la papeterie,etc.) en détention

[4] Anselme, op. cit.

[5] Ibid

[6] Ibid

[7] ‘Contrepoint(s) n° 9 2002’, op. cit.

[8] Caroline Legendre, Création et prison, (Paris : Les Éditions de l’atelier, 1994)

[9] Gosse, op. cit.

[10] Entretien avec Stéphane Lafoy en Annexe

[11] Entretien avec Isabelle Ménétrié en Annexe

[12] Hernandez, op. cit.

[13] Entretien avec Isabelle Ménétrié en Annexe