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DEMANDE DE RÉFÉRÉ SUSPENSION ET DE RÉFÉRÉ LIBERTÉ PRÉSENTÉE A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE...
(articles L. 521-1 et ss. du CJA)
Requête en référé-liberté portant annulation d’une décision administrative
POUR : Monsieur... né le...à ..., actuellement détenu au Centre pénitentiaire de..., ...(+ Code postal et ville) ;
CONTRE : Monsieur le directeur de l’établissement pénitentiaire de..., demeurant en cette qualité au Centre pénitentiaire de... - ...(+ Code postal et ville).
OBJET DE LA REQUÊTE
Sur le fondement des articles L. 521-1 et suivants du CJA, demande de suspension et d’annulation d’une décision administrative de refus d’application d’un texte législatif créateur d’un droit.
A Monsieur le Juge des référés du Tribunal Administratif de..., Monsieur...a l’honneur d’exposer que :
Monsieur le directeur de l’établissement pénitentiaire de....lui ayant opposé un refus à la demande d’application d’une loi lui attribuant un droit, en l’occurrence le bénéfice des réductions de peine qu’elle prévoit, il entend saisir le Juge des référés de cette décision faisant gravement grief.
Il demande au Juge des référés d’annuler pour excès de pouvoir la décision de refus dudit directeur, violant le nouvel article 721 du Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er janvier 2005.
Cette décision s’avère en effet illégale à plus d’un titre et constitue un excès de pouvoir et une atteinte grave faisant grief.
Au sens où les actes de ce fonctionnaire sont exclusivement rattachés au fonctionnement administratif du service pénitentiaire, il vous est demandé d’annuler pour excès de pouvoir la décision de refus soumise et de formuler injonction audit chef de l’établissement de se conformer rigoureusement sans délai aux dispositions de l’article 721 du Code de procédure pénale en appliquant au requérant la totalité des remises qu’il institue sans équivoque, et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé un délai de sept jours à compter du prononcé du jugement à intervenir.
EXPOSÉ DES FAITS
Le 1er janvier 2005, la plupart des dispositions de la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 relatives à l’application des peines étaient entrées en vigueur.
Cette loi dite « Loi Perben II » ayant profondément remaniée la matière, a notamment institué un nouveau mécanisme de réduction de peine à l’article 721 du Code de procédure pénale intitulé « crédit de réduction de peine », dont l’application a été nouvellement attribuée aux chefs d’établissements pénitentiaires.
Et, cet article 721 est libellé comme suit : « Chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes (...) et de sept jours par mois ».
Pour sa mise en oeuvre, l’établissement pénitentiaire avait diffusé à l’attention de la population pénale une note leur indiquant qu’à compter du 1er janvier 2005, grâce à l’application de ces nouvelles dispositions, « les détenus bénéficieront de réductions de peine plus avantageuses ».
Or, et ainsi que le rapporte à juste titre le ’’Canard enchaîné’’ dans son édition du mercredi 31 août 2005, le calcul exact du « crédit de réduction de peine » devant leur être en réalité octroyé de plein droit par application de l’article 721 in fine a été méconnu.
C’est qu’en effet, le chef de l’établissement s’est limité à calculer, pour appliquer au cas d’espèce le bénéfice du « crédit de réduction de peine » sur la durée de la condamnation prononcée, qu’une durée de : « trois mois pour la première année et deux mois pour les années suivantes », lui déniant le bénéfice des « sept jours par mois » expressément mentionnés à l’article précité.
Ainsi, alors qu’antérieurement les condamnés bénéficiaient de 5 mois de réduction par an (3 mois de remises de peine de l’article 721 et 2 mois de remises de peine supplémentaires de l’article 721-1) dont par ailleurs l’attribution était seulement conditionnée à leur « bon comportement en détention », à présent ils ne bénéficieraient au total, réductions de peine octroyées par le juge de l’application des peines comprises, que de...2 mois et 15 jours au plus par an ! - c’est-à -dire deux fois moins.
Il importe de préciser qu’à l’inverse des réductions portées à l’article 721 du Code de procédure pénale dans son actuelle rédaction en conférant la mise en Å“uvre aux établissements pénitentiaires, les réductions de peines supplémentaires (RPS) prévues à l’article 721-1 du même Code restent de la compétence exclusive du juge de l’application des peines qui, eu égard aux nouvelles conditions restrictives imposées aux détenus, ne leur octroi en moyenne tout au plus à présent qu’une quinzaine de jours de RPS par an quand antérieurement il leur était appliqué quasi d’office 2 mois par an, sous réserve du « bon comportement en détention » et de « l’état de récidive ».
Il est bien entendu clair que le grief exposé ne concerne pas les dispositions de l’article 721-1, celles-ci relevant des attributions du juge de l’application des peines sinon de tout autre juge judiciaire, mais seulement et très précisément le grief tiré du refus du chef de l’établissement d’appliquer l’intégralité du « crédit de réduction de peine » que prévoit l’article 721 du Code de procédure pénale dont le Législateur lui a depuis confié la charge.
Aussi certain qu’on ne peut procéder par extension, analogie, induction, ni davantage restreindre la portée d’un texte législatif ou lui conférer des limites ou conditions qu’il ne prévoit pas, en aucune façon le chef de l’établissement pénitentiaire - pas plus d’ailleurs que le Ministre de la justice - ne saurait justifier de son refus d’appliquer la totalité des réductions prévues audit texte en alléguant de l’argument inopérant selon lequel ’’sa rédaction serait imparfaite et/ou obscure’’.
De surcroît, si toutefois seulement ce texte ne reflétait pas réellement l’intention du Législateur, les travaux pour sa conception datant de l’année 2000, on avait alors 5 années pour le corriger avant sa promulgation le 1er janvier 2005 - aussi bien, on ne saurait à posteriori demander aux juges de tenter, sous couvert d’interprétation, de rajouter à ce texte.
De quelque point de vue que l’on se place, la décision de refus précitée du chef de l’établissement constitue d’autant un manifeste excès de pouvoir qu’elle viole la règle fondamentale disposant que « sauf disposition contraire expresse, toute loi de procédure et de compétence est d’effet immédiat ».
Tant sur le plan de la légalité interne qu’externe, le juge des référés ne pourra que constater que cette décision de refus soumise est illégale, et que les griefs du requérant sont fondés.
Dans d’autres cas d’espèces, le juge administratif a déjà eu à se prononcer sur la portée des articles 721 et 721-1 du Code de procédure pénale, plus précisément quant aux conséquences du retrait illégal de réductions pour cause « de mauvaise conduite du condamné en détention », ayant alors considéré qu’eu égard à la nature et à la gravité de cette sanction disciplinaire dont avait fait l’objet l’intéressé, « cette décision constitue une décision faisant grief susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir » (Assemblée du Conseil d’Etat du 17 févr. 1995 - Req. Marie n°97754).
Considérant qu’aux termes de l’articles 721 du Code de procédure pénale « Chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes (...) et de sept jours par mois », le requérant est, dès lors, fondé à demander l’annulation de la décision en date du .... par laquelle le chef de l’établissement du centre pénitentiaire de... lui a dénié le bénéfice des sept jours par mois prévu audit texte, cette décision constituant manifestement une décision faisant grief.
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il ne pourra du reste être allégué du contraire, que la décision du chef de l’établissement est constitutive d’un excès de pouvoir et d’une atteinte grave faisant grief ; que dès lors que la direction de l’établissement pénitentiaire, qui ne peut en l’espèce soutenir que sa décision de refus serait régulière, a délibérément pris la décision attaquée en se permettant malgré la clarté du texte de l’amputer d’une partie du crédit de réduction de peine qu’il prévoit, est de nature à constituer sa flagrante violation caractérisée ne pouvant nullement se justifier ; que, par suite, le requérant est bien fondé à demander l’annulation de cette décision assortie d’une injonction audit chef de l’établissement d’appliquer rigoureusement le texte.
Considérant l’article 721 du Code de procédure pénale et la règle fondamentale disposant que sauf dispositions contraires expresses, toute loi de procédure et de compétence est d’effet immédiat.
Considérant la décision de refus soumise, en ce qu’elle constitue nécessairement une décision faisant grief, restreint l’exercice de certaines libertés, et prive d’un avantage, celui du droit pour un condamné de bénéficier de la totalité des réductions de peine prévues par le nouveau texte dont l’attribution constitue un droit pour les détenus, celui de voir pouvoir recouvrer à une échéance rapprochée la liberté d’aller et venir.
Compte tenu de l’urgence à ce qu’il soit mis un terme à cette situation, Monsieur...est fondé à solliciter du Juge des référés d’annuler la décision de refus précitée et de formuler injonction audit directeur d’appliquer sans délai rigoureusement le texte dont s’agit.
Le Juge des référés est compétent pour constater que la décision du directeur de l’établissement pénitentiaire est constitutive d’excès de pouvoir extrêmement grave et que compte tenu de l’urgence évidente à ce qu’il y soit remédié, il doit statuer par voie de référé dans les plus brefs délais.
En effet, aux termes des dispositions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, ’’saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le Juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale’’.
Monsieur...., qui est incarcéré depuis l’année..., et se voit privé depuis le 1er janvier 2005 d’un droit, celui de se voir appliquer la totalité des réductions de peine expressément prévues à l’article 721 du Code de procédure pénale, subit à ce jour un dommage personnel, direct et certain, cette décision illégale du directeur constituant une atteinte d’autant grave pour une personne privée de liberté qu’elle viole un droit fondamental.
Compte tenu de ce qui précède, il appartient au Juge de l’excès de pouvoir, pour analyser la nature d’un acte administratif, d’examiner tant sa légalité que ses motifs, ce qui, dans le cas d’une décision administrative de refus de se conformer à une obligation contractuelle et à fortiori des effets qu’une telle décision produit tant sur la situation personnelle et pénale que morale de l’intéressé, doit le conduire à l’annuler purement et simplement pour cause d’illégalité manifeste et/ou toute autre qualification que le Tribunal voudra bien retenir.
De quelque point de vue que l’on se place, la condition de recevabilité relative à une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale dont font partie les droits de la défense est remplie.
Vu le Code de justice administrative, le Code de procédure pénale, les principes du droit acquis et de la sécurité juridique, les articles 1, 3, 5, 6, 13, 14 et 17 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Par ces motifs et sous réserve de tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office,
Monsieur...conclut respectueusement qu’il plaise à Monsieur le Juge des référés du Tribunal Administratif de..., d’annuler la décision de refus précitée du directeur du Centre pénitentiaire de..., et de lui formuler injonction d’avoir à remédier sans délai à sa situation pénale en lui appliquant le total des réductions de peine manquant, et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé un délai de sept jours à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
Juger qu’il y a eu dans les circonstances de l’espèce excès de pouvoir ;
Condamner de ce chef Monsieur le directeur du Centre pénitentiaire de... ;
Condamner l’Etat, qui doit répondre de la responsabilité de ses fonctionnaires et des dysfonctionnements de ses services, aux frais irrépétibles et à lui payer en sus la somme de cinq mille euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, et lui allouer la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral subi, qui est personnel, direct, et certain ;
Réserver les entiers frais et dépens à la charge de l’Etat français, et prendre toutes mesures utiles ;
A titre subsidiaire, Monsieur... étant emprisonné depuis le..., et étant dépourvu de toute ressource, sollicite, afin d’être en mesure d’assurer valablement sa défense et de faire valoir équitablement ses droits, le bénéfice de l’aide juridictionnelle en vue notamment de pouvoir bénéficier du concours d’un Avocat.
SOUS TOUTES RESERVES
FAIT A...LE....
EN DOUBLE EXEMPLAIRES
x.... (signature)
Listes des pièces communiquées (en double exemplaires) :
Pièce N° 1 : Double de la requête certifiée conforme ;
Pièce N° 2 : Copie de la requête adressée au chef de l’établissement, le .... ;
Pièce N° 3 : Copie de la notification d’octroi du « crédit de réduction de peine » du... ;
Pièce N° 4 : Copie de l’article du Canard enchaîné du 31 août 2005.