La famille est trop souvent tenue à l’écart du processus de réinsertion, alors qu’elle en est un élément central. Tout doit être mis en œuvre pour veiller à maintenir, ou à recréer, les liens familiaux et impliquer les proches dans la préparation à la sortie. Explications de Charlotte Paradis, responsable des questions de santé de Ban public, et de Didier Robert, malade du sida aujourd’hui incarcéré.
Le retour à la vie libre ne se prépare pas quelques semaines avant la sortie mais bien en amont, dès que, la condamnation étant devenue définitive, la date de libération est connue. Ce principe, valable pour tout détenu, l’est encore plus dans le cas des personnes atteintes d’une pathologie lourde. En effet, certains détenus ont passé un temps si long en prison, si gravement malades et si seuls, qu’ils en ont perdu tout repère. « L’esprit et le corps ont alors d’énormes carences », résume Charlotte Paradis, trésorière et responsable des questions de santé de l’association Ban Public. Un vécu qu’après plusieurs incarcérations, Didier Robert, malade du sida, relate en ces mots : « Durant des mois et des années, nous n’avons pas uniquement lutté contre le système carcéral qui est, à lui seul, dévastateur, nous avons lutté aussi contre la maladie, lutté pour rester en vie. Ce combat, malheureusement, nous l’avons livré seuls. » Les associations de lutte contre le sida ou d’aide sociale sont en effet, selon lui, trop peu présentes en détention, voire « quasi absentes dans un grand nombre de prisons ». Mais une autre composante de la société y est aussi anormalement trop absente : les familles, insuffisamment impliquées par l’institution. Il suffit de voir, pour s’en convaincre, la brièveté et la rareté des visites autorisées. Pourtant, l’entourage peut apporter un soutien psychologique essentiel. La qualité de vie du détenu repose par ailleurs avant tout sur sa famille et ses proches. Le travail étant très rare, il est en effet difficile pour la plupart des personnes incarcérées d’y accéder ; quant aux salaires, ils demeurent si bas qu’ils ne peuvent procurer un revenu suffisant. Aussi, sans les mandats de l’extérieur, le détenu n’a pas les moyens de cantiner, et notamment d’acheter de la nourriture pour s’alimenter décemment. Or cela se révèle particulièrement nécessaire pour combattre la maladie. « Même si des commissions d’indigence attribuent une aide matérielle en fonction des situations individuelles, la famille et les proches restent toujours le soutien le plus important », assure Charlotte Paradis.
Veiller à renforcer le lien. Les familles, elles aussi, souffrent de la séparation. « Elles sont également condamnées à une peine, car elles vivent douloureusement l’absence de la personne incarcérée, déplore Charlotte Paradis. Les familles qui ont déjà à gérer leur lourd quotidien avec, entre autres des difficultés liées à la précarité pour beaucoup d’entre elles, se trouvent souvent empêchées dans le maintien du lien familial. Au fil des mois et des années, cela peut entraîner leur désengagement. Les familles doivent être épaulées. » Soutenir durant l’incarcération les liens qui tendent à se déliter avec l’entourage se révèle pourtant indispensable pour bien préparer l’après-prison. Au-delà de l’aspect humain, il s’agit de considérer, affirme Charlotte Paradis, que « les familles et les proches seront souvent la seule solution à la sortie, le seul relais dans l’attente de la mise en place des processus de prise en charge, d’hospitalisation ou autre. » Car s’il est une question problématique, c’est bien celle de l’hébergement. Elle est d’ailleurs parfois si aiguë que malgré la gravité de l’état de santé du détenu, maints aménagements de peine pour raison médicale ne sont pas accordés. « Il est donc primordial que les professionnels prennent contact avec les proches et les familles pour les impliquer à chaque étape du processus de préparation à la sortie », estime la militante. Un autre moyen de préserver des liens entre la personne incarcérée et ses proches réside dans la multiplication des unités de vie familiale (UVF), où ils peuvent se retrouver pendant plusieurs heures, dans un cadre moins carcéral. « Il est impossible de prévoir une sortie dans de bonnes conditions lorsque les conjoints et les parents n’ont pas eu un accès systématique aux UVF », affirme Charlotte Paradis. Et de rappeler : « Une sortie de prison réussie, c’est une sortie qui a été préparée. Etre lâché dans la nature sans savoir où ni à qui s’adresser, n’être attendu nulle part, est le meilleur moyen pour faire de la sortie un échec. »