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06 Chap.3 Résultats - Temps infirmier

Mise en ligne : 19 décembre 2006

Texte de l'article :

CHAPITRE III : RESULTATS

A. RESULTATS TEMPS INFIRMIER
I. POPULATION
- Les questions ont pu être posées directement aux infirmières ou aux rares infirmiers des UCSA, à l’exception d’une psychologue, d’une secrétaire et de 3 cadres infirmiers
- 174 UCSA furent contactés par ordre alphabétique à partir de la liste des UCSA transmise par Dr Robert, président du syndicat des médecins exerçant en prison (SMEP) :
o 151 réponses, réparties selon le type d’établissement pénitentiaire en :
 ? 100 maisons d’arrêt
 ? 25 centres de détention
 ? 7 centrales
 ? 19 centres pénitentiaires
o 23 non réponses
 ? 13 UCSA non joignables à 3 reprises
 ? 7 numéros de téléphone erronés
 ? 2 refus de réponse par téléphone exprimés par une infirmière et un médecin
 ? 1 UCSA fermée pour cause d’inondation

II. DEROULEMENT (du 12 mai au 8 juin 2005)
- L’entretien téléphonique débutait par une présentation de l’étude, plus ou moins longue selon l’attention accordée à mes propos. Les infirmières m’ont fait remarquer à plusieurs reprises que seule ma qualité d’interne les invitait à accepter de répondre par téléphone.
- Seuls une infirmière et un médecin représentant chacun une UCSA n’ont pas souhaité répondre par téléphone.
- La durée moyenne des entretiens est de 9 minutes avec des extrêmes de 6 à 40 minutes, le questionnaire évoluant parfois vers l’entretien semi directif.
- 3 questions concernant la visioconférence, l’accès à l’internet et les protocoles thérapeutiques téléphonés ont complété le questionnaire pour le dernier tiers alphabétique de liste des UCSA mais la dernière question n’a pu être statistiquement exploitée.

III. PRESENTATION DES RESULTATS
1. PROFIL DE L’UCSA (Question de 1 à 5)
1.1 Distance

La distance moyenne séparant l’UCSA de l’hôpital de rattachement est de 8,6 km avec une médiane à 3,5 km. Ainsi les 2/3 des UCSA sont situées à moins de 5 km (67%) de l’hôpital de rattachement. (Figure 1).
La distance en temps est en moyenne de 13 minutes avec une médiane à 10 minutes.
Figure 3 : Répartition des UCSA selon la distance UCSA-hôpital

1.2 Effectif médecin
1.2.1 Vacation en médecine générale
Le nombre de vacations (1/2 journée) en médecine générale dans les UCSA est en moyenne de 6,3 demi-journées par semaine avec une médiane à 5, soit 2,4 demi-journées par semaine et pour 100 détenus.
Figure 4 : Répartition des UCSA selon le nombre de vacations par semaine en médecine générale

1.2.2 Vacation de médecins spécialistes
Le nombre moyen de médecins spécialistes intervenant en prison est de 2,2 par UCSA et pour 100 détenus. La figure 3 montre la fréquence de consultations sur place dans les différentes spécialités.
On note que 23% des UCSA n’ont aucun spécialiste consultant sur place et 60% des UCSA ont moins de 3 spécialistes sur place.
La figure 5 montre la répartition selon le type de spécialités.
Figure 5 : % de consultations spécialisées dans les UCSA et nombre de vacations par mois

1.3 Effectif de détenus et nombre de places
Le nombre de détenus par UCSA est très variable avec une moyenne de 315 détenus par établissement et une médiane à 210 détenus. La surpopulation touche près de 70% des établissements dont 12% compte plus du double de détenus par rapport à la capacité d’accueil.
La moyenne dépasse les 133% de surpopulation avec une médiane à 210 détenus.

1.4 Extractions médicales
L’estimation du nombre d’extractions médicales par semaine est de 2,7 pour 100 détenus. Les extractions incluent les consultations externes, les urgences et la réalisation des clichés thoraciques dans le cadre du dépistage de la tuberculose. Ce chiffre reste approximatif dans la mesure où seuls 10% des UCSA ont pu fournir le nombre exact d’extractions annuelles.

2. ACCES AUX SOINS
2.1 Accès aux soins spécialisés (Question 6)

72% des infirmières et infirmiers interrogés estiment qu’il n’y a pas de difficultés d’accès aux soins spécialisés pour les détenus en milieu pénitentiaire et parmi eux, 20% jugent que leur accès est meilleur que celui de la population générale, faisant souvent référence aux difficultés pour obtenir des rendez-vous de consultations en dermatologie et ophtalmologie.
Seuls 23% notent des difficultés d’accès aux soins spécialisés et 5% ne se prononcent pas.
Figure 6 : Difficulté d’accès aux soins spécialisés

2.2 Avis médical en urgence (Question 9)
Pour obtenir un avis médical, les infirmièr(e)s ont recours en première intention dans plus de la moitié des cas au médecin de l’UCSA aux heures ouvrables, le SMUR étant appelé directement dans 34% des cas.
Figure 7 : Référent pour avis médical en urgence

3. ISOLEMENT (Question 8)
Sur une échelle de 1 à 10, le sentiment d’isolement moyen est de 5,3.
Figure 8 : Evaluation du sentiment d’isolement des infirmièr(e)s à l’UCSA

L’étude statistique ne retrouve pas de variation significative du sentiment d’isolement selon les types d’établissement pénitentiaire, la distance UCSA - Hôpital, le nombre de vacations de médecin généraliste ou de spécialiste.

4. DIFFICULTES PRINCIPALES (Question 11)
Parmi les difficultés principales évoquées, on retrouve par ordre d’importance :
- Les relations difficiles voire conflictuelles avec l’administration pénitentiaire (18%)
- L’absence de reconnaissance et de considération par l’hôpital de leur travail (11%)
- Les difficultés pour obtenir des extractions sanitaires (11%)
- La gestion des urgences notamment en l’absence du médecin (11%)
- L’isolement dans leur pratique quotidienne (9%)
- Les contraintes du milieu carcéral et les locaux exigus (5%)
- Le manque de psychiatres pour une prise en charge satisfaisante des détenus (5%)
- Le manque de médecins sur place (5%)
- Les difficultés d’accès aux détenus (3%)
- Le manque d’effectif médical et paramédical (2%)
- Le non-respect du secret professionnel (1%)
- La gestion de la pharmacie (1%)
- Enfin 10% des infirmièr(e)s estiment n’avoir aucune difficulté dans leur pratique et 6% n’ont pas répondu à la question
Parmi les difficultés évoquées secondairement, on retrouve :
- L’absence de reconnaissance par l’hôpital (24%)
- Le manque de médecins sur place (23%)
- Les difficultés pour obtenir des extractions et les escortes (21%)
- Les rapports difficiles avec l’administration pénitentiaire (12%)
- La gestion des urgences (6%)
- Le manque d’effectifs (4%)
- Les 10% restants se partageant entre les autres items mentionnés plus haut
Par ailleurs, le vocabulaire employé par les infirmièr(e)s pour parler de leurs difficultés d’exercice professionnel relève du champ lexical de l’exclusion :
- 5ème roue du carrosse (6)
- A l’écart (4)
- Isolé (3)
- Oublié (3)
- Méconnu (2)
- Inconnu (2)
- Ignoré (2)
- A part (2)
- Sans information (2)
- Pas de communication (2)
- Non reconnu
- Mal connu
- Invisible
- Dévalorisé
- Etranger
- Bout du monde
- 6ème roue du carrosse
- Voie de garage
- Mal considéré
- Planète des singes
- Non intégré
- Démuni
- Décalage
- Hors les murs
De même, le vocabulaire qu’elles utilisent pour qualifier leur relation avec l’administration pénitentiaire est révélateur des contraintes quotidiennes auxquelles elles sont confrontées, et notamment dans l’obtention d’extractions médicales.
- Incompris
- Jongler
- Négocier
- Diplomatie
- Pression
- Tension (2)
- Poids
- Lourdeur de l’AP
- S’adapter
- L’AP dispose
- communication difficile (3)
- contraintes lourdes
- Relation difficile
Enfin, la divergence entre la mission sanitaire de l’UCSA et la mission sécuritaire de l’administration pénitentiaire est rappelée à plusieurs reprises par les infirmières :
- La sécurité avant la santé
- Vision différente
- Règles différentes
- Priorités différentes
- Objectifs différents
- Buts différents
- Conflit hôpital et AP
- Longueur d’onde différente
- Logique différente
- Cultures différentes

5. INTERNET ET VISIOCONFERENCE (Questions 12 et 13)
Sur un échantillon de 84 UCSA, la visioconférence est jugée par les infirmièr(e)s comme intéressante dans 44% des cas et très souhaitable dans 21% alors que 24% des interrogés pensent que cela n’apporterait rien. Dans 11% des cas, les infirmièr(e)s n’ont pu se prononcer, considérant que ce mode de communication était trop abstrait pour se le figurer.
Figure 9 : Opinion des infirmier(e)s sur l’utilisation de la visioconférence à l’UCSA

La question de l’existence d’un réseau intranet avec l’hôpital ou d’un accès internet a été posée aux 36 dernières UCSA de la liste alphabétique. Elle révèle que 64% des UCSA n’ont ni réseau ni accès internet, 17% bénéficient d’un réseau intranet seul et 19% ont un accès intra et internet.

IV. SYNTHESE
Cette première étape permet d’établir le constat que les UCSA ne sont que peu éloignées géographiquement des hôpitaux de rattachement (médiane à 3,5 Km).
Compte tenu d’une présence médicale discontinue et parfois insuffisante, les infirmièr(e)s se retrouvent souvent en première ligne pour assurer la prise en charge sanitaire des détenus.
Celles-ci ont alors recours aux avis téléphoniques avec le médecin d’astreinte ou le SMUR.
Même s’il n’existe pas d’éloignement géographique, les infirmièr(e)s ont globalement un sentiment d’isolement dans leur pratique quotidienne, mais aucune corrélation statistique significative n’a pu être établie entre ce sentiment d’isolement et les autres paramètres recueillis, notamment avec la distance UCSA-hôpital de rattachement.
L’accès aux soins spécialisés des détenus est selon les infirmièr(e)s équivalent voire meilleur que celui de la population générale (75%). Ce résultat plutôt inattendu sera confronté aux réponses des médecins généralistes et spécialistes puis analysé.
Bien que les infirmier(e)s notent une nette amélioration depuis la loi de 1994, on retiendra parmi toutes les difficultés évoquées, 4 principales :
- le manque de reconnaissance et le manque de considération de la part de l’hôpital
- la difficile relation avec l’administration pénitentiaire
- les difficultés pour obtenir des escortes et le fait que chaque extraction doit être « négociée... »
- le manque de médecin sur place
L’analyse du vocabulaire employé permet de mieux comprendre le sentiment d’isolement des soignants et de faire le lien avec leurs difficultés d’exercice en milieu pénitentiaire. On glisse ainsi d’un sentiment d’isolement à un constat d’exclusion richement révélé par les termes
employés.
Cette exclusion se retrouve également au niveau matériel puisque les 2/3 des UCSA n’ont accès ni à un réseau intranet, ni à l’Internet, ce qui conduit certaines infirmières à qualifier non sans humour la visioconférence de « science fiction ».
Néanmoins, après exposition des possibilités offertes par la visioconférence, une majorité d’entre elles se disent favorables à l’utilisation de ce type de technologie, moins pour rompre l’isolement que pour resserrer les liens avec l’hôpital et susciter de sa part un plus franc
investissement.
Enfin, l’analyse statistique visant à comparer les réponses selon les différents types d’établissement (maison d’arrêt, centre de détention, centre pénitentiaire, centrale) n’a pas permis de déterminer de facteurs significativement différents.