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07 Chap.3 Résultat - Temps médical

Mise en ligne : 19 décembre 2006

Texte de l'article :

B. RESULTATS TEMPS MEDICAL

I. POPULATION

Tableau 2 : Récapitulatif des caractéristiques de la population

1. MEDECIN « GENERALISTE » A L’UCSA
- Sur les 20 UCSA sélectionnées, seul un médecin a refusé de répondre par téléphone et n’a pas non plus renvoyé le questionnaire qui lui avait été envoyé par fac-simile.
- La durée moyenne des entretiens est de 47 minutes avec des extrêmes à 25 à 120 minutes.
- 15 hommes pour 4 femmes avec une moyenne d’âge de 48 ans
- 15 médecins ont reçu une formation en médecine générale et 4 médecins sont spécialistes (2 en anesthésie réanimation, 1 en médecine légale, 1 en rhumatologie)
- 60% des praticiens ont suivi une formation spécifique à l’exercice en milieu pénitentiaire (capacité, DU, certificat, toxicologie)
- 90% des praticiens suivent une formation continue (congrès, presses spécialisées, staffs hospitaliers)
- 70% ont une activité hospitalière depuis en moyenne 13,5 ans (extrême de 3 à 30 ans)
- 95% sont des praticiens hospitaliers (dont 30% contractuels), travaillant à plein temps dans 60% des cas et à temps partiel dans 40%.
- Le nombre de visites effectuées sur l’hôpital de rattachement est en moyenne de 3 par semaine.
- Ils exercent en milieu pénitentiaire depuis environ 9,5 ans (extrême de 2 à 23 ans)
- 85% des médecins ont un ordinateur personnel et 90% possèdent une adresse email personnelle qu’ils utilisent dans 65% des cas plusieurs fois par jour et 15% des cas plusieurs fois par semaine.

2. MEDECIN SPECIALISTE CONSULTANT SUR PLACE
- Sur les 19 spécialistes contactés, 1 n’a pu être joint malgré de nombreuses tentatives à cause d’un emploi du temps très dense (cardiologue chef de service)
- 4 spécialistes n’ont pas accepté de répondre, justifiant leur refus par le manque de temps (3) ou ne se sentant pas concernés par l’étude (1). Une deuxième série d’appels a néanmoins permis de contacter d’autres spécialistes notamment des psychiatres.
- La durée moyenne de l’entretien téléphonique est 32 minutes avec des extrêmes entre 12 et 60 minutes
- 14 hommes pour 4 femmes avec une moyenne d’âge de 49 ans.
- La série comporte 13 spécialistes somatiques (8 dermatologues, 3 hépato-gastroentérologues, 1 anesthésiste réanimateur et 1 interniste) et 5 psychiatres. Parmi eux, 3 spécialistes (2 psychiatres et un hépatologue) cumulent les fonctions de chef de service.
- 2/3 des spécialistes sont des praticiens hospitaliers temps plein et un tiers sont médecins libéraux effectuant des vacations à la prison.
- Ils exercent en milieu pénitentiaire depuis en moyenne 20 ans (de 1,5ans à 34ans)
- Pour 78% d’entre eux, consulter à la prison est un choix personnel dont les motivations sont variables selon les individus et les spécialités : pour les hépatologues et internistes, il s’agit d’assurer le suivi des patients porteurs du VIH et de l’hépatite C, d’autres spécialistes intègrent cette mission comme un service rendu à la société ou encore comme une action humanitaire.
- La dernière question de l’entretien cherchait à savoir s’ils trouvaient enrichissant de consulter à l’UCSA : 83% répondent oui en notant qu’ils ont « beaucoup appris » au contact des détenus. Ils mettent en avant la richesse et la réciprocité de cette relation médecin-malade, et soulignent la possibilité pour eux de diversifier leur pratique en soignant une population différente de celle qu’ils côtoient habituellement.
- 100% des spécialistes ont un ordinateur personnel et à l’exception d’un spécialiste, ils ont tous une adresse email personnelle qu’ils utilisent plusieurs fois par jour dans 65% des cas, ou de façon hebdomadaire ou mensuelle dans 35% des cas.

3. PROFIL DE L’UCSA
- La distance entre l’UCSA et l’hôpital de rattachement est en moyenne de 7,2 km avec une médiane à 3 km et en temps de 10 minutes avec médiane à 7 minutes.
- le nombre de détenus en moyenne est de 365 avec une surpopulation de 140% par rapport au nombre de place théorique
- Le nombre de consultations en médecine générale par détenu est de 9 consultations par an et de 1,2 pour les consultations spécialisées à l’UCSA.
- Le nombre de vacations (1/2 journée) par semaine est pour 100 détenus de :
o 2,6 en médecine générale
o 1,2 en psychiatrie
o 1 en soins dentaires
- Le nombre de vacations de spécialistes par mois est de 1,5 pour 100 détenus.
- La répartition des vacations de spécialistes intervenant à l’UCSA selon le nombre de vacations est présentée dans le schéma


Figure 10 : Pourcentage de consultations spécialisées et nombre de vacations par mois
- Le service hospitalier auquel l’UCSA est rattaché est dans 37% des cas les urgences, dans 22% des cas la médecine légale, dans 21% la médecine interne et les 20% restants sont partagés entre les services d’immunologie, de rééducation fonctionnelle, et du SMUR.
- La permanence des soins est assurée dans 42% des cas par une astreinte du ou des médecins de l’UCSA, dans 36% des cas par le centre 15, dans 16% par SOS médecin et dans 6% des cas par les urgences de l’hôpital de rattachement
- Les effectifs en médecins généralistes et spécialistes sont jugés suffisants dans 53% et insuffisants dans 47% des cas et 58% des médecins généralistes notent que des postes théoriquement prévus à l’UCSA restent non pourvus. Sans aborder la question des postes de spécialistes « somatiques », la figure 2 montre que les postes les plus déficitaires sont la psychiatrie, les soins dentaires, la kinésithérapie et les manipulateurs radio.


Figure 11 : Adéquation entre effectifs et besoins
- Enfin si les UCSA sont équipées d’ordinateurs dans 85% des cas, 50% d’entre elles n’en ont qu’un ou pas du tout.

II. DIFFICULTES DU SOIN EN PRISON
1. DIFFICULTES DE LA PRATIQUE MEDICALE
Cette question ouverte vise à cerner les principales difficultés auxquelles sont confrontés les praticiens. On constate que même sans patron de réponse, les difficultés évoquées sont les mêmes pour les médecins spécialistes ou généralistes et recoupent également celles des infirmières.


Tableau 3 : Difficultés de l’exercice médical à l’UCSA selon les médecins généralistes


Tableau 4 : Difficultés de l’exercice médical à l’UCSA selon les médecins spécialistes
A partir des réponses fournies par les infirmier(e)s lors de la première étape, une série d’items correspondant à des difficultés fut proposée aux praticiens avec une échelle d’évaluation de 1 à 4 (de pas du tout à beaucoup). En classant les réponses par ordre d’importance, les difficultés sont les mêmes que celles rencontrées par les infirmier(e)s et recoupent celles énoncées librement :
- le manque de soutien de l’hôpital
- le problème des escortes
- le manque de reconnaissance de la pratique médicale en milieu pénitentiaire
- le manque d’effectifs
- les difficultés à assurer la permanence des soins


Figure 12 : Difficultés dans la pratique quotidienne des praticiens à l’UCSA

2. ISOLEMENT
2.1 Sentiment d’isolement
L’évaluation du sentiment d’isolement est en moyenne de 4,1 pour les médecins généralistes et de 3,8 pour les spécialistes.
Certains médecins (52%) ont justifié ce sentiment d’isolement par :
- les difficultés d’accès aux spécialistes (50%)
- le défaut de reconnaissance par l’hôpital (20%)
- le sentiment d’être « oublié » par l’hôpital, d’être « à l’écart » (20%) en donnant comme exemple le fait que l’UCSA reçoit le courrier avec au moins 8 jours de retard
- Le poids de la prise de décision en particulier lorsque le nombre d’extractions est insuffisant (10%)


Figure 13 : Evaluation du sentiment d’isolement des praticiens

2.2 Lien entre UCSA et HOPITAL
Le manque de soutien de l’hôpital est moins marqué chez les praticiens généralistes ou spécialistes que chez les infirmièr(e)s. De même le sentiment d’exclusion exprimé indirectement par les infirmièr(e)s n’est pas retrouvé chez les médecins.

2.3 Influence du milieu carcéral sur la pratique médicale
90% des médecins généralistes et des médecins spécialistes pensent que les contraintes du milieu pénitentiaire influencent leur pratique médicale. Parmi les explications données, on en distingue 5 principales :
• l’UCSA : une unité hors de l’hôpital
o le problème de l’accès aux soins spécialisés (« lenteur », « délai »),
o l’obtention d’extractions (« limité », « tri »)
o la réalisation d’examens complémentaires (« sous-exploration des pathologies par rapport au milieu libre »)
• le détenu : un patient particulier
o « exigeant », « demandeur », « méfiant », difficulté à établir une relation de confiance
o absence du libre choix du médecin
• les difficultés de suivi du traitement, la « discontinuité » des soins
• les locaux « insalubres » et le manque de moyens mis à disposition pour les consultations
• enfin la difficile compatibilité des missions de l’administration pénitentiaire et de l’hôpital imagée par un praticien par la tentative d’assimilation d’une sphère par un cube 100% des praticiens considèrent les détenus comme des patients comme les autres, mais 25% notent qu’ils forment un sous-groupe particulier et largement défavorisé d’un point de vue socio-économique. Par ailleurs, 10% des médecins rappellent l’existence de « pathologies liées à l’incarcération » qui compliquent la prise en charge thérapeutique.
Enfin, la question de l’indépendance du praticien vis-à-vis de l’administration pénitentiaire semble désormais résolue puisque 95% des médecins généralistes se sentent « tout à fait » indépendants dans leur pratique.

III. ACCES AUX SOINS SPECIALISES
1. DIFFICULTES D’ACCES
De façon générale, l’accès aux soins des détenus est jugé par les médecins généralistes comme satisfaisant (75%) et très satisfaisant (15%) alors que 10% des médecins le trouvent insuffisant. Les médecins spécialistes le jugent dans 75% des cas satisfaisant et 20% le considèrent comme insuffisant voire très insuffisant (5%).
Les réponses données sur l’accès aux soins spécialisés des détenus sont plus réservées. Les raisons évoquées pour expliquer les difficultés d’accès aux soins spécialisés sont principalement le manque de spécialistes consultant sur place et les problèmes logistiques posés par les extractions dont le nombre est le plus souvent insuffisant.


Figure 19 : Comparaison des réponses IDE / MG /SPE sur l’accès aux soins spécialisés
des détenus
L’appréciation des difficultés d’accès aux soins spécialisés diffère significativement entre les infirmièr(e)s, les généralistes et les spécialistes.
Les généralistes qui sont à l’origine de la demande d’avis spécialisés, estiment à 58% que les difficultés d’accès aux soins spécialisés sont suffisamment importantes pour ne pas pouvoir considérer cet accès comme équivalent à celui de la population générale.
On remarquera qu’un tiers des médecins généralistes se sentent démunis dans leur possibilité d’accès aux avis spécialisés contre 26% qui estiment n’avoir aucune difficulté.


Figure 20 : Difficulté du médecin généraliste à obtenir un avis spécialisé
Les infirmières dans leurs réponses ont davantage considéré qu’en dépit d’évidentes difficultés d’accès aux soins, les efforts déployés par l’équipe soignante pour obtenir des avis spécialisés rendaient l’accès des détenus aux spécialistes équivalent à celui de la population générale.

2. SPECIALITES DEMANDEES


Tableau 5 : Spécialités les plus sollicitées par les médecins généralistes (en % de réponses)
Parmi les spécialités les plus sollicitées, on retrouve en premier lieu la traumatologie et la chirurgie, viennent ensuite la dermatologie et la cardiologie.
Spécialités chirurgicales : 33%
Dermatologie : 14%
Cardiologie : 13%
Ophtalmologie : 12%
ORL : 7%
Hépato-gastro-entérologie : 7%
Autres : 14%

3. DELAI DE CONSULTATIONS SPECIALISEES
48% des médecins généralistes estiment que les délais de consultations spécialisées sont plus longs que ceux obtenus pour la population générale. Seuls 10% des généralistes contre 28% des spécialistes pensent que le délai est moins long qu’à l’hôpital.
Parmi les facteurs susceptibles d’expliquer ces délais de rendez-vous, les retards liés aux problèmes d’escortes prédominent, suivis du délai de rendez-vous hospitalier et enfin des annulations demandées par le détenu.


Tableau 6 : Facteurs classés par ordre d’importance expliquant les retards et délais de consultations spécialisées (en % de réponses)

4. AVIS TELEPHONIQUES
Les médecins généralistes comme les spécialistes, ont recours épisodiquement aux avis téléphoniques.
Les spécialités les plus demandées sont la cardiologie, la traumatologie et l’hépato-gastroentérologie lorsque le spécialiste ne consulte pas sur place. De même, les conseils concernant la prise en charge de pathologies chroniques (hépatite, VIH, diabète, oncologie) est un des principaux motifs de consultation des spécialistes par téléphone.


Figure 21 : Recours aux avis téléphoniques
100% des praticiens interrogés confirment que connaître personnellement et/ou professionnellement son interlocuteur facilite la communication que cela permet une meilleure prise en charge des avis spécialisés. Mais au-delà de cette apparente évidence, il est intéressant de noter que plus de 50% des médecins ont dans leur réponse souhaité réaffirmer que l’étroite collaboration entre le médecin de l’UCSA et le spécialiste hospitalier est fondamentale pour la prise en charge de patients évoluant à distance de l’hôpital et nécessitant des soins spécialisés.

5. CONSULTATIONS SPECIALISEES : UCSA ou HÔPITAL ?
59% des médecins généralistes contre 82% des spécialistes considèrent qu’il est préférable pour le détenu qu’il soit examiné à l’UCSA plutôt qu’à l’hôpital.
Les raisons évoquées par les spécialistes sont d’une part l’utilisation des entraves le plus souvent « humiliante » et « mal vécue » par le détenu et d’autre part les problèmes réguliers d’escorte qui perturbent régulièrement le programme des extractions.
Pour les médecins généralistes, le respect du secret médical et de la confidentialité des examens, ainsi que les difficultés d’extraction sont les raisons principales données pour justifier les consultations spécialisées sur place. Au contraire, les médecins généralistes favorables à des consultations hospitalières avec extraction médicale dénoncent le problème des locaux et le manque de moyens pour effectuer des consultations spécialisées à l’UCSA dans de bonnes conditions.

6. LES EXTRACTIONS MEDICALES
56% des médecins généralistes estiment qu’ils disposent d’un nombre insuffisant d’extractions et 1/3 des médecins reconnaissent être obligés d’effectuer régulièrement des tris parmi les patients pour respecter le nombre d’extractions imposé par l’administration pénitentiaire.

7. LES SPECIALISTES A L’UCSA
Si pour les spécialistes, la principale cause du manque de spécialistes à l’UCSA est le manque d’effectifs à l’hôpital, les médecins généralistes l’expliquent plutôt par un certain désintérêt des spécialistes vis-à-vis du milieu carcéral qu’ils connaissent souvent mal.
Le volume de consultations insuffisant dans certaines spécialités est également un des facteurs qui compliquent la planification des consultations spécialisées à l’UCSA. De la même façon, l’importante fluctuation des effectifs et les transferts quotidiens de détenus rendent difficiles l’évaluation des besoins en matière d’avis spécialisés.
La peur évoquée par les spécialistes révèle un fois de plus la représentation négative du milieu carcéral auprès des soignants n’exerçant pas en prison. Vus de l’hôpital, le détenu et la prison font peur et plusieurs spécialistes reconnaissent que leur perception du détenu a changé à partir du moment où ils ont commencé à consulter à l’UCSA.

Parmi les solutions envisagées pour pallier le problème du manque de spécialistes consultant en prison, les spécialistes préconisent en premier lieu des mesures financières incitatives. Cela semble d’autant plus nécessaire que la plupart des médecins libéraux qui acceptent de venir consulter en prison, ne rentrent pas dans leurs frais lorsqu’ils consultent à l’UCSA.
Pour les médecins généralistes, si l’aspect financier est également soulevé, le recrutement des spécialistes passe surtout par la sensibilisation des spécialistes à la médecine en milieu pénitentiaire et une revalorisation de son image.
Enfin certains spécialistes comme les psychiatres, dénoncent de la part de l’hôpital, l’absence d’une vraie politique de prise en charge ambulatoire, pourtant essentielle pour assurer le suivi de patients situés à distance de l’hôpital.


Tableau 9 : Solutions envisagées par les généralistes (MG) et les spécialistes (SPE) pour remédier au manque de spécialistes en prison (en % de réponse)