CHAPITRE IV : DISCUSSION
A ce stade de l’exposé, il apparaît nécessaire d’abord d’évoquer les limites de la méthodologie pouvant avoir ou ayant une influence sur les points de discussions, puis de développer ces derniers autour de 2 axes principaux :
- le milieu pénitentiaire est-il un milieu isolé pour les soignants ?
- comment améliorer l’accès aux soins spécialisés des détenus ?
Enfin, à partir des éléments qui fondent la distance qui nous sépare des prisons, nous verrons comment adapter au mieux les moyens d’améliorer l’accès à ces soins spécialisés des détenus.
I. LIMITES DE LA METHODOLOGIE
1. PHASE 1 : TEMPS INFIRMIER
Les données chiffrées reposent pour la plupart sur les estimations des soignants. Seulement 20% des données sont issus du rapport annuel de l’année précédente. Néanmoins, on constate que les estimations faites par les infirmières sur la distance UCSA- hôpital recoupent celles faites par les médecins.
L’utilisation d’une échelle analogique pour évaluer le sentiment d’isolement a posé parfois des difficultés de compréhension notamment sur le sens donné au mot « isolé ».
La référence pour « pas isolé du tout » se basait sur l’exercice infirmier ou médical à l’hôpital, or certaines infirmières anciennes ou libérales n’ont jamais exercé à l’hôpital. Cependant, la majorité d’entre elles, habituée aux échelles visuelles analogiques de la douleur, répondait avec beaucoup de spontanéité. Par ailleurs, le score d’isolement était souvent justifié sur la
question des principales difficultés éprouvées.
2. PHASE 2 : TEMPS MEDICAL
Même si le choix de porter l’étude sur les maisons d’arrêt exclusivement a permis d’obtenir une certaine homogénéité dans l’échantillon étudié, les autres établissements pénitentiaires comme les centres de détention (distance UCSA- hôpital de rattachement moyenne de 19km) ou les centrales (distance UCSA- hôpital de rattachement moyenne de 15km) étaient significativement plus éloignés géographiquement ( p<0,002) ce qui aurait pu modifier l’opinion des soignants quant à l’utilisation des TIC.
L’échantillon de 20 UCSA représente un peu moins de 20% des UCSA des maisons d’arrêt françaises. Ce faible effectif donne une puissance statistique limitée pour pouvoir généraliser les résultats à l’ensemble des UCSA.
Le sujet étant ciblé sur l’accès aux soins spécialisés des détenus, il peut paraître regrettable de n’avoir pas interrogé les détenus eux-mêmes pour savoir comment ils jugeaient cet accès aux soins. Cela n’a pu être envisagé pour des raisons administratives, cette démarche nécessitant diverses autorisations difficiles à obtenir sur la période d’étude.
Le choix du questionnaire téléphoné s’est imposé pour des raisons pratiques. Il n’était pas concevable de mener des entretiens avec une quarantaine de praticiens répartis sur toute la France, or compte tenu de l’importante diversité des établissements pénitentiaires, nous souhaitions obtenir une certaine représentativité du territoire national.
Si le questionnaire permet de dégager grâce aux statistiques les principales tendances et de donner ainsi une vue globale sur la problématique choisie, les praticiens ont généralement peu de marge pour exprimer d’autres idées ou pour recentrer la problématique en fonction de leur expérience de terrain. Le fait de téléphoner le questionnaire a permis de limiter ce biais méthodologique en notant en marge du questionnaire les réflexions et les critiques des praticiens. De même, chaque thème abordé présentait au moins une question ouverte, et à la fin de chaque entretien, une question libre leur donnait la parole. Dans la quasi-totalité des cas, les praticiens ont jugé que le questionnaire était suffisamment complet sur le sujet et ne souhaitaient rien ajouter.
Par ailleurs, une enquête basée sur l’observation participante aurait été un complément aussi utile qu’intéressant pour saisir la problématique et comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les soignants dans leur pratique quotidienne. Seules quelques observations non participantes dans 3 maisons d’arrêt furent conduites pour s’imprégner du milieu carcéral.
Enfin, les infirmières comme les médecins n’ont pour la plupart aucune expérience pratique de la télémédecine. Les réponses obtenues sont donc basées essentiellement sur leurs représentations conceptuelles. Plusieurs soignants ont présenté de réelles difficultés à se figurer l’utilisation ou l’intérêt de ces technologies dans leur pratique.