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"Enseignement en milieu pénitentiaire" Emilie Madigou

1 Partenariat entre le Ministère de l’éducation nationale et le Ministère de la justice

Mise en ligne : 27 avril 2005

Texte de l'article :

1. / Partenariat entre le Ministère de l’éducation nationale et le Ministère de la justice

L’accès à l’enseignement correspond à un droit fondamental pour tous. Il figure dans les textes réglementaires, dans les recommandations et résolutions internationales.

L’article L.111-1 du code de l’éducation réaffirme ce droit : « l’éducation est une priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances.

Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté.

Pour garantir ce droit, la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation objectives, notamment en matière économique et sociale. [...]

L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. »

Le service public pénitentiaire, dans la loi du 22 juin 1987, rappelle ses deux missions inscrites dans le code de procédure pénale :
- Assurer l’exécution des décisions et sentences pénales et le maintien de la sécurité publique.
 - Favoriser la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire

A la lumière de ces visions et de ces projets mis en œuvre, nous pouvons synthétiser ainsi : l’enseignement dispensé dans les établissements pénitentiaires correspond à un droit pour les personnes privés de liberté.
Cet enseignement est aussi un élément essentiel dans le dispositif de réinsertion de l’administration pénitentiaire.

De ce fait, un cadre de coopération va être réorganisé au travers des textes conjoints du ministère de l’éducation nationale et du ministère de la justice de 1995 qui définissent un véritable service d’enseignement en prison. Ainsi les conditions d’intervention de l’éducation nationale dans les établissements pénitentiaires vont être éclaircies et des modalités de partenariat entre les deux ministères seront redéfinies.

Les ministères de l’éducation nationale et de la justice vont donc se partager la responsabilité de l’enseignement en milieu carcéral.

Comme pour chaque établissement scolaire, les textes prévoient un projet d’ensemble national, mais aussi une adaptation aux conditions locales comme à une population spécifique.

Chaque établissement pénitentiaire doit prévoir dans son règlement intérieur les conditions dans lesquelles est assuré l’enseignement.
Les cours dispensés sont essentiellement de la responsabilité de l’éducation nationale.

1.1. / Textes interministériels

La politique de l’enseignement en milieu pénitentiaire est définie conjointement par la direction scolaire et la direction de l’administration pénitentiaire.

 La convention sur l’enseignement en milieu pénitentiaire du 29 Mars 2002, signée par le directeur de l’administration pénitentiaire et le directeur de l’enseignement scolaire, se décline en quinze articles.

Elle actualise et précise la convention de 1995, première convention partenariale signée.

Elle organise les conditions d’interventions de l’éducation nationale dans les établissements pénitentiaires en confirmant la structuration de l’enseignement en milieu carcéral en Unité Pédagogiques Régionales.
Cette convention renouvelée inscrit donc pleinement l’enseignement pénitentiaire dans la vie de chaque académie pour un suivi meilleur et individualisé des personnes détenues.

Elle précise l’organisation et les visées de l’enseignement en prison, tout en soulignant la coordination des services pénitentiaires d’insertion et probation (SPIP).

 Cette convention est appuyée par la circulaire d’orientation sur l’enseignement en milieu pénitentiaire du 29 Mars 2002.
Elle remplace la circulaire d’orientation sur l’enseignement dans les établissements pénitentiaires du 27 Avril 1995.

 Ces textes permettent de mieux appréhender et de réorganiser les instances académiques et rectorales de l’éducation notamment vis-à-vis des unités pédagogiques mais aussi de renforcer une action plus proche comme les Unités locales d’Enseignement.

1.2. / Les Unités Pédagogiques

 L’Unité Pédagogique est une structure pédagogique spécifique de l’éducation Nationale qui fonctionne en milieu carcéral, à destination de jeunes et d’adultes. Elle est, néanmoins, rattachée administrativement à la direction régionale des services pénitentiaires.

L’U.P répond à deux objectifs :
-Un enseignement obligatoire et prioritaire jusqu’à 16 ans et très fortement recommandé jusqu’à 18 ans.
-Un enseignement de type formation continue pour adultes.

L’U.P doit permettre que « tous les détenus puissent avoir accès à une éducation de qualité équivalente à celle dispensée dans le monde extérieur »
L’objectif de l’enseignement est de contribuer à ce que la personne détenue se dote des compétences nécessaires pour se réintégrer dans la vie sociale.
L’Unité Pédagogique a pour vocation de dispenser l’ensemble des formations initiales et de préparer aux diplômes de l’éducation nationale. Ainsi sont réunis, les différents niveaux d’enseignement et de formation.
Elle établit des liens partenariaux avec tous les autres acteurs de la formation au niveau régional et local.

Les enjeux de la politique de l’enseignement en milieu pénitentiaire en 2004 sont la prise en charge des publics les plus en difficulté comme les illettrés et les jeunes détenus et l’évaluation des parcours de formation.

Des conventions régionales entre les deux institutions sont instituées pour permettre une action plus forte et plus ciblée. Ainsi des ressources pédagogiques, des formes de validation, des projets éducatifs sont mis en place par les différents partenaires régionaux.

1.2.1/ Au niveau régional : les Unités Pédagogiques Régionales

Une Unité Pédagogique est implantée dans chacune des neuf régions pénitentiaires correspondant aux 9 Directions Regionales du Servive Penitentiaire créant ainsi : les Unités Pédagogiques Régionales.

Chaque U.P.R s’étend sur plusieurs académie : 2 U.P.R concernent 2 académies ; 6 concernent 3 académies ; et l’U.P.R de Paris, elle, concerne 4 académies (celles de Paris, Créteil, Versailles, et Orléans-Tours). L’U.P.R de Paris recouvre les établissements pénitentiaires de la Direction régionale des services pénitentiaires de Paris
Il n’existe pas d’U.P.R pour les Dom Tom.

Les personnels de l’U.P.R, tels que les directeurs et les enseignants appartiennent au ministère de l’éducation nationale. Leur formation, leur nomination et leur rétribution sont donc organisés et gérés par ce même ministère. 
L’ équipe pédagogique est constituée d’enseignants en poste et d’enseignants intervenant ponctuellement.

Au niveau régional, L’U.P.R est placée sous l’autorité d’un responsable.
Il reçoit ses missions des deux ministères :
-pour l’éducation nationale, du recteur de l’académie 
-pour l’administration pénitentiaire par l’intermédiaire du directeur régional des services pénitentiaires (le siège de la direction régional est tout proche des prisons de Fresnes).

Le responsable des U.P.R, est choisi parmi les personnels de direction de l’éducation nationale, assimilés ou parmi les personnels enseignants titulaires du diplôme de directeur d’établissement d’éducation adaptée et spécialisée.
L’U.P.R de Paris et de Marseille a pour directeur un proviseur.
Le responsable d’U.P.R est secondé par une équipe de Direction.

Le directeur (ou proviseur) met en place pour son U.P.R un projet pédagogique, c’est-à-dire la coordination et l’organisation de l’ensemble des moyens d’enseignement.
Ce projet pédagogique doit intégrer les visées de l’enseignement définis par le ministère de l’éducation nationale et celles de réinsertion de l‘administration pénitentiaire, mais adaptées aux besoins des étudiants détenus de la région, à la nature des établissements (maison d’arrêt, centre de détention, maison centrale) .
Pour exemple, le projet régional de Paris d’enseignement de Paris reposent sur cinq grandes orientations :
-La scolarisation des plus jeunes, -La lutte contre l’illettrisme,
-La prise en compte de tous les étudiants dans leur diversité,
-La synergie entre les cycles d’enseignement,
-Le partenariat avec l’ensemble des acteurs de l’insertion

L’Education Nationale attend d’un Directeur d’UPR qu’il décline, dans ce contexte particulier, les missions attendues d’un personnel de direction :

 ? conduire une politique pédagogique et éducative au service de la réussite des élèves : C’est-à-dire veiller :
-à ce que chaque jeune bénéficie d’une scolarisation adaptée à sa situation individuelle,
-à ce qu’un repérage de l’illettrisme soit assuré dans chaque établissement pénitentiaire, et qu’une médiation soit proposée,
-à ce que les détenus adultes volontaires puissent, dans la mesure du possible, être « tutorés » dans leur projet de formation générale...

 ? conduire la gestion de l’ensemble des ressources humaines :
-Notamment des équipes d’enseignants intervenant dans les ULE...

 ? assurer les liens avec l’environnement :
-Articuler le projet pédagogique avec le projet d’insertion de l’administration pénitentiaire,
-Etablir tous les partenariats requis, avec les divers acteurs institutionnels et associatifs...

 ? administrer l’établissement :
-Gérer l’ensemble des moyens (structures pédagogiques, orientations budgétaires),
-Veiller au bon déroulement des sessions d’examens...

L’U.P.R est coordonné avec tous les partenaires institutionnels impliqués dans la politique de réinsertion : formation continue des adultes, travail, développement de la culture, prise en charge sociale et éducative.

Par exemple à l’U.P.R de Paris, le directeur aide les équipes enseignantes dans l’élaboration des projets et l’organisation des ressources. Il travaille en étroite collaboration avec les services pénitentiaires ainsi qu’avec les services académiques et les corps d’inspections de l’éducation nationale, notamment les inspecteurs chargés de l’adaptation et de l’intégration scolaires.
Il est assisté d’adjoints : l’un est chargé d’animer les 7 unités locales d’enseignements de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et l’autre est en charge de la politique d’enseignement aux mineurs détenus sur les établissements d’Île-de-France et du suivi des établissements concernés.

1.2.1/ Au niveau local : les Unités Locales d’Enseignement

L’unité locale d’enseignement est la structure présente sur chaque site pénitentiaire. Elle représente la structure locale de l’unité pédagogique.

Elles dispensent un enseignement qui s’inscrit dans le cadre de la politique d’insertion sociale et professionnelle de l’administration pénitentiaire. Chaque U.L.E s’inscrit dans le dispositif d’insertion de l’établissement pénitentiaire. La notion de partenariat est partie intégrante de chaque projet pédagogique.
Par exemple pour l’U.P.R de Paris, au niveau des premier et second degrés, 70 enseignants à temps plein et environ 200 enseignants en vacations sont repartis en 28 U.L.E implantés dans des maisons d’arrêt, des centres de détention, des maisons centrales en incluant un certain nombre de quartiers mineurs.

Le directeur de l’U.P.R a pour relais, le Responsables Local de l’Enseignement (« R.L.E ») présent dans chaque établissement pénitentiaire de chaque U.L.E.
Le responsable de l’U.L.E est nommé parmi les enseignants titulaires exerçant sur le site. Dans le cas où un seul enseignant est présent sur le site, il est affecté d’office à la fonction de responsable.

« Le RLE occupe une fonction à mi chemin entre professeur principal, conseiller principal d’éducation, et chef de travaux de lycée...C’est une fonction, ce n’est pas un statut. On peut utiliser l’image d’un établissement scolaire à annexes multiples, une sorte de cité scolaire, dont les salles de classe seraient éparpillées au gré des différents établissements pénitentiaires d’une DRSP. » . Il organise et anime le service de l’enseignement au niveau de l’établissement pénitentiaire. Il travaille en étroite liaison avec son U.P.R.

Chaque U.L.E élabore son propre projet local pédagogique d’enseignement en fonction de la réalité de l’établissement concerné, néanmoins il reste très en lien avec celui préparé au niveau régional
Ainsi chaque U.L.E est adapté au public présent et se doit d’être au plus proche des buts et visées définis par le projet pédagogique.
Cette connaissance du dispositif « intra muros » favorise une mise en œuvre efficace du suivi des personnes détenues.

« Pour exemple, au cours de ce premier trimestre 2004/2005, j’ai effectué une « visite pédagogique » dans 4 ULE de l’académie de Versailles, en m’attachant plus particulièrement aux projets pédagogiques concernant les ‘mineurs’ : J’ai pu apprécier 4 projets différents, chacun adapté au contexte, et favorable à la rescolarisation des jeunes concernés.

Le plus élaboré, sur le plan pédagogique strict, est celui du CJD de Fleury-Mérogis.
Mais il n’est tel qu’en fonction de la taille de l’établissement pénitentiaire, du ‘régime progressif’ de détention adopté, du volume horaire d’enseignement alloué, des partenariats finement tissés, enfin de l’engagement personnel fort des enseignants.
Ce projet repose sur deux axes, « l’information à la formation » (adaptation de l’éducation à l’orientation) et l’enseignement « modulaire ». Les « heures de cours » hebdomadaires sont devenues séquences précises d’acquisition de compétences, articulées selon un plan de formation individualisé, qui permet au jeune de glisser d’un niveau à l’autre, selon des durées variables, en fonction des apprentissages. Le dispositif pédagogique permet ainsi de répondre aux besoins des jeunes, sans que les groupes élèves reposent sur l’âge ou la "classe" ordinaire (4°,3°...).
Le suivi après l’incarcération relève d’un protocole élaboré avec les services de l’inspection académique de l’Essonne... »