Particulièrement investie dans le suivi des personnes infectées par le VIH et/ou le VHC, l’Armée du Salut reçoit, dans son centre d’hébergement et de réinsertion sociale [1] de Marseille, de nombreuses personnes ayant eu maille à partir avec la Justice. Sa directrice adjointe, Anne-Marie Bontemps, souligne la nécessité de créer des relais entre la détention et le milieu libre pour faciliter la réinsertion.
« Lorsque la prise en charge du VIH a commencé dans notre centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les traitements de substitution en étaient à leurs balbutiements, les trithérapies n’existaient pas, et les traitements hépatiques n’étaient pas pris en compte. Nous avons accompagné certains de nos résidents jusqu’à la fin de leur vie. Et ce même au sein de l’établissement », rappelle Anne-Marie Bontemps, soulignant le chemin parcouru. Depuis, l’Armée du Salut, à Marseille, a signé une convention non pérenne avec l’État (1996), pour accompagner huit personnes infectées par le VIH. Dix ans plus tard, sa capacité d’accueil est passée à douze lits VIH. Grâce aux avancées thérapeutiques, les perspectives de travail ont évolué. « Nous nous préoccupons davantage de resocialisation, de régularisations administratives ou d’accès au logement. Nous travaillons également de plus en plus autour de la notion de confort pour les personnes qui arrivent très désinsérées et doivent réapprendre à vivre dans des conditions décentes. » Le projet d’établissement, en cours de réécriture, accorde d’ailleurs une place importante au VIH.
Un besoin de proximité. L’Armée du Salut, à Marseille, accueille tout type de public sans domicile fixe en difficulté sanitaire et sociale. Au sein de cette population se trouvent de nombreuses personnes en rupture sociale, présentant des problématiques psychiatriques, ayant des addictions (alcool ou toxicomanie), parfois des comportements violents... Près de la moitié ont commis des actes de délinquance. « En 2006, nous avons suivi 21 personnes. Deux ne se sont pas présentées au rendez-vous. Les candidatures nous sont adressées prioritairement par les structures de soins (centres d’information et de soins de l’immuno-déficience humaine, hôpitaux...). Dans une moindre mesure, par les structures prenant en charge des toxicomanes. Les autres personnes sont orientées par des hôpitaux psychiatriques ou des associations tels Médecins du Monde ou Afrisanté », précise Anne-Marie Bontemps. En 2006, 63 % des résidents accueillis étaient sous trithérapie, 4,5 % sous bithérapie et autant sous quadrithérapie. Pas moins de 28,5 % n’avaient pas d’antirétroviraux. Plus des trois-quarts des personnes présentaient une coïnfection VIH/VHC, et 50 % souffraient de maladies opportunistes. « Ce cumul de pathologies met en évidence que les personnes reçues au CHRS nécessitent un suivi et un encadrement de proximité. Notamment quand elles entreprennent les traitements VHC », insiste Anne-Marie Bontemps.
Anticiper la sortie. Depuis octobre 2005, l’Armée du Salut a signé des protocoles avec le SPIP des Baumettes concernant le placement de détenus sortant de prison sans suivi de justice à leur libération, ou bénéficiant d’un aménagement de peine sous forme de placement extérieur individualisé. Elle reçoit également des personnes en libération conditionnelle et même, depuis 2007, des prévenus dans le cadre d’une mise en liberté. « Nous nous rendons une fois par mois en détention afin de rencontrer les personnes orientées par le SPIP », explique la directrice adjointe, qui précise que sont ainsi impliqués deux travailleurs sociaux et une psychologue. Afin d’évaluer cette action et de faire coïncider le mieux possible les orientations du SPIP et la prise en charge du CHRS, une rencontre avec les conseillers d’insertion et de probation a eu lieu. Un comparatif entre les orientations des personnes détenues et celles issues du droit commun ayant un passé avec la détention a par ailleurs été établi. « Il en est ressorti qu’une meilleure préparation devait être faite en détention afin que les personnes rencontrées puissent réellement s’approprier les démarches de réinsertion », résume la directrice adjointe. Autre constat : dans la plupart des cas, alors que des problèmes de dépendance sont présents, « les relais de soins ne sont pas toujours effectués et nous éprouvons des difficultés dans la prise en charge des soins faute de connaître cette problématique », observe-t-elle. Ces échanges se sont néanmoins révélés fructueux. « Ils nous ont permis de reposer le cadre, avec pour objectif d’accompagner ces personnes dans un parcours de réinsertion sociale plus réaliste et réalisable », analyse Anne-Marie Bontemps.
Une absence de soutien. Toutefois, il subsiste quelques bémols. « Actuellement, aucune personne n’a été orientée par le biais médical de la détention, déplore la directrice adjointe. Tous arrivent par le droit commun. Nous constatons pourtant que certaines personnes qui nous sont adressées ont eu des démêlés avec la Justice. Sans relais à leur sortie, elles ont souvent demandé de l’aide à des hôpitaux ou des associations. Nous nous interrogeons sur cette absence d’orientation du public en détention, et souhaiterions qu’une réflexion soit menée afin de répondre aux besoins de cette population. » Et de souligner : « le temps passé en prison par les travailleurs sociaux et la psychologue émane d’une réelle volonté de notre part. Mais cet investissement ne pourra perdurer sans l’obtention, entre autres, d’une reconnaissance financière des services de la Chancellerie. »