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12 * Je ne savais pas qu’on pouvait faire un tel parcours

Mise en ligne : 7 avril 2008

Témoignage de "Kader", fréquentant la Boutique de Sida Paroles

Témoignage de "Kader", fréquentant la Boutique de Sida Paroles

Texte de l'article :

Après de multiples séjours en prison, Kader[[Le prénom a été modifié]], 46 ans, contaminé par le VHC, a décidé de consacrer toute son énergie à son projet de soins. Fréquentant la Boutique de Sida Paroles, il a bénéficié du soutien de l’association durant sa dernière incarcération, « une aide précieuse », selon lui. Grâce au relais d’autres associations, il vit désormais en appartement de coordination thérapeutique ACT.

« J’ai effectué plusieurs peines pour infraction à la législation sur les stupéfiants. La dernière a duré trois mois et je l’ai faite à Nanterre. Depuis un ou deux ans déjà, je fréquentais la Boutique de Sida Paroles. C’est un ami qui m’a fait voir la baraque. Là on m’a branché sur la substitution. J’ai fait le nécessaire et j’ai réussi à avoir un traitement méthadone via le Trait d’Union, avec lequel Sida Paroles m’a mis en contact. Lors de mon incarcération à Nanterre, j’ai rencontré Sida Paroles qui venait faire une intervention sur la réduction des risques. Ensuite, ils m’ont envoyé un mandat avec une lettre, j’ai trouvé ça sympa, je ne m’y attendais pas, et je leur ai écrit. Rosine, la psychologue, est alors venue me voir au parloir avocat, puis elle est revenue tous les quinze jours. Ce qui était bien aussi, c’est que Sida Paroles gardait mes affaires dans un casier. Comme ça, j’ai pu les retrouver à la sortie, alors qu’avant, à chaque passage en prison, je perdais tout. Ils ont aussi récupéré l’argent qui me restait de mon RMI et me l’ont envoyé par mandat.

Rosine m’a apporté une aide précieuse. Ça rassure de voir que quelqu’un de l’extérieur, d’une association que l’on connaît, pense à soi, on se sent moins seul. Jusque-là, à chaque incarcération, j’avais personne. Toute ma famille est au bled, en Algérie, j’ai jamais eu de soutien. Et puis, pour moi, il n’était pas question de voir un psychologue travaillant avec la maison d’arrêt. En prison, je me méfie de tout le monde. Avec Sida Paroles, la confiance était déjà installée. Avec Rosine, on parlait de plein de choses, de la détention, de la toxicomanie..., de tout ce que quelqu’un dit à un psychologue. Ce que fait Sida Paroles, c’est vraiment indispensable sur le plan humain, car il y a des gens en prison qui n’ont absolument aucune aide. C’est écœurant la misère que j’y ai vu. Il y a des gens très malades, du sida ou autre, et on n’en tient absolument pas compte. On ne peut pas enfermer les gens comme ça, il doit y avoir d’autres manières de payer ce qu’on doit s’il y a lieu. J’ai une amie à la maison d’arrêt des femmes de Fleury qui a le VHC, le VIH et un cancer. Cela fait plus de quinze mois qu’elle y est, elle a des problèmes psychologiques, ça se voit de suite et pourtant on la laisse là.

Pour organiser ma sortie, un éducateur du Trait d’Union est venu me voir, ensuite tout s’est enchaîné. J’ai été libéré le 8 juillet 2006 et, le jour même, j’allais à L’Atre, à Lille [1]. Je n’ai reçu aucune aide du SPIP dans le cadre de la préparation à la sortie. Le seul travail qu’ils font fait, c’est de chercher si je devais encore des choses à la justice ! Même les amendes, ils les ressortent. J’ai jamais eu d’aménagement de peine. La seule chose que j’ai eue là c’est un jour de remise de peine supplémentaire pour retrouver Rosine à la gare et aller à Lille. Quant au train, j’ai dû le payer de ma poche. Je me demande à quoi servent les SPIP dans le cadre de l’insertion ! Après trois mois et une semaine à L’Atre, j’ai été accepté en post-cure au Cèdre bleu. J’ai eu beaucoup de chance car je ne trouvais pas de centre pour m’accueillir alors que normalement l’Atre n’accepte les gens que durant deux mois. Mais ils ont vu que j’allais dans le sens de l’insertion. Je ne parle pas de “ réinsertion ” car je n’ai jamais été inséré.

C’est au Cèdre bleu que j’ai commencé mon traitement pour l’hépatite C. J’ai appris vers 1996 que j’étais infecté. Je n’étais pas en prison alors. Un jour, je suis tombé malade, on m’a fait une prise de sang et voilà. Sans doute, cela faisait déjà longtemps que je l’avais. En prison, on ne m’a jamais proposé de suivi. La seule chose que j’ai réussi à enclencher, c’est la biopsie lors de ma dernière incarcération. Cela fait maintenant 8 mois que je me soigne et j’en ai en tout pour 18 mois car j’ai un virus un peu difficile (génotype 4). Le traitement est vraiment violent. Il tue, il massacre. Si je n’avais pas eu l’encadrement que j’ai eu, j’aurais déjà abandonné. Pour quelqu’un à la rue, c’est impossible. Avec le traitement, on a l’impression de passer de 40 à 120 ans, tellement on se sent faible. Cet été, j’ai perdu 19 kilos d’un coup à cause du VHC. J’ai cru que j’allais y passer. Je suis resté environ 10 mois au Cèdre bleu. Maintenant, je suis en appartement de coordination thérapeutique et je passe de temps en temps à Sida Paroles. Avant, je ne savais pas qu’on pouvait faire un tel parcours.

Aujourd’hui, je fonctionne par étape. Pour l’instant, je me soigne. Quand je serai débarrassé de ça, je pousserai la barre encore un peu plus haut. Je tiens bon, car comme j’ai déjà fait un peu de route, je n’ai pas envie de mettre ça à l’eau. Quand je vois que j’arrive à traverser le traitement du VHC, ça me redonne espoir. Après, je veux goûter à la vie. J’en ai marre de la drogue. J’en ai fait vingt fois le tour, c’est bon. Avec la substitution, j’arrive un peu à m’en détacher mais on est jamais à l’abri. Et puis enfin, il me reste encore à régler ma “ réintégration ” dans la nationalité française car aujourd’hui je n’ai toujours qu’une carte de résidence. On me considère comme Algérien - durant plus de dix ans, j’ai d’ailleurs eu une interdiction définitive de territoire et je vivais comme en cavale -, alors que je suis né en France, que j’ai fait toute ma scolarité ici, et que je me sens Français. ”

Notes:

[1] À Lille, l’Atre (Accueil temporaire pour la réinsertion) accueille des toxicomanes sortant de prison engagés dans un parcours de soin ou d’insertion. Originalité : un lieu et un accompagnement sont offets de la libération à la concrétisation du projet (post-cure, par exemple). Ce séjour-relais est notamment mis à profit pour clarifier leur situation administrative.