Animation : Jean-Pierre Laurent
Xavier Sesboué
La mise en oeuvre du DMA : diagnostic des modalités d’appropriation de l’écrit
Je voudrais, à la suite des développements théoriques, de l’intervention de Jean-Marie Besse sur le rapport à l’écrit et la question de l’illettrisme, tenter d’aborder quelles peuvent en être les applications théoriques sur le terrain de la prison, maison d’arrêt, ou centre de détention où rien n’est jamais ni simple ni facile quand il s’agit d’organiser des parcours de formation.
Il y a, on s’en rend bien compte au quotidien, un ensemble de contraintes et d’obstacles liés à la prison : ce sont les impératifs de sécurité bien sûr, mais aussi des concurrences entre les activités, on le sait (le sport, le travail pénal, les activités rémunérées, les visites, les questions de soins) qui sont concentrés dans une journée pénitentiaire qui est courte. Il y a également des divergences de points de vue, des cultures de métier qui ne sont pas toujours et naturellement convergentes ; un ensemble d’éléments donc, qui complique, je dirai singulièrement l’organisation des activités d’enseignement, en particulier, et de la journée pénitentiaire en général.
Une des difficultés qui peut être très pénalisante pour nous praticiens sur le terrain, c’est, je crois, la non maîtrise du temps, la durée d’incarcération que l’on ne connaît pas toujours, ce sont les transfèrements imprévus, les libérations impromptues, mais aussi, quelquefois un véritable morcellement du temps au quotidien qui vient résonner comme en écho, au morcellement de la personne, de sa pensée, de ses actions, de sa capacité à lier les choses à donner du sens et qui ne l’incite pas au final à s’inscrire dans la durée, dans un projet.
Dans ce contexte et paradoxalement, il me semble qu’il s’agit bien pour nous, de prendre le temps, de se donner le temps, de créer une véritable assise du temps si l’on veut mener dans des conditions satisfaisantes et suffisamment structurantes, le diagnostic des modalités d’appropriation de l’écrit. Je pense que cette prise en compte est sans doute, à la fois le premier acte pédagogique du diagnostic, et son fil conducteur en tant qu’il ouvre la perspective du projet, il fait retour sur les intentions initiales que l’on aura abordées avec la personne, il retisse des liens entre les situations, il compare et crée une dynamique. C’est en quelque sorte à la fois une dynamique et une démarche avec des cohérences et des repères qui permettent de ré-enclencher la décision de la personne et son action au quotidien.
Il y a dans le DMA comme dans tout diagnostic l’idée de chercher à comprendre et à identifier avec la personne détenue, ses savoirs, ses difficultés au moment de son incarcération, de son entrée en formation et à partie de là à élaborer avec elle, à construire un projet de formation qui réponde à ses besoins avec une promesse de bilan à échéance que l’on se donne environ 40 heures.
Échéance qui fera retour sur le chemin parcouru, sur les progrès réalisés, et qui envisagera d’enclencher une deuxième période de formation.
Je voudrais maintenant illustrer mon propos en vous parlant d’Eydin jeune détenu de 22 ans français d’origine turque.
La première évaluation de dépistage de l’illettrisme, avec le test d’Alain Bentolila, le situe dans la famille de lecteur C, c’est-àdire qu’il est capable de rentrer dans des écrits simples, courts, des textes aménagés, mais très, très rapidement, il va se retrouver en grande difficulté sur des textes narratifs, sur des journaux, sur des séquences de consignes.
Le diagnostic (DMA) comprend huit situations qui cherchent à étudier la manière dont s’est organisé le rapport à l’écrit de la personne autour de cinq domaines
- le domaine socio affectif considère que chaque personne est marquée par un certain nombre d’influences : son histoire familiale, bien sûr, son espace social, l’environnement dans lesquels il a évolué, grandi, les questions de santé qui ont pu se poser à lui, son vécu scolaire, les représentations qu’il a de l’école : un ensemble donc d’éléments qui viennent agir sur l’énergie qui pousse la personne à entrer dans une activité sur l’écrit et à lui donner du sens.
- le domaine des compétences métalinguistiques va s’intéresser à la connaissance que la personne a des différents supports de l’écrit, la connaissance qu’elle en a de ses fonctions et de ses usages.
- le troisième domaine s’intéresse plus particulièrement aux modes de traitement de l’écrit, c’est-à-dire à la connaissance et à l’utilisation des procédures d’écrit qu’utilise la personne et comment elle organise ces procédures en stratégies pour entrer efficacement dans le lire et dans l’écrire.
- il y a aussi dans cet outil diagnostic, une volonté de s’intéresser également au domaine des pratiques personnelles, c’est-à-dire d’essayer d’évaluer quelle utilisation la personne fait de l’écrit dans sa vie quotidienne, quelle expérience elle a au regard de l’écrit, quel projet, quel investissement elle y attache.
- et puis enfin le domaine des activités métacognitives va faire retour, va essayer d’évaluer la capacité de la personne à réfléchir sur ses manières de faire, à essayer de comprendre comment elle organise sa pensée, comment elle résout les questions de perception, de mémorisation, un ensemble de gestes cognitifs qui sont organisés ou mal organisé et qui vont venir éventuellement pénaliser ses accès aux apprentissages.
Le déroulement du diagnostic avec Eydin, fait apparaître dans le domaine socio-affectif des souvenirs d’école qui sont plutôt bons, mais dans le même temps il y a des zones de conflits difficiles et angoissants qui semblent s’enraciner dans l’investissement des parents d’Eydin, beaucoup plus tournés vers l’école coranique que vers l’école française. Eydin exprime ce sentiment d’angoisse qui se trouve aujourd’hui malencontreusement renforcé puisqu’il est à nouveau confronté au quotidien à des situations en détention de conflit identitaire.
Ce conflit nourrit chez lui un sentiment mitigé de honte puisqu’il dit
qu’il ne faut pas critiquer l’école de ses parents avec des sentiments
de regret car il dit « c’est dommage, il faut apprendre pour savoir
gérer sa vie pour gagner de l’argent ». Ce sentiment mitigé le
place bien souvent dans une position assez délicate et hésitante de
choix au regard de l’investissement qu’il va faire dans ses apprentissages.
Malgré tout, il connaît bien les différents supports de l’écrit, il sait à qui ils servent. Il en utilise certains : les journaux, des programmes télé, des bons de cantine. Il n’écrit quasiment pas, il lit très peu, il me dit : « je ne me réserve jamais le temps, je suis trop occupé, ou fainéant ».
Sur le troisième domaine, le mode de traitement de l’écrit, j’ai noté des difficultés dans les procédures d’assemblage, des inversions fréquentes de lettres de syllabes, (en particulier sur les pseudo mots qui imposent l’utilisation de la procédure d’assemblage : orizdal pour ozirdal) des ajouts (camétoscope pour caméscope), des omissions, des confusions. Toutefois, lorsque je lui demande de relire les textes, les phrases, les mots qui sont présentés par les situations en faisant d’avantage attention, alors il réalise une lecture correcte.
D’ailleurs voici ce qu’il m’en dit : « il faudrait que je lise beaucoup plus, pour m’entraîner et pour que les mots viennent direct pour mieux comprendre parce que je lis à mon rythme, parce que si vous vous arrêtez à chaque mot, ça ralentit, vous oubliez toute la phrase et vous ne savez plus de quoi ca parle ».
Il aura ainsi à plusieurs reprises des propos de situations de lecture qui indiquent que les procédures d’assemblage, Eydin en connaît les mécanismes, il s’en souvient, il les a appris à l’école, mais elles ne sont pas automatisées de sorte que l’énergie qu’il va occuper à mettre en oeuvre ces procédures est telle que l’accès au sens lui est quasiment limité et même barrée.
C’est d’ailleurs ce qu’il explique quand il dit « si vous vous arrêtez à chaque mot, vous oubliez toute la phrase et vous ne savez plus de quoi ca parle ». Et comme par ailleurs persiste en lui un désir fort de lire, il va accélérer son rythme d’action pour la recherche du sens au prix d’une précipitation qui enclenche de nombreuses erreurs, des omissions, des confusions de lettres, des inversions. Le nombre d’erreurs est tellement important que l’accès au sens à nouveau lui est barré. Eydin est dans un cercle vicieux : il prend bien le temps de lire, mais son rythme de lecture est tellement lent qu’il perd, en cours de lecture, le sens du texte, et quand il accélère son rythme, cela enclenche un certain nombre d’erreurs qui font qu’à nouveau, il est en situation de non-sens
Le diagnostic se termine avec un temps fort qui est le temps du bilan et c’est dans la restitution de ce qu’il a produit, c’est sur ces deux points forts du diagnostic qui émergent, d’une part, cette tension affective parfois tellement envahissante qu’elle paralyse la mobilisation cognitive et d’autre part ce défaut d’automatisation des procédures d’assemblage, que nous
avons décidé avec Aydin de concentrer nos efforts et d’essayer de bâtir et d’orienter un programme de formation.
Je dirai qu’en soi l’identification et l’explicitation de ces difficultés constituent déjà un premier acte de formation.µ
Le programme de formation a ensuite consisté à proposer alternativement
des situations de renforcement instrumental et d’automatisation
des procédures puisque c’est ce qui fait problème, en particulier chez lui, avec des situations de lecture et d’écriture fonctionnelle par exemple quelques textes aménagés relativement faciles d’accès, mais avec un contenu suffisamment riche pour rester plaisant, intéressant à lire et chargé de sens Donc deux types de situations alternatives d’apprentissage avec de manière permanente un rappel à la réduction de l’impulsivité et de la précipitation une incitation forte à mobiliser son attention et sa concentration d’abord sur des temps courts puis progressivement sur des temps plus longs.
On le voit : ce que l’on a tenté de faire avec Eydin c’est d’orienter nos efforts sur trois axes :
- celui des modes de traitement de l’écrit autour des procédures et de leur automatisation ;
- celui d’une recherche de réduction de l’affect, de la charge émotionnelle dont il a fait état ;
- celui d’un retour systématique sur des aspects métacognitifs.
Au bout de quarante heures au moment du bilan, du second diagnostic, on a pu mesurer avec Aydin, des progrès avérés particulièrement sur le domaine des procédures puisqu’à l’issue du retest LPP (traduction littérale svp ?) Eydin est désormais dans la famille D : c’est-à-dire qu’il se trouve beaucoup plus à l’aise pour repérer des renseignements utiles dans une documentation, il commet beaucoup moins d’erreurs que celles que j’ai décrites tout à l’heure, il se débrouille avec les petites annonces et il prend plaisir à entrer dans des textes assez simples. Par ailleurs il aborde les apprentissages de manière plus calme et sereine avec assiduité, malgré tout. Quelquefois, il lui reste des fragilités psychologiques qui nécessitent de temps à autre de marquer des pauses.
Le DMA mériterait probablement des développements plus complets tant les situations d’évaluation qu’il propose sont riches d’enseignement et tant la démarche qu’il enclenche paraît particulièrement pertinente et adaptée à nos publics. Mais voilà, dans le temps qu’il m’est donné ce que je pouvais vous présenter.
Jean-Pierre Laurent :
Merci Xavier. Voilà, vous avez une bonne illustration en situation de l’importance du diagnostic pour orienter l’action pédagogique.
Michel Febrer
Concevoir un outil niveau VI
Très précisément mon intervention va donc consister en un témoignage sur la démarche d’élaboration d’un outil de positionnement destiné à un public de niveau VI.
Cette intervention s’articule autour de quatre axes : la genèse de la démarche, sa mise en oeuvre, la présentation rapide de l’outil à partir de fiches caractéristiques que je vous présenterai et enfin une courte réflexion sur les intérêts et les limites d’un tel travail.
Au niveau de l’origine de la réflexion : plusieurs éléments de nature très diverse ont été mis en évidence par un certain nombre de nos collègues de la région de Bordeaux :
- Des difficultés rencontrées pour s’approprier et donc donner vie aux livrets d’attestation de parcours général,
- des difficultés d’ordre général dans la prise en charge des publics en grande difficulté,
- une volonté d’harmoniser les outils de travail tout en préservant, cela est très important, les manières de faire de chacun,
- une certaine crainte née des instructions officielles, notamment, de ne plus faire qu’évaluer,
- un souhait de formaliser, je dirai un premier acte d’apprentissage entre le repérage des gens en situation d’illettrisme et l’entrée en formation en tant que telle.
En un mot, il va être question d’une volonté de constituer une base commune de travail pour la mise en oeuvre de parcours individualisés de formation.
Au niveau de la mise en oeuvre : nous avons donc constitué un groupe de travail articulé autour du responsable de l’UPR de la région de Bordeaux. Ce groupe était formé de quatre conseillers techniques de lutte contre l’illettrisme faisant fonction, trois enseignants volontaires, un conseiller pédagogique de l’AIS, avec un support logistique fourni par l’IUFM de Périgueux.
Quelles étaient et quelles sont les intentions de ce groupe ? Il s’agit de construire un outil de positionnement initié exclusivement à partir de nous-mêmes, c’est-à-dire à partir d’expériences de terrain, de difficultés que nous rencontrons, avec une intention très globale d’informer, d’aider les collègues plus concrètement dans l’approche de ce public de niveau VI en très grande difficulté, et dans la manière dont ils vont s’y prendre avec ces publics.
Nous avons donc essayé de dégager des domaines d’investigation : français, mathématique, culture générale. Priorité a été donnée au français en tant que discipline certes mais surtout en tant que champ de compétences transversales. Notre intention était, d’une part, la volonté de réaliser des investigations sur des dimensions particulières comme les dimensions spatiales et temporelles, dont a parlé M. Besse tout à l’heure qui nécessitent des prises de repères qui mettent donc en oeuvre la capacité d’une personne à se situer et, d’autre part, le souhait de mettre en évidence un certain nombre de liens entre l’oral et l’écrit.
Pour étayer ce que je viens de dire, je vais vous présenter rapidement deux fiches. Je dois auparavant vous préciser qu’après de longues réflexions du groupe de travail, nous avons eu la volonté de décomposer cet outil en deux outils, l’outil 1 étant destiné aux familles de lecteurs A, B, C et donc aux familles de lecteurs les plus en difficultés et l’outil 2 destiné aux familles D et E. Il nous a semblé en effet beaucoup plus pertinent d’opérer cette distinction.
Présentation rapide de quelques fiches
La fiche que voici est la fiche n° 2 de l’outil 1 qui vient de suite après la fiche 1 censée mettre en évidence des capacités de repérage dans le temps. Elle est donc travaillée au niveau de l’oral.
À travers cette fiche n° 2 l’intention va être de voir si la personne est capable de se situer dans l’espace. Pour ce faire, on a tenté de créer une situation de communication sur cette question qui va notamment mettre en jeu la nécessité pour la personne de se montrer précise par rapport à une autre personne.
Ce document est montré aux stagiaires en difficulté. Vous voyez
que sur la partie haute vous avez un certain nombre d’éléments
(le chien, le ballon, la lampe...) qui n’apparaissent pas sur le document
du bas. On va demander à l’apprenant qui dispose de la
fiche du haut d’indiquer oralement au formateur ou à un autre
stagiaire qui lui va avoir la fiche du bas, de lui indiquer où sont
positionnés les divers éléments qui figurent sur la fiche de départ.
Ce que l’on doit vous dire c’est qu’au-delà des notions de relation
spatiale, s’est posé le problème du temps. On s’est demandé
si on n’allait pas passer tout le temps de formation à évaluer,
c’est la raison pour laquelle cette situation peut vous paraître succincte
comme épreuve, mais si on se réfère au temps total d’une
épreuve en français en mathématique, se pose la question du
temps de l’évaluation.
La deuxième fiche que je vous propose : c’est la fiche n° 9 qui
est en fin de l’outil 1, constitué de 11 fiches en tout.
Cette fiche arrive après une épreuve de segmentation d’écriture et avant une épreuve de repérage d’unités morpho-syntaxiques.
De quoi va-t-il s’agir sur cette fiche ?
On veut savoir si la personne est capable ou non d’associer une chaîne écrite à une chaîne orale et, pour être plus précis, savoir si la personne va prendre en compte la longueur du message oral pour repérer un texte écrit, si elle est capable de prendre des indices dans la chaîne parlée pour se diriger vers l’écrit. À cet effet le formateur va donner par oral dans la série 1 une des trois chaînes écrites ainsi que dans la série 2, une autre des chaînes écrites et il va demander au stagiaire de savoir à quel écrit ce qui vient d’être dit cela se réfère.
Vous avez là très rapidement expliqué le sens de notre démarche et c’est vrai que la question du temps d’évaluation a été quelque chose de très récurrent dans notre travail.
Pour arriver à la création de cet outil de positionnement, nous avons mis en place des procédures de fonctionnement. Le travail, la réflexion en tant que tels ont été initiés au mois de juin 2000, le groupe s’est constitué en septembre Six regroupements d’une journée dans l’année scolaire ont été organisés à l’IUFM de Périgueux. Au mois d’avril, le premier outil a été envoyé à l’ensemble des collègues de la direction régionale accompagné d’une explicitation de la démarche et de la demande de retour pour le premier juin. Seuls trois centres de notre région, ce qui a été pour nous un élément réconfortant, n’ont pas retourné d’information sur cette expérimentation.
À partir de l’analyse de ces retours, un positionnement en français plus abouti dont il a été précisé qu’il n’était pas une fin en soi et qu’il fallait le faire vivre a été proposé lors de la réunion de rentrée des responsables locaux de l’enseignement en septembre dernier. C’est ainsi que dans le prolongement de la présentation de cet outil, actuellement les conseillers techniques de l’illettrisme sur le terrain essaient avec les collègues de chaque zone de faire vivre ce document d’une part d’en modifier peutêtre un certain nombre d’aspects pour l’utilisation et que, d’autre part, se pose d’ores et déjà la question de la poursuite de ce travail notamment, et à savoir, la création d’un outil de positionnement en mathématique.
Intérêts et limites d’un tel travail ?
Disons qu’au niveau des intérêts, il y en a un ou deux majeurs à mon sens :
- ce travail a donné lieu à des moments très forts privilégiés d’échanges de pratiques, d’expériences de difficultés. Je crois qu’à cet égard, ce qui se passe ici depuis lundi montre la richesse qu’il peut y avoir dans des échanges et la nécessité de les promouvoir.
Il est apparu d’une façon très nette que lorsque l’on parle de positionnement, on s’inscrit dans des perspectives différentes en fonction notamment du public (adultes, mineurs) de la nature de la structure (CD maison d’arrêt), des caractéristiques des unités locales d’enseignement (travail seul ou en équipe pédagogique) Cela nous a obligés à nous décentrer de nos réalités professionnelles quotidiennes.
- D’autre part, le système d’expérimentation a permis à certains de nos collègues plus en difficultés que d’autres de se sentir en quelque sorte moins seuls, de se sentir épaulés et de prendre conscience qu’ils pouvaient prendre des points d’appui chez d’autres collègues. Le nombre important des retours témoigne d’ailleurs de cet état de fait et en corollaire, on peut estimer que, d’une part, cette démarche a favorisé l’appropriation de l’outil par nos collègues puisque pour la plupart ils ont participé activement à son remodelage et que, d’autre part, cette démarche a permis en quelque sorte de remobiliser, de fédérer un peu plus, le travail des enseignants autour d’un objectif commun.
Les limites, je crois qu’il ne faut pas se cacher la face, on va à présent, probablement rejoindre les propos de Monsieur Besse : le groupe est parti volontairement de son expérience de terrain avec une démarche ne s’appuyant pas explicitement sur des présupposés théoriques. En cela on peut, peut-être, considérer que pour que ce travail soit réellement opérant, il faudrait sans doute qu’il soit confronté à des modèles plus achevés comme celui du DMA que vient de présenter Xavier Sesboué ou comme l’outil ÉFoRe que va présenter Philippe Scolasch. Il faut également qu’il soit confronté à des travaux réalisés dans d’autres régions, par d’autres équipes. Ce ne sera sans doute qu’à partir de ce travail que les modèles que l’on a tous en tête vont devenir explicites.
Ce ne sera vraiment qu’à ce moment-là que l’on va pouvoir passer d’un savoir personnel à ce que Monsieur Besse a évoqué tout à l’heure, un savoir partagé.
Pour terminer mon propos, je dirai que d’une façon générale c’est toujours avec beaucoup d’interrogations, d’humilité, que nous abordons la problématique de la prise en charge de ces publics en très grande difficulté. Dans cette perspective, un outil quel qu’il soit de positionnement ou autre ne pourra vraisemblablement pas se suffire à lui-même et ne prendra donc son sens que confronté à autrui et placé bien évidemment pour ce qui me concerne dans la perspective de situations d’apprentissage en milieu fermé.
Philippe Scholasch
Présentation du CD Rom ÉFoRe « Évaluer - Former - Remédier »
L’outil a trois ans, autrement dit nous en sommes à la troisième génération du CD Rom ÉFoRe.
Il a été commandé par la direction de l’Administration pénitentiaire à l’UPR de Lille sur ma proposition, relayée par le proviseur auprès de Jean Pierre Laurent (PMJ3/Dap) qui trouva l’idée intéressante et me fit confiance.
L’axe central d’ÉFoRe, c’est un peu comme un « Hub » : un outil de mutualisation à deux niveaux :
D’abord celui des ministères car c’est le pôle « enseignement » qui crée un outil commandé et financé par la Dap. Illustration symbolique du travail entre les deux ministères.
C’est ensuite un outil qui va illustrer aussi cette mutualisation à travers les textes officiels qu’il propose. On trouve dans ÉFoRe des textes officiels propres à l’éducation nationale, par exemple celui du BOEN n° 36 ou encore des textes nouvellement ajoutés la circulaire d’octobre 1999 concernant la réforme des SPIP entre autres...
C’est aussi le bulletin d’enseignement qui pour moi reflète notre caractère professionnel spécifique, que l’on retrouve dans le pôle « remédier » d’ÉFoRe.
Remédier rappelle que l’on travaille avec des personnes en grande difficulté, des publics en rupture, atypiques, qui ne sont plus tellement dans la norme et pour lesquels on va essayer de sortir des sentiers battus en utilisant des méthodes un peu novatrices.
Avant d’installer ÉFoRe il faut absolument désinstaller le logiciel « Nuagiciels » afin d’éviter un problème de fonctionnement (bug constaté dans la version précédente).
Pour ceux qui le connaissent bien, vous allez donc retrouver ÉFoRe avec quelques petites différences. Nous travaillons maintenant avec Acrobat 5 qui ne nous a pas fait de cadeau car cette année il a été verrouillé ce qui a rendu la programmation de l’interface un peu plus complexe...
Voici donc :
Le sommaire
Il reprend tous les thèmes, il n’est pas interactif, parce que s’il l’avait été cela ne justifiait plus les précédentes rubriques... Imaginons qu’ÉFoRe, évoluant, ait trois ou quatre pages de sommaire... la navigation ne serait plus très pratique !
La présentation générale
Vous permet de voir les nouveautés, de trouver ce qui peut vous intéresser et surtout où pouvoir trouver cela, car les noms indiqués ici, sont exactement les mêmes noms que ceux que vous allez pouvoir retrouver dans la page d’accueil.
La page d’accueil
Vous la retrouvez automatiquement avec la petite flèche jaune en haut et à droite. Chaque fois, cette petite flèche vous permet de repartir en arrière et de la retrouver. Vous pouvez aller rapidement au sommaire ou encore au guide d’utilisation, par exemple ; c’est comme cela pour tous les outils.
La présentation a aussi été revue : la première page est, bien sûr, la page de présentation générale d’ÉFoRe et en page 2 vous retrouvez le sommaire. Tout cela est imprimable bien entendu. En page 3 toujours l’aide mais avec cette fois-ci des précisions quant à la configuration nécessaire.
Précisons que toutes les feuilles, que j’ai réalisées entièrement au format Pdf, sont interactives.
Évaluer
La partie « Évaluer » est constituée de quatre grandes rubriques dans lesquelles vous allez retrouver en toute logique « l’évaluation des parcours », parce que l’idée d’entamer un parcours avec quelqu’un c’est aussi le lien, la perméabilité que ce parcours symbolise entre l’enseignement « du dedans » et « du dehors ».
On passe, on fait quelque chose, ce quelque chose est noté, est écrit quelque part. Il permet à la personne de présenter et d’utiliser ses acquis à l’extérieur. Sinon je pense que cela n’a pas vraiment de sens ni pour nous ni pour les autres, car nous sommes, bien entendu des enseignants de l’Éducation nationale.
Dans ce dossier Évaluer, vous avez cette petite icône qui permet de développer toute l’arborescence. Cela prend de la place bien sûr, c’est pour cela que j’ai proposé la lecture des rubriques en raccourci, vous entrez à chaque fois par un clic et vous avez accès en bout d’arborescence au document.
Pour accéder au document vous cliquez puis vous lisez à l’écran, bien entendu vous pouvez zoomer. Vous pouvez également choisir une représentation standardisée de la page et aussi l’impression de celle-ci.
Vous avez donc le livret de parcours, tel qu’il a été donné. Bien sûr ce n’est pas la publication officielle, c’est évident, car ce sont des reproductions au format « PDF » scannées de l’original.
À présent nous sommes dans l’évaluation des parcours et immédiatement lorsque l’on accueille quelqu’un se pose la question du repérage. Pour l’instant, nous avons « lecture et population pénale », tout le monde connaît ce n’est plus la peine d’y revenir. Nous sommes convaincus de l’utilité de ce repérage.
Vous avez donc sa présentation (fichier) et immédiatement accès au logiciel. La documentation est donnée en ligne également et la fiche de saisie n’est qu’un modèle car je pense que beaucoup de centres utilisent en fait un modèle personnalisé aux demandes des différents services des établissements. Cette fiche est donnée ici à titre d’information parce que l’on peut se le permettre, ayant beaucoup de place.
Nous passons ensuite à un outil de positionnement : une fois que l’on a repéré la personne, on va devoir la positionner plus précisément.
Nous avons là la contribution de deux UPR recroisant ainsi l’idée de mutualisation cette fois à trois niveaux, qui vont aller à double sens, entre les ministères, les directions régionales et les unités locales d’enseignement. J’ai donc envie de dire en fait qu’ÉFoRe, c’est moi, c’est vous, c’est nous. Il vit par notre travail et ce ne peut être que comme cela qu’il perdurera. Il faut que tout le monde se l’approprie, c’est un outil dans lequel on devrait retrouver les travaux de chacun, et à vous écouter depuis hier, il y a beaucoup de choses qui vont pouvoir arriver dans la prochaine mouture.
Nous avons deux outils de positionnement que vous connaissez sûrement déjà, grâce à la contribution de deux UPR : Lille et Rennes.
Vous avez par exemple en français à Lille, une série I avec un niveau un et un niveau deux, tout cela est expliqué. À chaque fois vous avez une présentation à laquelle vous avez accès directement par un petit clic sur un bouton. Le bouton ne s’imprime pas bien entendu, ils ne sont là que pour la navigation. Vous avez dès lors ici une navigation relativement facilitée avec en final toujours l’accès au document avec bien entendu la possibilité d’imprimer.
Vous avez ensuite des outils de recherche car rien n’est figé : nous avons proposé deux positionnements, mais il y en aura sûrement d’autres. Pour ceux là aussi la recherche telle qu’on en a eu un peu l’illustration par Jean-Marie Besse peut nous aider à aller aux concepts.
Voici justement cette recherche DMA effectuée par l’équipe de Lyon qui est ici présentée dans son intégralité toujours avec une certaine fonctionnalité y compris la recherche de mots.
Vous avez accès au sommaire avec une interaction totale, vous pouvez par exemple aller dans l’historique du débat directement et retourner directement au sommaire ou retourner ensuite au niveau de performance.
Ensuite les Macem dont le créateur est Dominique Barataud.
L’outil Macem est en fait à deux endroits parce qu’il est constitué d’une partie repérage et d’une partie approfondissement. Je vous présente ici la version repérage.
Cette année, une équipe s’est constitué autour d’ÉFoRe pour essayer de proposer une présentation plus pertinente, des titres et des rubriques un peu mieux agencées et organisées de manière à aboutir à un outil commode.
Former
Dans Former, on vous propose des référentiels pour aider à former. L’Académie de Lille nous a permis de mettre en ligne le référentiel Segpa, à titre indicatif uniquement.
Beaucoup d’enseignants en milieu pénitentiaire sont passés en Segpa.
Cela reste intéressant d’avoir plusieurs outils et de les mutualiser, les échanger.
Puis le référentiel du Fas, ce référentiel est intéressant, si on veut se le procurer il faut l’acheter ou le consulter auprès du Fas.
Nous avons aussi le référentiel de Colette Dartois destiné à la formation des publics peu qualifiés.
Il y a régulièrement des mises à jour dans ÉFoRe et des références à la recherche concernant l’évolution de tous les modules.
Nous avons ensuite, et je remercie Monsieur Bastoul qui nous a envoyé tout cela, une superbe contribution dont seulement une partie est mise en ligne ici. C’est un énorme travail qui concerne une formation Maintien et hygiène des locaux, pour les niveaux V et VI, qui a été réalisé par le Greta de Dijon.
Cet outil est très intéressant car il est modulaire. On y a facilement accès car cela a été fait avec le souci de pouvoir être présenté à tout type de public (donc d’être abordé avec les niveaux VI et V). Il faut aller les découvrir. J’ai appris beaucoup de choses en recréant ces pages. L’an prochain je crois qu’il y aura plus d’une trentaine, voire une quarantaine de modules. C’est à vous de voir, d’utiliser, de nous faire vos remarques, je n’en ai encore que trop rarement.
Nous allons ensuite rejoindre la formation des enseignants eux même, s’ils le veulent. J’ai fait un répertoire d’adresses internet dont chacune peut être démarrée directement de cette feuille : si vous êtes connectés sur le Web, vous cliquez et le lien est immédiat.
Vous trouverez également une bibliographie très large, (j’ai récupéré cela sur le Net, c’est une synthèse de plusieurs sites, avec, à chaque fois, un petit résumé). C’est une indication à compléter par vous.
Afin de vous montrer la face cachée d’ÉFoRe j’ai procédé à une création. On peut, par exemple, décider de rassembler, pour des groupes de niveau VI ou de niveau V, des documents utilisés régulièrement au format Word ou Excel ou autre et de les mettre en ligne. J’ai pris deux niveau VI, Lucien par exemple et Patrick.
J’ai consacré à Lucien une page Web, dans laquelle je lui ai proposé un petit truc que j’ai travaillé en htlm à la maison. Il va pouvoir travailler avec cela s’il en a envie.
J’ai par exemple trouvé sur le disque dur un exercice d’application de calcul d’amortissement, certes un peu difficile. Je peux démarrer tout type d’application y compris un fichier d’aide tel que celui qui avait été fait par l’UPR de Dijon concernant les langagiciels et les nuagiciels, ça fonctionne. Je peux reprendre des exercices d’ÉFoRe qui sont en ligne et les attribuer à quelqu’un, démarrer quelque chose sur la météo etc...
Pour cette utilisation d’ÉFoRe, il y a un code administrateur qui
est « mdpef ».
Remédier
Ici on a l’impression qu’il s’agit d’un seul outil, mais en fait, il y en a trois :
- le premier c’est Macem dans son intégralité avec une proposition soit de le livrer tel qu’il est vendu au Cnefei, soit pour nous, car j’ai réalisé une série « item par item » qui permet maintenant d’accéder en fonction de ce que l’on veut faire avec des couleurs différentes directement aux fiches ce qui vous permet d’aller plus vite. Améliorer l’interaction c’est gagner du temps aussi.
- Ensuite vous avez un nouvel outil tout à fait intéressant qui a été produit par la direction des Affaires scolaires, avec un groupe de recherche constitué ici par le groupe national de réflexion sur l’enseignement des mathématiques dans les dispositifs relais.
Dispositifs relais qui ont une partie commune de recherche avec nous, représentée par ce public un peu zappeur que l’on retrouve dans les collèges, dans ces structures relais. C’est une recherche qui concerne les « Aire et périmètre » je vous laisse découvrir l’outil.
- Puis Langagiciels Nuagiciels : démarrons par exemple avec « Cesécrit », on peut ouvrir un module, il n’y a pas de problème ça marche, tous les modules fonctionnent.
- Vous avez la contribution de l’UPR de Dijon avec la base-textes qui avait été proposée pour le CAP de français.
- La poésie est une partie tout aussi intéressante, à mettre entre toutes les mains.
Le dernier point concerne les publications officielles qui ont été très largement enrichies.
Cette partie d’ÉFoRe rassemble quatre points :
- La présentation du dispositif d’enseignement et quelques-unes de ses évolutions (analyses quantitatives).
- Le bulletin de l’enseignement en milieu pénitentiaire - celui que vous êtes en train de lire y sera ajouté par la suite !
- Des textes de référence de l’enseignement en milieu pénitentiaire.
- Des textes de l’Administration pénitentiaire dont le sujet est situé dans le champ de la réinsertion.
De manière plus détaillée, les bulletins de l’enseignement sont tous intégralement présentés, témoignant à la fois de la richesse et de la diversité des actions menées par tous. Chaque bulletin bénéficie également comme tous les documents de l’interactivité qui facilite la navigation dans le document.
Enfin parmi les principaux textes relevant de l’enseignement ou encore de l’AP, je signalerai la présence du livret mineurs qui offre 68 pages de précisions, de présentation et d’aide à la définition du travail auprès de ces jeunes. Sans pour autant minimiser les autres, celui-ci est avant tout un guide pour l’action à partir de questions transversales.
Question sur le lien entre le DMA et les méthodes traditionnelles de lecture.
Jean-Marie Besse : la méthode traditionnelle nous l’avons travaillée dans les équipes de recherche précisément à partir de ce qu’elle ne pouvait pas donner donc à partir de ses limites et de ce qu’il en restait sur ce public en situation d’illettrisme. Le premier reproche que l’on a pu faire à ces méthodes traditionnelles c’est qu’elles s’appuient en fait sur une partie du traitement de l’écrit, c’est ce que Xavier a montré tout à l’heure avec l’exemple de Eydin, qui avait un déficit sur les procédures d’assemblage.
Pour notre part, nous envisageons le processus de lecture non pas comme à une composante, mais à plusieurs composantes et, dans les différentes composantes, on fait un diagnostic très précis de ce qui va et de ce qui ne va pas et l’on sait à ce moment-là sur quoi travailler. On n’y travaille pas directement comme dans les anciennes méthodes, où effectivement on était directement dans l’instrumental. Ce qu’il s’agit en fait c’est de contextualiser l’apprentissage pour la personne
Question : ÉFoRe est-il partageable en réseaux ?
Philippe Scholasch : Je ne l’ai jamais essayé, je vous l’avoue.
Je sais que l’I-Mac y est car il a une icône « lire-réseau » et quand vous le mettez sur le serveur cela vous permet de partager tous les outils du Mac. Je pense qu’il faut l’installer sur toutes les machines en réseau et partager les ressources c’est-à-dire que vous avez sur le serveur des ressources et les liens que vous pouvez créer tels que moi je l’ai fait, avec ma petite icône « groupe » : vous mettez les liens sur le serveur et l’appareil esclave va directement les chercher sur le serveur. J’essaierai et je vous contacterai directement pour vous dire si ça marche.
Question à Michel Febrer : le travail de réflexion sur des outils d’évaluation pertinents ne met-il pas en évidence la complexité de plus en plus évidente du public que l’on prend en charge ?
Michel Febrer : A priori, j’aurais tendance à répondre oui pour une première raison que nous connaissons tous, à savoir que lorsque l’on parle de personnes en grandes difficultés d’apprentissages des savoirs de base notamment du « lire écrire compter », on est déjà en face d’un public qui est aux franges du FLE ou de l’illettrisme. Très souvent on essaie d’apprendre à lire et à écrire à un public qui est déjà en difficultés avec sa propre langue maternelle. D’où un premier problème pédagogique.
Le deuxième aspect de la question c’est que le public en difficulté évolue dans le sens où, me semble-t-il, c’est un public plus volatil qu’avant. Ce sont des gens que l’on a du mal à fidéliser, qui vont venir, que l’on ne va plus voir pendant quelques jours et avec lesquels il devient difficile d’envisager un parcours de formation en tant que tel.
Troisièmement, on assiste, à une évolution qui fait que l’on a tendance à recevoir, je crois, des personnes en difficultés massives mais pas uniquement sur le plan pédagogique. Pour poser le moindre acte pédagogique, il faut qu’il y ait une aide opérée par les services psychologiques ou autres. Comment travailler sur un plan pédagogique avec ce public qui a par ailleurs d’autres problèmes à régler en amont. C’est une évolution massive qui a été mise en évidence par notre direction régionale. C’est un problème qui de plus en plus nécessite un travail d’équipe et notamment pluridisciplinaire. Et lorsque nous nous sommes posé la question de savoir comment et ce que l’on positionne en français, ce phénomène est venu de suite à l’esprit. Pour autant, nous ne l’avons pas réglé. Nous nous sommes fixé un certain nombre de limites, d’idées directrices qui sont censées s’adresser à des gens en grande difficulté. On essaie de faire en sorte qu’à partir du travail que nous proposons et des objectifs que nous nous fixons, nous soyons susceptibles de les aider à leur réinsertion, mais on n’est jamais certain de réussir. Le public, effectivement n’est probablement plus celui auquel nous nous adressions il y a une dizaine d’années et probablement il ne cessera d’évoluer.
Question sur le lien que l’on fait entre ces recherches, les expérimentations et le travail avec l’Enap.
Jean-Pierre Laurent : Sur la question de l’illettrisme, il est évident que les pédagogues sont particulièrement impliqués dans le travail de repérage et de traitement pédagogique. Mais c’est aussi l’administration pénitentiaire, en tant que telle, qui est engagée dans la lutte contre l’illettrisme et d’ailleurs, la dernière version du projet de loi pénitentiaire réaffirme l’idée d’une priorité pour l’administration pénitentiaire sur cette question avec l’idée d’un repérage systématique assuré auprès de toutes les personnes qui entrent en détention.
Depuis de nombreuses années il y a donc des interventions sur ce thème auprès des différents personnels pénitentiaires en formation.
Depuis que l’Enap est à Agen, il y a une petite rupture technique qui sera prochainement compensée. Je crois qu’il est effectivement extrêmement important qu’à un niveau d’information voire d’une manière un peu plus approfondie sur la question du repérage et des approches pédagogiques, il y ait une information pour tous les personnels pour faciliter l’organisation des activités centrées sur l’illettrisme et la mise en commun des observations sur les personnes détenues. Il est évident aussi que l’on pourrait établir des liens au niveau de la recherche, entre les différents secteurs de l’Enap et les différents chercheurs qui sont impliqués dans le domaine des formations et sur les statistiques.
Question du DSPIP O4-O5 : J’ai écouté avec attention l’intervention de Monsieur Besse et il a évoqué les lecteurs de journaux, et je suis un lecteur assidu des journaux et donc je crois qu’une des causes de l’illettrisme est la déperdition des connaissances. J’aimerais qu’il précise davantage sa pensée à propos de cet élément. On a vu que la machine était un peu facétieuse et que le discours officiel était un peu éliminé par la force des choses, donc il me semble que cela se situerait bien dans l’esprit de notre colloque tel qu’il se déroule.
Jean-Marie Besse : En effet, ce à quoi vous faites référence, c’est le propos que j’ai tenu tout à l’heure autour de l’idée que les gens qui sont en situation d’illettrisme ne sont pas des gens qui auraient perdu la lecture écriture, mais des gens qui selon moi ne se la sont pas appropriée. En effet s’approprier la lecture écriture suppose comme Xavier l’a démontré tout à l’heure, sur un exemple, d’avoir été en mesure de faire des liens entre des éléments qui relèvent de la pratique et des éléments qui relèvent notamment des modes de traitement de l’écrit. Sur ces modes de traitement de l’écrit, les personnes en situation d’illettrisme, nous montrent qu’ils ont des bouts de savoir, mais que ceux-ci ne sont pas organisés dans des savoirs opérationnels et c’est pour cela que je dis qu’ils n’ont pas appris parce qu’apprendre pour moi est au niveau de l’automatisation. Quand, sur un texte, on bute à chaque mot et que même si on arrive à identifier chaque mot, on n’est pas en mesure de produire un sens global sur tout le texte, c’est dire que quand on va lire un journal ou un texte sur informatique, le coût cognitif va être tel qu’on ne peut dire que cette personne-là, ait vraiment appris. Pour moi l’objectif de l’apprentissage, c’est d’atteindre un niveau d’automatisation, c’est-à-dire, de lire comme vous et moi être capable de lire sans effort : E, deux F, O, R, T.