« Les citoyens d’un même Etat, les habitants d’une même ville ne sauraient vivre toujours seuls et séparés. » 
Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social
La prison interroge la société qui se trouve, en elle, confrontée à sa propre marginalité. Du fait de la transgression des règles établies par le délit ou le crime, la prison représente un point de rupture. Rupture entre la société et les sujets dont elle est composée, rupture du contrat social, rupture de l’expression d’une citoyenneté. Il convient alors de s’interroger sur l’appartenance des personnes détenues à la collectivité.
Jusqu’en 1854, « la mort civile » pouvait être prononcée comme une  peine supplémentaire pour les personnes condamnées à la perpétuité ou à  l’exécution capitale, elle consistait en l’extinction générale des  droits civils.
En 1885, la loi sur la relégation crée « l’internement perpétuel sur  le territoire des colonies ou possessions françaises » des délinquants  et criminels multirécidivistes : ils ne pouvaient plus jouir de leurs  droits civiques et étaient forcés de quitter le territoire. Un siècle  plus tard, en 1970, la relégation est supprimée et est instituée la  tutelle pénale pour les récidivistes, qui sera abrogée par Robert  Badinter en 1981.
De cette évolution historique émerge un questionnement empreint  d’actualité : les personnes détenues peuvent-elles être des citoyens à  part entière ?
La prison doit donner un autre sens, une autre direction à la peine, un horizon tourné vers la collectivité.
Jadis  lieu de passage vers le châtiment réel, symbole de rupture entre  l’Homme et la Cité, la prison nécessite aujourd’hui le maintien du lien  vital qui unit ces hommes à la Cité. La prison doit donner un autre  sens, une autre direction à la peine, un horizon tourné vers la  collectivité. 
Parce qu’on naît citoyen et parce que chaque individu est lié de par  son existence même à la société, il faut penser la prison, la nécessité  de sanction, sans détacher les personnes des autres citoyens qu’elles  seront amenées à retrouver. Depuis 1981 et l’abolition de la peine de  mort, toute personne condamnée est destinée un jour à sortir de prison.  Toute personne détenue est donc, comme toute autre, une personne en  devenir. Ainsi il est dans l’intérêt de tous de préparer cette sortie et  de faire en sorte que « chaque détention [soit] gérée de manière à  faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées  de liberté ». 
De nombreuses personnes détenues vivent 22h sur 24 dans l’oisiveté la plus totale. Aujourd’hui,  près de 54% des personnes détenues sont sans diplôme, plus de 85 000  personnes sortent de prison chaque année parmi lesquelles10% ne  disposent pas de solution d’hébergement pérenne, 35 % de la population  mise sous écrou vit sans ressources suffisantes, de nombreuses personnes  détenues vivent 22 heures sur 24 en cellule, dans l’oisiveté la plus  totale. Face à ces réalités, comment maintenir ou développer le  lien entre la société et les personnes détenues ? Comment faire de la  prison un temps utile et non un temps mort ?
La prison interpelle notre société, lui rappelle ses valeurs  fondatrices. Elle est un reflet altéré mais nécessaire des différentes  évolutions constitutives de nos mœurs et de nos institutions. Ce sont  ces interrogations qu’il nous faut saisir et révéler, c’est ce lien  perdu pourtant évident que nous devons créer et cultiver. La citoyenneté  ne s’arrête pas aux portes des prisons !



  
  

  