Si la peine de prison emporte privation de la liberté d’aller et de  venir, elle n’affecte pas, en principe, la liberté d’expression.  Pourtant, même si l’interdiction de parler n’y est plus en vigueur, la  prison réduit encore au silence celles et ceux qu’elle enferme. La  liberté d’expression, droit fondamental reconnu comme tel par la  Constitution française et la Cour européenne des droits de l’Homme, fait  parfois pâle figure derrière les murs des établissements  pénitentiaires. Absence de droit d’association, difficultés pratiques à  mettre en œuvre le droit de vote, limitations des correspondances  écrites et téléphoniques, interdiction de signer la moindre pétition,  ... Si de timides progrès ont été posés à l’état de principe par la loi  pénitentiaire du 24 novembre 2009, un mutisme contraint frappe encore  les « usagers du service public pénitentiaire ». Contre tout espoir, ces  nouvelles dispositions législatives, en effet, ne se conforment même   pas à la règle pénitentiaire européenne n°50, qui préconise de « donner  la possibilité aux personnes détenues de discuter ensemble de questions  relatives à leurs conditions et d’en faire part aux autorités  pénitentiaires ». Pour les dizaines de milliers de personnes prévenues  ou condamnées qui se trouvent actuellement derrière les barreaux, cette  absence de prise de parole mène, parfois, à des conflits très violents.  Une bonne partie de ces incidents auraient pu être évités si des espaces  de parole avaient été aménagés.   
La loi contrôle strictement les transmissions d’informations  entre l’intérieur et l’extérieur. Quand elle parvient à franchir les  murs, illégalement ou après une libération, la parole des personnes  détenues  est presque systématiquement disqualifiée par le caractère  stigmatisant de la sanction pénale. Souvent, aujourd’hui, c’est grâce à  la caution morale que représentent certaines personnalités ou certaines  associations que la voix des personnes incarcérées et de leurs familles  parvient péniblement à se faire entendre dans l’espace public. Mais ces « porte-paroles » ne déforment-ils pas les voix dont ils se disent la  bouche ?   
Le GNCP a choisi cette année de mettre en débat l’expression  individuelle et collective des personnes incarcérées et de leurs  familles. La nouvelle loi pénitentiaire prévoit, certes, une petite  ouverture, notamment, en donnant à toutes les personnes détenues la  possibilité de téléphoner, au moins à leurs proches, si elles en ont les  moyens. Mais pourquoi maintenir cette interdiction de s’exprimer  publiquement, individuellement ou collectivement ? Des formes de  consultation institutionnalisée existent déjà au Canada, au Royaume-Uni,  en Allemagne , ... De fait, il s’établit toujours une forme de dialogue  entre les personnes incarcérées et le personnel pénitentiaire. Alors  pourquoi ne pas aller plus loin en proposant des espaces d’expression au  sein desquels chacun des acteurs du monde carcéral, à commencer par les  personnes détenues, pourrait participer de manière responsable et y  être entendu ?   
Convaincus qu’une liberté d’expression constructive et  respectueuse constitue le fondement de toute société démocratique, les  Groupes locaux de concertation prison (GLCP) s’efforceront, durant la  quatrième semaine du mois de novembre,  partout en France, de placer au  cœur du débat public ce qui retient encore prisonnière la parole des  hommes, des femmes et des enfants incarcérés et de leurs familles. La  prison resterait-elle donc la dernière grande muette ?



  
  


  