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Colloque sur l’enseignement en milieu pénitentiaire organisé les 3 et 4 décembre 2001

18 Intervention 3 Guide du travail auprès des mineurs en détention

Mise en ligne : 16 juillet 2004

Texte de l'article :

Intervention : Pierre Delattre, Chef du bureau des politiques sociales et d’insertion à la Direction de l’Administration pénitentiaire

Avant de vous parler du Guide du travail auprès des mineurs en détention, je vais proposer à votre réflexion, en préambule, quelques pistes de travail pour, en quelque sorte, « planter le décor » du point de vue de l’Administration pénitentiaire qui se trouve devoir assumer la lourde responsabilité de l’incarcération de mineurs. Cela ne fait pas forcément théorie mais plutôt interrogation.
Ce que je vais dire vaudrait aussi probablement pour les adultes et majeurs, mais c’est plus fort pour les mineurs. L’institution pénitentiaire ne peut pas et ne doit pas ignorer la violence de l’incarcération qu’elle réalise. C’est une institution à qui il est demandé d’assumer la violence d’incarcérer. Imaginer qu’une prison puisse fonctionner indépendamment et au-delà de cette violence, c’est-à-dire sans quelque part exprimer cette violence, c’est une position idéaliste qui ne construit rien. Dire cela, c’est afficher le choix d’assumer cette violence et cela n’est acceptable que si cette affirmation est mise en même temps dans la perspective que
cette institution violente doit impérieusement éviter d’être une institution maltraitante, brutale. Son enjeu déontologique se trouve dans cette tension-là.
Pour nous aider dans cette réflexion, je vais me référer et me repérer à des écrits. D’abord à Cornélius Castoriadis (L’institution imaginaire de la société, Le Seuil, p. 419.) : « Ce qui apparaît de plus en plus en filigrane à travers le confusionnisme pseudo « subversif » contemporain que le nouveau-né humain est prédestiné par sa nature, par la Bonne Nature, notre Mère aimante à tous ; ou par Dieu, notre Bon Père ; ou par le Saint-Esprit parlant par la bouche du dernier prophète à la mode, à une existence sociale qui mûrit en lui avec les années comme grandissent ses membres et augmente son poids ; à moins de rêver qu’il est, génétiquement ou on ne sait comment, pré-organisé pour constituer (ou « refléter ») un réel cohérent avec celui de tout le monde et référé aux mêmes significations, reconnaître spontanément autrui et son autonomie, se reconnaître comme individu, n’avoir jamais que des désirs qu’une harmonie préétablie accorde toujours avec ceux des autres, pouvoir exister dans une collectivité intégralement non instituée, ou pouvoir dès sa naissance (ou plus exactement dès sa conception) négocier librement son entrée dans une société instituée.
Bref, à moins d’ignorer intégralement ce qu’est la psyché et ce qu’est la société, il est impossible de méconnaître que l’individu social ne pousse pas comme une plante, mais est créé-fabriqué par la société, et cela toujours moyennant une rupture violente de ce qu’est l’état premier de la psyché et ses exigences. Et de cela, toujours une institution sociale, sous une forme ou sous une autre, aura la charge. La forme et l’orientation de cette institution peuvent, et doivent, changer, ce qu’elle créefabrique
- l’individu social dans son mode d’être, ses références, ses comportements - aussi, sans quoi une révolution de la société est impossible ou condamnée à brève échéance à retomber dans « l’ancien fatras ». Mais il faudra toujours, sans lui demander un avis qu’il ne peut pas donner, arracher le nouveau-né à son monde, lui imposer - sous peine de psychose - le renoncement à sa toute puissance imaginaire, la reconnaissance du désir d’autrui comme aussi légitime que le sien, lui apprendre qu’il ne peut pas faire signifier aux mots de la langue ce qu’il voudrait qu’ils signifient, le faire accéder au monde tout court, au monde social et au monde des significations, comme monde de tous et de personne. »
Je pense que ce texte est pour l’Administration pénitentiaire un texte de référence, dans la mesure où il lui permet de faire un lien avec sa violence, de l’assumer dans une démarche dynamique tout en lui évitant effectivement d’être maltraitante et brutale.
Ces considérations valent pour l’Institution. Et pour le mineur ?
La prison est une institution qui appartient au Droit et à la Justice.
Aussi, est-ce utile me semble-t-il, en préliminaire, d’évoquer et de se référer à quelques catégories juridiques. Et je voudrais vous proposer de considérer que le mineur se trouve dans une situation de créancier et de débiteur. Avant même que d’être dans une situation de danger.
Le mineur incarcéré est en mesure de présenter une « double créance » qui intéresse nos deux institutions, celle de la prison et celle de l’école, mais à des titres divers.
Premièrement, le mineur a une créance pédagogique, il a une créance d’éducation. Il a un droit à la formation, à l’apprentissage.
On a parlé des savoirs fondamentaux. C’est évident qu’un mineur a un droit d’accès aux savoirs fondamentaux. J’ai bien entendu et j’ai été intéressé par les propos de Madame Taranne, parlant de l’obligation scolaire, indiquant que cette obligation scolaire s’adressait d’abord aux adultes - Éducation nationale et parents - avant de s’adresser aux mineurs. C’est un rappel salutaire, et il faut que l’on réfléchisse à cette inversion que l’on fait fréquemment, cette inversion qui fait que l’obligation scolaire soit devenue l’obligation pour les mineurs d’aller à l’école.
L’obligation scolaire, c’est pour le monde adulte et ses institutions, l’obligation d’honorer cette créance de l’enfant, et a minima, j’entends bien qu’il y a des mineurs qui ne veulent pas aller à l’école, pour l’adulte l’obligation de « baratiner » le mineur de telle sorte que, quelque part, il comprenne qu’il est en situation de créancier vis-à-vis de l’institution.
Donc le mineur incarcéré - ou pas, d’ailleurs, mais ici on parle du mineur incarcéré - a bien cette créance d’éducation qu’il appartient aux institutions d’honorer. Cette considération remet aussi en perspective le rôle des parents évidemment primordial et extrêmement important.
Le mineur incarcéré - ou pas mais plus fortement le mineur incarcéré - est aussi titulaire d’une créance de références, et en me référant à Pierre Legendre, je dirai en quelque sorte une créance « généalogique ». Pierre Legendre a écrit (Leçons VI Les enfants du texte, Fayard, p. 204) : « Que font les jeunes taggeurs ? Ils inscrivent une énigme, l’énigme de leur demande, de cette demande de séparation qui constitue la créance généalogique de tout sujet ; mais ils l’inscrivent comme demande non fondée, désespérée donc et condamnée par avance. Les laissés pour compte de la symbolisation symbolisent ainsi leur position, qu’il faut bien appeler légale, de déchet, en l’inscrivant partout, sur les murs et les objets, en représentation de cette légalité de la demande dont ils sont bannis. À la manière des condamnés de la colonie pénitentiaire décrite par Kafka, sur la peau desquels était tatouée leur sentence de condamnation, les taggeurs recouvrent les murs, cette peau de la ville, d’un tatouage : la société ultramoderne porte le tatouage de la condamnation du père. »
La prison étant une institution de la loi, elle doit aux mineurs incarcérés d’honorer cette créance de référence. Je ne voudrais pas avoir une lecture trop simplificatrice voire simpliste de Pierre Legendre. Les mineurs sont sanctionnés pour leur délinquance ; et la prison, si elle se veut légitime, simplement légitime oserais-je dire, se doit a minima de leur signifier la loi, et de leur donner accès à la loi. Si on ne se considère pas, en tant qu’Institution pénitentiaire participant de l’Institution judiciaire, débiteur vis-à-vis du mineur de cette créance de référence, de cet accès à la loi, il n’y a aucune façon de sortir de la difficulté de ne pas être une institution maltraitante.
Donc, il est important d’aborder le mineur avec cette idée qu’il a effectivement, par devers nous, ces deux créances, créance d’éducation et créance de référence.
Le mineur est créancier ; il est donc, en corollaire, aussi débiteur.
Principe de comptabilité à partie double, en quelque sorte. Mais débiteur de quoi ? 
« La capacité d’agir est la compensation du fait d’être né » nous dit Hanna Arendt. Excusez-moi de vous renvoyer à toutes ces références.
Ça peut vous paraître un peu lourd. Mais je les crois très utile pour nous aider à fonder notre travail en milieu pénitentiaire.
Autant le mineur est créancier, autant il doit reconnaître sa condition de natalité, sa condition de débiteur du fait de sa naissance.
Comme tout un chacun, car nous sommes bien nés quelque part et nous ne sommes pas nés de nous-mêmes. Il est fondamental d’aider le mineur à s’inscrire dans cette dette-là.
C’est en soi un travail d’insertion, insertion d’abord dans une histoire personnelle et familiale, mais aussi dans une histoire plus large.
Inscrire le mineur dans sa dette de naissance : annoncé ainsi, cela peut paraître d’une évidente simplicité alors que c‘est d’une énorme complexité. Je saurai moins bien que vous en tracer la voie, vous qui êtes spécialistes de la pédagogie. À mon sens, c’est du problème de sa mobilisation et de sa motivation qu’il s’agit. Je pense que l’inversion des positions débiteur/créancier lorsqu’elle se produit, rend les choses inertes. Des mineurs qui ont le sentiment de ne rien devoir à personne (créancier de la vie) et qui se sentent contraints d’aller à l’école (débiteurs de l’éducation) sont tout sauf dans une position dynamique... Par contre, si le mineur se perçoit comme créancier - créancier de l’école, et comme débiteur - inscrit dans une histoire familiale et collective, il est dans une position de motivation et de mobilisation beaucoup plus forte. Qu’est-il en mesure d’apprendre s’il va à l’école, contraint et forcé, dans un système de bâton et carotte. L’obligation scolaire ne doit pas s’inverser de la sorte si on veut laisser une quelconque chance à la pédagogie...
En détention, le mineur est en danger. Un danger spécifiquement lié à la prison. La prison est un milieu dangereux parce qu’en ce lieu il n’y a plus d’interdit. L’interdit se manifeste, pour l’ensemble de la société, par l’existence même de la prison. Celle ci constitue une délimitation effective derrière laquelle sont placés, sont cachés ceux qui ont franchi l’interdit. Elle signifie et donne consistance à l’interdit. Le problème pour la prison est le suivant : lorsque l’on est en prison, qu’est-ce qui va signifier en ce lieu très spécifique l’interdit ? D’évidence, même si certains peuvent avoir l’illusion d’une justice interne, une quelconque instance disciplinaire sera toujours incapable de remplir cet office de l’interdit en prison ; ce qui ne la déqualifie pas pour autant comme instance disciplinaire. Simplement il faut trouver une autre voie pour créer de l’interdit en prison.
Avant-dernière lecture à partir de « l’envie des mots », un livre édité par CBA (Agence de coopération à Bordeaux) avec le soutien de l’administration pénitentiaire et qui relate des expériences d’ateliers d’écriture sur les quatre dernières années. André Benchétrit a écrit ces lignes à l’occasion du salon du livre de Bordeaux en octobre 2000 : « Je me suis dit des trucs bizarres. Je me suis dit : Je vais en prison parce que finalement, à bien y regarder, c’est un lieu où il n’y a pas d’interdit. Il y a tout ce qu’on veut d’autre. Des règlements, un règlement intérieur, des usages, le code pénal. Mais il n’y a pas d’interdit au sens où l’on entend « quelque chose à partir de quoi l’homme peut se structurer en tant qu’être humain ». Beaucoup de la fascination que ceux qui sont dehors éprouvent par rapport à la prison tient justement à ça. (...).
Dans le cadre de l’atelier, il y a une manigance de l’écrivain pour arrimer celui qui participe à l’atelier à l’interdit, d’une manière ou d’une autre, pour qu’il puisse reprendre langue avec sa propre humanité. »
Je crois que, en quelques lignes, André Benchétrit a indiqué toute la problématique du travail en prison, et je retiens ce mot que je trouve sympathique, de « manigance ». Car nous avons bien à « manigancer » quelque chose pour que, dans ce lieu dangereux, qui n’est plus capable de signifier un interdit, on arrive néanmoins à faire valoir cette créance de référence, cet accès à la loi.
Comment nous, qui que nous soyons, fonctionnaires pénitentiaires, de l’Éducation nationale, de la PJJ, avons-nous à manigancer par rapport aux mineurs, pour permettre cet accès à la loi, pour remettre de l’interdit dans ce lieu qui ne permet plus de distinguer grand-chose ? Voilà ce qu’écrit Castoriadis (L’institution imaginaire de la société, Le Seuil, p. 416) : « L’autre ne peut être destitué de sa toute puissance imaginaire que pour autant qu’il est destitué de son pouvoir sur les « significations ». Cette destitution, ni le langage comme tel, ni la « réalité » comme telle, ne peuvent l’opérer par leur propre puissance (comme le montrent aussi bien les milliers de discours logiquement et réellement étanches et irréfutables tenus quotidiennement par des paranoïaques, que, à un autre point de vue, la grande majorité des systèmes sociaux et religieux). L’autre ne peut devenir « réel » - et rendre ainsi aussi bien les « objets » que le monde « réels » - que s’il est destitué de sa toute puissance, c’est-à-dire s’il est limité ; et il ne peut être limité dans et par la « réalité », puisque la « réalité » n’a jamais que la signification qui lui est imputée - et, aux yeux de l’enfant, par l’autre précisément.
L’autre ne peut être destitué que s’il se destitue lui-même, s’il se signifie comme n’étant la source et le maître de la signification (et de la valeur, et de la norme, etc.). Pour cela, il n’est ni nécessaire, ni suffisant qu’il puisse indiquer, désigner une troisième personne « réelle » (le père, s’il s’agit de la mère) - si cette troisième personne est simplement l’autre de l’autre, à son tour source des significations, si donc la toute-puissance est simplement déplacée sur un autre support. Il faut et il suffit que l’autre puisse signifier à l’enfant que personne parmi tous ceux qu’il pourrait rencontrer n’est source et maître absolu de la signification. »
Voilà. Je trouve ça admirablement écrit et la manigance est là : quiconque intervient dans ce lieu de pouvoir qu’est la prison doit prendre cette distance-là par rapport à son propre pouvoir, celui que lui donne sa fonction, pour bien indiquer que personne parmi tous ceux que le mineur peut rencontrer en prison n’est source ni maître absolu des significations aussi total, voire aussi disciplinaire que puisse être ce lieu-là.
Et cette manigance, c’est la manigance de tous. Elle appartient à quiconque se trouve en position professionnelle, adulte, vis-à-vis des mineurs.
Je ne voulais pas bouder mon plaisir de vous rencontrer. Je ne voulais pas laisser passer cette occasion de vous proposer cette réflexion qui me semble essentielle pour aborder la question de la prison. Je crois que dans le groupe-projet qui a réalisé ce guide du travail des mineurs en détention, c’est bien autour de cette problématique-là de la place du mineur, de sa place de créancier/débiteur et des limites légitimes qu’il est possible de poser qu’évidemment on a travaillé.
Ces repères me semblent essentiels et je veux vous les proposer puisque nous avons tous à travailler ensemble et que nous avons besoin de repères entre nous. La prison n’est pas un lieu neutre.
Être instituteur ou enseignant en établissement pénitentiaire est une démarche compliquée, de même qu’être directeur de prison, surveillant, ou conseiller d’insertion et de probation. Il est important de se retrouver et de travailler ensemble sur les problématiques auxquelles on est confronté et sur le sens qu’on peut donner à nos actions respectives en faisant en sorte qu’elles soient coordonnées ou cohérentes, même si elles doivent être évidemment multiformes.
La première des choses, sur laquelle je reviendrai (ce fut très bien dit en table ronde), cette manigance qui permet au mineur de trouver une place et de tenir une position cohérente et constructive pour lui passe bien par un travail pluridisciplinaire. Nous nous en sommes rendus compte rapidement : là où les dynamiques se mettent en place, c’est parce que d’une façon ou d’une autre une équipe pluridisciplinaire a réussi à se constituer et construire un dispositif cohérent dont le mineur pouvait se saisir. C’est la meilleure façon de revenir plus concrètement et directement sur le guide du travail auprès des mineurs en détention :
Il s’agit bien d’un guide, d’une guidance. C’est-à-dire qu’il n’y a pas un savoir-faire, un tout savoir clos. Il n’est pas un recueil de recettes et de certitudes. On a et on aura toujours des incertitudes, on procède par tâtonnements, et surtout on fait des inventions.
Ce guide est le fruit de la mutualisation de ce qui s’est tenté ici et là. On a mis en lumière celles qui étaient les plus porteuses, en tirant leçon de celles qui n’avaient pas été probantes.
Il est structuré autour de trois chapitres :
Le premier chapitre concerne la détention définit comme un parcours. Il est extrêmement important d’avoir une approche dynamique du temps d’incarcération. L’incarcération, c’est d’abord du temps, un temps souvent où il ne se passe rien, dans lequel on s’oublie. Il faut considérer ce temps comme un temps à investir pour le mineur. Tout ce qui a été dit sur l’emploi du temps - la construction modulaire des heures de cours de Fleury-Mérogis, et tous les autres systèmes - montrait bien ce souci d’un emploi du temps cohérent et individualisé. Et cela aussi est dans le guide.
Quelque chose aussi sur lequel j’insiste souvent parce que le système
carcéral français m’apparaît toujours particulièrement « enfermant » avec notamment des temps de nuit très longs : il ne faut pas hésiter à donner aux mineurs qui sont seuls en cellule, face à une solitude, de quoi s’occuper la nuit. Peut-être le mineur trouvera-t-il un intérêt pour lui, à être motivé à lire un livre et à en reparler le lendemain, ou deux ou trois jours plus tard, avec son instituteur, son éducateur ou son surveillant ? Il y a bien le souci de favoriser un investissement du temps qui passe, mais on se concentre souvent sur la seule journée. Il faut aussi penser à ce temps de nuit.
Autre chose également qui figure en bonne position dans le guide et sur lequel j’insiste, c’est le suivi individualisé. Auprès des mineurs, on travaille au cas par cas : l’emploi du temps est individualisé, le suivi est individualisé. C’est d’autant plus important que l’une des caractéristiques très prégnantes de la détention, c’est la promiscuité. Les groupes sont extrêmement lourds et négatifs. On a bien vu à Fleury-Mérogis les difficultés provoquées par ces phénomènes de bandes qui se reconstituaient en détention. La meilleure façon de contrecarrer cela est de travailler de façon individualisée. Un suivi au cas par cas. Cela se justifit d’autant plus que la prison est une institution de justice, et ce qui caractérise la justice c’est bien une pratique individualisée. On n’a pas de procès collectifs, de sanctions collectives. C’est le principe de l’individualisation. C’est ce qui caractérise la justice mais aussi d’une autre façon l’intervention pédagogique.
Le deuxième chapitre concerne les personnels. Un fort accent a été mis sur le personnel de surveillance. On s’interroge beaucoup, dans l’administration pénitentiaire sur le rôle et l’évolution du métier de surveillant. Métier éminemment complexe, dont on n’a probablement pas fait suffisamment l’analyse et qui est, de ce point de vue, à restructurer. L’approche de ce travail auprès des mineurs s’est faite avec le souci que le surveillant puisse y trouver son compte, notamment en terme de continuité dans les relations humaines qu’il établit tant avec les mineurs qu’avec les autres intervenants. Il s’agit aussi de lui donner le temps nécessaire pour participer aux réunions et aux échanges essentiels qui vont donner consistance à cette nécessité de travailler en équipe.
Les mineurs en détention s’approchent de façon spécifique.
D’ailleurs tous les publics, si je puis dire, s’approchent de façon spécifique. On ne travaille pas dans une maison d’arrêt de la même façon qu’on travaille dans une maison centrale. Les personnels pénitentiaires intervenant au quartier des mineurs ont besoin, pour être solides dans leurs pratiques professionnelles, de disposer des éléments essentiels de connaissance et de compréhension des personnes et des situations avec lesquelles ils travaillent. Il y a donc le souci de leur donner une formation d’adaptation à l’emploi auprès des mineurs la plus étoffée possible.
Pour les consolider dans leurs pratiques professionnelles on a aussi eu le souci de leur donner accès à un soutien technique. Il s’organise autour d’un psychologue clinicien qui a pour charge de permettre à chacun de prendre de la distance vis-à-vis de son propre travail. Évidemment, quand on parle de prison la première chose qui vient à l’idée c’est le « mur ». En réalité ce qui caractérise la prison, c’est la vie relationnelle qui s’y développe ou pas. La détention, c’est avant tout une ambiance. Celle-ci peut rendre des murs absolument insupportables, aussi propres et nets soient ils, ou contribuer, lorsqu’on aura su créer un climat favorable et positif, à rendre dynamique ce qui se vit entre ces murs.
L’enjeu est bien de permettre au personnel de se mobiliser sur des logiques professionnelles solides qui ne les déstabilisent ni ne les déstructurent pas, tout en requérant d’eux un investissement fort et une implication personnelle. Je pense que ces considérations s’appliquent tout autant aux enseignants.
Le troisième chapitre concerne les dispositifs, c’est-à-dire tout ce qui vient en appui des personnels qui ont à travailler pour que le mineur puisse entrer dans une logique de parcours dynamique.
Cela inclut les équipements, les procédures, les organisations sur lesquels le quartier des mineurs va pouvoir s’appuyer.
Pour ce qui concerne les équipements, un programme fonctionnel a été rédigé. En résumé, les quartiers des mineurs sont structurés en unités qui ne dépasseront pas vingt/vingt-cinq places, avec des salles permettant de scinder ce groupe en trois. Cette configuration vise à permettre la mise en place d’activités rythmant et occupant le temps de détention autour de sous groupe de six à sept personnes. Cela correspond à une taille des sous groupes adéquate pour que les animateurs et intervenants puissent y développer une dynamique de groupe maîtrisable.
Pour ce qui concerne l’organisation, le guide structure la mise en place d’un certain nombre d’instances :
- L’équipe pluridisciplinaire qui doit concrètement être constituée, identifiée et réunie très régulièrement. Elle est à la base de tout. Elle travaille au quotidien, c’est elle qui fait fonctionner le quartier des mineurs, qui y crée une ambiance. C’est l’instance fonctionnelle, très essentielle.
- Deux autres commissions :
La Commission de suivi : où les différents intervenants se réunissent pour analyser, au cas par cas, la situation des mineurs, et voir si les interventions des uns et des autres sont cohérentes, si les perspectives à construire en terme d’aménagement de peine et en terme de ré-aménagement d’emploi du temps, d’orientation et des activités des uns et des autres le sont également.
La commission d’incarcération : pilotée par la PJJ, elle se réunit autour des autorités judiciaires. Elle vise plus particulièrement à faciliter l’élaboration d’une politique pénale adaptée.
C’est une instance de concertation qui fait le point sur l’état actualisé des différents services, de leurs capacités d’intervention, apportant ainsi les éléments concrets permettant aux autorités judiciaires en charge de développer une politique pénale adaptée et réaliste. Elle permet aussi aux différentes administrations et services concernés de mieux intégrer une logique commune de travail afin de consolider la cohérence des interventions des uns et des autres auprès des mineurs. Que ce qui est dit au mineur par les autorités judiciaires, les éducateurs de la PJJ et les personnels pénitentiaires ait un minimum de cohérence... Élémentaire me direz-vous mais pas si aisé à réaliser...
Ce guide du travail auprès des mineurs en détention est dans sa phase de diffusion. Je pense qu’il va partir relativement rapidement.
Il sera remis aux instituteurs par l’intermédiaire des chefs d’établissement. Il sera aussi diffusé par l’intermédiaire des Directeurs régionaux pour les instances de l’Éducation nationale qui sont les partenaires de l’Administration pénitentiaire au niveau régional.
Notre intention n’est pas de nous en tenir là. Nous attendons au sein du bureau PMJ2 l’arrivée d’un cadre de la PJJ. Il aura, entre autres, pour tâche de faire le tour des quartiers des mineurs, de voir comment ce guide est pris en compte, de voir comment on peut l’enrichir et l’améliorer, s’il y a des choses à ajouter, retirer ou modifier. C’est un outil vivant, je vous invite à vous en saisir, n’hésitez pas à l’annoter, le gribouiller de bas en haut et de gauche à droite et à nous faire part des remarques et observations qu’il vous inspire.