Il s’agissait d’un projet venant des Ministères de la Justice et de la Culture afin de créer des centres de ressources audiovisuelles en prison. Mon projet a été retenu parmi huit autres lors d’un appel d’offre. J’avais une expérience de cadrage et de montage (acquise sur des courts métrages). Je disposais d’un studio déjà équipé en matériel de tournage et de montage. Avec la vidéo, je voulais essayer de créer des ponts entre l’intérieur et l’extérieur de la prison, de mettre en relation des univers qui ne se rencontrent jamais. J’ai commencé une correspondance entre la prison et des étudiants en cinéma. Il était important de travailler sur la parole, que l’on perd si facilement en prison. Il s’agissait de faire un vrai travail de création sur l’imaginaire avec les détenus, pas une sorte de télévision carcérale (bien qu’il ait quand même fallu faire un journal d’informations écrites). Pour alimenter ce travail de création, j’ai tenu à ce que les détenus rencontrent des artistes. Dans le cadre de l’opération MUR D’IMAGES, on invitait une fois par mois un réalisateur. Nous visionnions ses films en petit atelier pour préparer sa venue, en décortiquant les films. La rencontre proprement dite était ouverte à tous les détenus de la prison mais aussi à un public extérieur. Je me suis orientée en particulier vers l’art vidéo et ce qui n’est jamais montré dans les circuits ordinaires ni à la télévision. Ces formes visuelles pouvaient leur apporter quelque chose en terme de poésie, qui a une très grande place en prison (les détenus écrivent beaucoup de poésie).
Leurs choix se portent souvent sur des parcours de vies, des portraits, des phénomènes de société. La télévision est très présente en prison. Elle agit comme un soporifique. Certains prisonniers viennent à l’atelier mais refusent d’avoir la télévision dans leur cellule pour ne pas subir les programmes courants. L’atelier leur donne la possibilité de choisir ce qu’ils veulent voir.
J’essaie de diffuser des films qui ne font pas forcément référence à l’univers carcéral et de les diffuser aussi en dehors de la prison. Je considère que la prison est une excroissance de la société où l’on trouve des gens que l’on peut croiser dehors. Je n’ai pas envie de faire des programmations carcérales. À Metz, je fais les mêmes diffusions en prison et à l’extérieur, à la MAISON DE LA CULTURE. C’est aussi une manière de faire tomber les barrières et l’isolement.
Anne Toussaint