Atelier Photo à la Prison de Nivelles
Août 99 : c’est le début d’un nouveau projet en attente depuis longtemps : organiser un atelier d’initiation à la photographie dans le cadre des activités proposées par l’Adeppi. La prison de Nivelles n’est ouverte que depuis quelques mois et l’accueil y est encourageant. Il ne s’y donne plus aucun cours depuis longtemps et la prison, rénovée, commence à se repeupler. Une pièce qui servira de labo et de salle de cours est mise à notre disposition. C’est une chance, car dans cette prison moderne aucun local n’a été réellement prévu pour donner des cours. Le matériel est prêté par la Communauté Française de Belgique : 10 appareils reflex, 2 agrandisseurs...
Le cours démarre avec deux groupes de cinq. Les participants auront chacun six heures de cours par semaines, pendant six semaines.
Un peu d’histoire et de théorie pour commencer. Comment l’image se forme-t-elle dans l’appareil ? Comment devient-elle une image en négatif, comment est-elle reconvertie en photo ? Comment mesurer la lumière et réaliser une exposition correcte ?
C’est toutes ces questions et bien d’autre encore qu’il s’agit de comprendre tout en commençant à faire des photos. Il faut comprendre avec la tête, avec les yeux, avec les doigts.
A priori le milieu carcéral n’est pas très riche visuellement. Monotonie des formes, absence presque totale de couleurs, omniprésence de l’éclairage artificiel....
Au préau, nous retrouvons chaque fois le même horizon de grilles et béton.
La première impression, c’est l’absence d’événements. Avec ironie, les participants se sont surnommés les ‘paparazzi’. Il faut dire que c’est un des clichés colportés par les médias au sujet des photographes.
Nous circulons dans la prison, suscitant intérêt, surprise et questions. Les photographes se mettent à traquer la lumière. Et il y a dans ce désert des surprises qui surgissent devant l’objectif : quelques tractions à la barre et c’est un Jésus moderne qui apparaît sous les muscles, les nerfs et les os de Nourredine. A l’automne, c’est un moustique agonisant, pris par les premiers froids, qui croise le chemin d’un morceau de sucre qui traînait là. Nous l’observons refaire le plein de vie pour quelques heures ou quelques jours. Une autre fois c’est un noyau de sur la paume d’une main ; le plus souvent, on se photographie entre nous.
Pour les participants le défi est double : maîtriser la technique et créer de l’image là où si peu se montre, partir à la traque du rare et du fugitif, être celui qui regarde dans un univers où l’on est sans cesse regardé, filmé... être celui qui met en boîte sa vision, plus seulement celui qui s’est fait enfermer dans une boîte... Les toutes premières images sont d’ailleurs réalisées avec des boîtes à chaussures. Ces camera obscura déclenchent l’enthousiasme.
Produire une image de soi est un souci qui revient tout le temps. Nous nous rendons presque partout : dans les couloirs, à la cuisine, dans les ateliers, la salle de sports : les photographes sont souvent sollicités. Un portrait pour envoyer à sa femme, à sa famille...
Ensuite, c’est le retour au labo. Dans l’obscurité complète, le développement des négatifs demande patience et précision. Voilà les premières images : les négatifs encore humides, où l’on distingue les scènes capturées il y a à peine une demi-heure, suscitent étonnement et fascination.
Une fois le négatif sec, ce sera l’agrandis-sement, la magie de la photo qui apparaît peu à peu au fond du révélateur, baignée de lumière rouge ... (« comme dans les films ! »)
Tout cela en 6 semaines de stage qui ont passé à toute vitesse. L’expérience s’est renouvelée à l’automne avec de nouveaux groupes et elle est en cours actuellement.