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"Enseignement en milieu pénitentiaire" Emilie Madigou

2 L’enseignement en milieu pénitentiaire

Mise en ligne : 27 avril 2005

Texte de l'article :

2. /L’enseignement en milieu pénitentiaire

L’enseignement en milieu pénitentiaire répond aux mêmes droits et aux mêmes exigences que celui du milieu « libre ». Par conséquence l’obligation scolaire pour les moins de 16 ans ainsi qu’une forte incitation pour les 16-17 ans sont de vigueur.
L’enseignement dispensé est essentiellement de la responsabilité de l’éducation nationale. Quelques associations de bénévoles viennent compléter le dispositif.

Conformément à la circulaire du 29 mars 2002 définissant les besoins en formation de la population pénale, la finalité et les objectifs généraux de l’enseignement, les enseignants s’attachent à prendre en charge les détenus relevant des apprentissages fondamentaux et à assurer la validation des acquis.
Outre l’objectif central de transmission de savoirs de compétences, l’enseignement joue en milieu fermé un rôle de stimulation intellectuelle, de structuration du temps, de socialisation et de lien avec le milieu ordinaire.

Les missions prioritaires des enseignants en milieu pénitentiaire concernent la prise en charge pédagogique des mineurs et les actions de formation générale visant à la lutte contre l’illettrisme.
La diversité des caractéristiques des personnes détenues, le niveau souvent très faible de formation générale, les conditions particulières à la détention et au fonctionnement des établissements pénitentiaires exigent de la part des enseignants la mise en œuvre de réponses diversifiées conçues dans la dynamique d’un parcours de formation et dans un perspective de contribution à la réinsertion.

2.1. / Textes interministériels

 ? La circulaire sur l’enseignement aux jeunes détenus de 1998

 ? La circulaire sur le régime indemnitaire des enseignants en fonction dans les sites des unités pédagogiques régionales des établissements pénitentiaires su 5 octobre 2000

 ? La circulaire sur l’organisation du service d’enseignement du 12 octobre 2000

 ? La convention entre le centre national d’enseignement à distance (CNED) et l’administration pénitentiaire du 3 juillet 2003, signé par le directeur de l administration pénitentiaire et le recteur d’académie, directeur du CNED se décline en dix articles.
Le CNED est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du MEN.
Cette convention va fixer les conditions dans lesquelles les personnes détenues pourront bénéficier des cours à distance soit comme unique moyen d’accès soi comme complément des cours assurés sur place.

2.2. / Organisation de l’enseignement

Les parcours différenciés d’enseignement inscrits au cœur du projet pédagogique, reposent sur une mise en association des différents degrés, primaire, secondaire.
L’enseignement primaire est assuré dans les établissements pénitentiaires. L’enseignement secondaire s’est structuré dans toutes les régions pénitentiaires après les premiers textes de 1995.

Cette coordination nécessaire se traduit de façon variable, selon la dotation horaire de chacune des U.L.E. Elle repose sur le rôle fédérateur du responsable local d’enseignement.
La répartition des volumes respectifs d’encadrement primaire et secondaire est corrélative à la taille des établissements et à leur destination : un centre de détention va permettre d’élaborer un parcours de formation inscrit dans un durée supérieure à celle d’une Maison d’arrêt.

Par exemple, l’enseignement du centre pénitentiaire de Fresnes en 2003, s’organise en modules.
Les modules permettent à l’élève de s’intégrer à la fois en fonction de ses centres d’intérêt, et en fonction de son niveau dans les différents domaines.
Le détenu arrivant au centre scolaire, après avoir passé un test de niveau, établit son emploi du temps à partir de la grille qui lui est présentée. Son choix constitue un engagement pour une période de six semaines minimum. A la fin de chaque cycle, les élèves, en accord avec leurs enseignants, peuvent modifier leur emploi du temps pour le cycle suivant, s’ils le souhaitent.
Pour les élèves qui souhaitent préparer un examen, les modules permettent de suivre tous les cours nécessaires.

2.2.1. / Pour les jeunes détenus

La situation de dénuement culturel est particulièrement marquée chez les jeunes détenus de moins de 18 ans, puisque 80% d’entre eux sont sans diplôme et 40% en échec au bilan lecture proposé pour le repérage systématique de l’illettrisme.

Les mineurs détenus ont un besoin essentiel de formation parce que l’incarcération risque d’introduire une rupture dans les études pour ceux qui en suivaient ou de renforcer la marginalisation de ceux qui sont en échec scolaire voire déscolarisés.

Les enseignants engagent des moyens éducatifs de tous niveaux : ils reviennent sur les apprentissages premiers s’il y a nécessité, ils préparent aux divers examens auxquels les jeunes détenus se sont inscrits avant leur incarcération, ils aident à retrouver une possibilité de scolarisation à la sortie pour ceux qui le désirent ou qui restent soumis à l’obligation scolaire.

Dès la première semaine d’incarcération, un accueil et une information sont assurés. Ainsi chaque jeune détenu est avisé des parcours et de leurs modalités possibles.
Même dans le cas de détention courte, tous le jeunes doivent se voir offrir la possibilité d’un bilan personnel. Comme pour la population adulte, un repérage systématique de l’illettrisme est pratiqué par les enseignants.
Un livret de formation sera attesté par le responsable de l’U.P.R. il permettra un suivi, mais ne constitue pas un élément de certification.

Les mineurs scolarisés  :

L’augmentation du nombre de mineurs incarcérés et l’accroissement significatif de la durée d’incarcération imposent une flexibilité pédagogique permanente. Les projets mis en place dans les U.L.E sont par nécessité évolutifs, l’innovation pédagogique s’adaptant à la réalité du terrain.

2.2.2. / Pour les adultes

Indépendamment des mineurs pour lesquels l’enseignement est prioritaire et obligatoire, l’enseignement en milieu fermé est défini essentiellement comme une formation comme adulte.
« On pourrait cependant plus souvent utiliser l’image de la classe unique des écoles rurales de jadis : les petits groupes sont très hétérogènes. » .
Les cours s’adressent à des groupes de 5 à 15 personnes dans le cadre d’une démarche personnalisée.

Le premier objectif est la maîtrise des savoirs fondamentaux qui peut être validée par le certificat de formation générale (CFG).
Au delà de ce premier niveau, certains détenus ne possèdent ni qualification ni diplôme, bien qu’ils aient suivi un enseignement secondaire. L’objectif est qu’ils accèdent à une formation professionnelle. Enfin un accès à des niveaux allant du brevet à un diplôme universitaire est possible.

Le retour dans un processus d’apprentissage suppose une démarche personnalisée. Une organisation en modules favorise cette démarche pédagogique.
Il semble fondamentalement nécessaire de proposer au détenu d’élabore un projet personnel, qui est l’une des seules perspective de réussite et plus encore de réinsertion.
On parle de pédagogie par objectif. Le temps moyen d’incarcération de chaque détenu est variable (à Paris par exemple dans une maison d’arrêt le temps d’incarcération est de 12 semaines). On peut alors construire sur des périodes bien définis des objectifs bien ciblées.

Voici un tableau recensant les effectifs de détenus passant des examens  :

EXAMEN INSCRITS PRESENTS ADMIS REFUSES
CFG : 35 inscrits dont 26 présents soit 23 admis et 3 refusés
Brevet 13 inscrits dont 7 présents et admis
DAEU 22 inscrits dont 12 présents soit 3 admis et 9 refusés
Bac STT 1 inscrit, présent et admis
Capacité en droit 1 inscrit et présent
Licence en droit 1 inscrit et présent
Maîtrise en sociologie 1 inscrit et présent
DEUG de psychologie 1 inscrit non présent
DPECF 1 inscrit, présent et admis
DAEU Paris 7 1 inscrit et présent

Le haut niveau des réussites au Certificat de Formation générale montre l’effort porté en direction des détenus les plus défavorisés.
Nous constatons une évolution de niveau d’instruction, malgré une non validation par un diplôme assez présente.

2.2.3. / L’enseignement à distance

Selon l’article D 454 du code de procédure pénale : « Dans tout établissement, les détenus peuvent recevoir et suivre les cours par correspondance organisés par les services du ministère d l’éducation nationale »
Certains n’ont pas accès aux cours, soit parce qu’ils ont une interdiction de communiquer, soit parce que leur dossier indique une tentative d’évasion, ou encore parce qu’ils purgent une peine pour faits de violence. D’autres ont un niveau supérieur au baccalauréat ou souhaiteraient entreprendre des études dans des domaines très spécifiques.
Aussi, par exemple, sont proposé les cours du centre national d’enseignement à distance (CNED).
C’est ainsi q’une convention a été signée le 3 juillet 2003 entre le centre national d’enseignement à distance (CNED) et l’administration pénitentiaire, qui gère le paiement du montant des cours :
Soit pour l’année 2003,

-Pour les cours dont le tarif est inférieur à 150 euros, le détenu doit verser 30 euros, la différence est payée par la justice.
-Pour les cours dont le tarif est supérieur à 150 euros, le détenu en paie un tiers, et la justice les deux tiers restants.

Les détenus indigents ou ayant peu d’aide financière de leur famille peuvent, à leur demande recevoir une aide de l’association culturelle de l’établissement ou du SPIP, couvrant tout ou une partie de la part qui leur incombe.

2.3. / Le statut du personnel enseignant

2.3.1. / Le recrutement

Les enseignants, exerçant leurs fonctions en milieu pénitentiaire, dépendent de l’unité pédagogique régionale de la région pénitentiaire.
Les postes à pourvoir sont publiés au bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale.

Pour ceux du premier degré, qui sont en général les plus nombreux, l’éducation nationale privilégie :
-soit des enseignants ayant une expérience professionnelle en classe relais ou en formation continue d’adultes
-soit les professeurs des écoles titulaires de l’ancien certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d’adaptation et d’intégration scolaire (CAPSAIS, option F).
Ce certificat a été abrogé par les textes de 2004 qui ont institué celui d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH)

Les enseignants du second degré sont le plus souvent en situation de vacataire à temps partiel.

Le recrutement du personnel enseignant du premier ou du second degré s’effectue par entretien individuel. Le candidat à un emploi à temps plein ou temps partiel en milieu pénitentiaire est reçu devant une commission. L’objet de l’entretien est de vérifier les motivations et d’informer des spécificités de la fonction.
Cette commission, assez conséquente, est composée de membre choisi conjointement par le recteur ou l’inspecteur d’académie, le directeur des services départementaux de l’éducation nationale et le directeur régional des services pénitentiaires.
Ces membres sont obligatoirement composés :
-d’un représentant de l’inspection d’académie,
-d’un directeur d’établissement pénitentiaire,
-d’un responsable d’une U.P.R,
-d’un inspecteur en milieu pénitentiaire,
-d’un responsable local de l’enseignement,
-d’un enseignant en exercice en milieu carcéral

La commission émet, sur chaque candidature, un avis qui est transmis à la commission administrative paritaire compétente, selon les cas par l’inspecteur d’académie ou le recteur qui procède à l’affectation provisoire du poste.

Par exemple à Paris, à la rentrée 2002 :

La singularité de l’U.P.R de Paris au regard des 8 autres U.P.R repose sur le taux d’urbanisation et sur l’existence des grands établissements franciliens. Il en résulte notamment une quantité élevée d’étudiants détenus d’un niveau « secondaire », et une présence exceptionnelle quantitativement d’enseignants du second degré en poste.
Au cours de leur première année d’exercice en milieu pénitentiaire, les personnels restent titulaires de leur poste précédant ; à l’issue de cette première année ils peuvent s’ils le souhaitent retrouver leur affectation sur ce poste.
Dans le cas contraire, l’inspecteur d’académie ou le recteur confirme leur affectation en milieu carcéral, après consultation de la commission administrative paritaire compétente.
Les enseignants nommés pour la première fois, doivent obligatoirement suivre l’intégralité des sessions de formation organisées conjointement par le ministère de l’éducation nationale et de la justice.

L’obligation de service est de 21heures (hebdomadaires sur 36 semaines annuelles), plus d’éventuelles heures pour les taches administratives.
Les vacances scolaires, de durée identiques, sont susceptibles d’être modulées en fonction du temps d’incarcération du public concerné.
Les services des personnels enseignants comprennent :
-les heures d’enseignements,
-les taches de coordination et concertation entre les enseignants et avec les différents partenaires.

2.3.1 / Les modalités d’inspection

Une commission nationale interministérielle, mise en vigueur par la convention de 1995 et reprise par celle de 2002, apprécie le bon fonctionnement de l’Unité Pédagogique et veille à la bonne mise en application des mesures de la convention.
Cette convention est constituée par une représentant de la direction de l’enseignement scolaire et un représentant de la direction de l’administration pénitentiaire.
L’inspection des enseignants du premier degré est assurée pour tous les établissements pénitentiaires du département par un inspecteur chargé de l’adaptation et de l’intégration scolaires (AIS).
L’inspection des enseignants du second degré est assurée par les cops d’inspection compétents selon les disciplines.
Les enseignants bénéficient, au minimum tous les trois ans, d’une inspection pédagogique. L’entretien qui fit suite à l’inspection doit permettre à l’enseignant de faire le point sur l’exercice de ses fonctions en milieu pénitentiaire et les difficultés qu’il rencontre.
Il appartient à l’autorité hiérarchique d’aider l’enseignant à résoudre ses difficultés, en relation le responsable de l’U.P.R.
Sous la responsabilité du recteur, le responsable de l’U.P.R organise annuellement une réunion des inspecteurs pour réfléchir aux conditions de mise en œuvre des projets pédagogiques.