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"Le métier de psychologue en milieu carcéral" de Chloé Paloux, Enora Payen, Alice Perreal, Elodie Payroux

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Mise en ligne : 13 janvier 2005

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Le métier de psychologue en milieu carcéral est une spécialisation du métier de psychologue défini par la loi n°85.772 du 25 juillet 1985 publié dans le Journal Officiel du 26 juillet 1985. Les personnes qui peuvent exercer en tant que psychologue dans le milieu pénitentiaire sont titulaires d’un DESS de psychologie de préférence clinique, il est préférable qu’elles aient fait une formation personnelle dans les différents domaines qui touchent la prison et les détenus. Dans un établissement pénitentiaire, il existe différents types de psychologues. Le travail de certains est plus axé sur le personnel alors que d’autres ne sont que des visiteurs de prison. Dans le souci d’être le plus complet possible, nous avons défini quatre statuts du psychologue. Ils rendent compte non seulement d’un travail mais aussi d’un statut différent.

Certains psychologues sont employés par l’administration pénitentiaire, ils ont alors le statut d’ingénieur ou agent de première catégorie. Leur recrutement se fait sur titre (DESS de psychologie) après l’envoi d’un CV et d’une lettre de motivation qui donnent lieu à un entretien. En 2001, on annonçait le chiffre d’un recrutement par an au niveau régional pour un poste à plein temps. Même si nous avons choisi de ne pas nous appesantir sur ce type de psychologue, son rôle est principalement un soutien technique et psychologique du personnel ainsi qu’une aide au recrutement. Il réalise aussi l’entretien d’accueil des détenus et leur bilan psychologique.

Un autre psychologue que nous avons décidé de vous présenter en quelques lignes seulement est l’expert. Il intervient en milieu pénitentiaire quand la personne qui fait l’objet de la mission est incarcérée. Il est nommé par un juge et n’est pas soumis au secret professionnel étant donné qu’il recueille des informations sur des aspects de la personnalité du détenu. Ces aspects peuvent avoir un rapport avec les faits qui lui sont reprochés. Il s’agit généralement d’un psychologue libéral.

D’autres psychologues sont employés par l’hôpital psychiatrique du secteur. Ceux-là sont recrutés sur concours et ont pour statut celui de psychologues de la fonction publique hospitalière. Ils travaillent dans le cadre des SMPR c’est-à-dire des Services Médico-Psychologiques Régionaux. L’arrêté du 14 décembre 1986, modifié par celui du 10 mai 1995, fixe les missions des SMPR. Les psychologues ont pour rôle de prévenir les affections mentales en milieu pénitentiaire, de mettre en œuvre les traitements psychiatriques nécessaires aux détenus, de lutter contre la toxicomanie et l’alcoolisme et enfin d’assurer la continuité des soins en coordination avec les équipes de secteurs. Ils offrent aussi des possibilités d’entretiens thérapeutiques auprès des détenus qui en font la demande. Le recrutement se fait sur concours de la fonction publique hospitalière. Les psychologues qui travaillent en SMPR n’ont pas forcément que cet emploi, ils peuvent cumuler plusieurs postes.

Les psychologues qui travaillent pour des associations sont sans doute les moins connus par le grand public car ils interviennent en tant que visiteurs professionnels et non en tant que soignants détachés d’un hôpital. La rencontre est proposée aux détenus dès leur entrée en prison. Une rencontre avec un psychologue qui n’appartient pas au milieu carcéral a quelques points positifs : la demande du patient est respectée, de plus il a moins tendance à plaider son innocence et à utiliser l’entretien comme une marque de bonne volonté pour le procès. Le statut de visiteur professionnel donne aux détenus une autre vision du psychologue, de l’administration pénitentiaire et de la justice. Ce statut concerne aussi une grande variété de professions, comme celle de professeur par exemple, dont le rôle pour tous, en dehors de leur spécialité, est de soutenir moralement et d’encourager tous ceux qui souffrent d’un manque affectif et intellectuel. Les visiteurs professionnels appartiennent souvent à des associations qui se battent pour le respect de la dignité humaine des détenus et qui soutiennent les familles confrontées à l’incarcération d’un proche.

Il faut savoir que ces quatre statuts sont bien distincts bien qu’ils aient tous un rapport au milieu carcéral. Nous développerons d’avantage le rôle de psychologue en SMPR étant donné que nous avons eu un contact avec celui de Dijon.

L’avancée de la psychiatrie en milieu pénitentiaire a été relativement longue. Effectivement, ce n’est qu’en 1958 que les premiers psychiatres sont apparus et c’est seulement depuis une trentaine d’années que les psychologues sont venus gonflés les rangs des services médico-psychologiques. Mais cette progression en milieu carcéral en ce qui concerne les effectifs de psychologues, leur mission, leur culture psychologique ne doit pas faire oublier certaines réalités comme les rémunérations ainsi que leur statut. En effet, un psychologue de la fonction publique (SMPR) gagne de 1657 euros brut pour le premier échelon à 3503 euros brut pour le onzième et dernier échelon. Plus généralement, leurs salaires tournent autour de 1800 euros par mois. Quant aux visiteurs professionnels, ils sont bénévoles. Le rôle du psychologue est avant tout de soutenir et d’aider les détenus à vivre le temps de l’incarcération. Son écoute et son soutien sont essentiels dans un milieu où il est difficile de se libérer de ses problèmes incluant pour une petite part l’éloignement, la solitude et la culpabilité parfois.

Le psychologue en milieu carcéral obéit au même code de déontologie que les autres psychologues (annexe 3). Le cadre de la prison favorise la verbalisation d’expériences traumatisantes avec les professionnels de l’aide ; c’est ce qu’on appelle le « syndrome carcéral ». Le rôle du psychologue est d’aider les personnes incarcérées à supporter le traumatisme qui découle de leurs conditions de vie en prison qui peuvent avoir un effet dévastateur sur un psychisme déjà fragile. Il s’agit aussi d’aider les détenus à s’approprier leur peine, à en comprendre le sens et ainsi à prendre conscience de la portée de leurs actes et de la nécessité de la sanction afin d’accéder à une plus grande responsabilité. Il s’agit aussi de préparer l’avenir des détenus en leur évitant de retomber dans un système de récidive permanent.

Une des grandes tâches que doit accomplir le psychologue est la prévention du suicide. Aujourd’hui, c’est une priorité nationale dans laquelle tout le monde a son rôle à jouer. Dans le cadre du travail du psychologue, il est utile d’organiser, dans les brefs délais suivant l’incarcération, un signalement systématique des prisonniers à risque suicidaire. Dans cette optique, une grille d’analyse a été élaborée afin de mettre en relief certains aspects ou facteurs qui laissent à penser qu’une personne détenue peut être tentée de mettre fin à ses jours (annexe 4). Ponctuellement et à la demande de l’équipe médicale, le psychologue du SMPR réalise des évaluations de l’efficience cognitive - test WAIS-R - ou des passations d’un bilan projectif - le Rorscharch ; le TAT. Le travail du psychologue s’opère principalement au niveau d’une prise en charge individuelle des détenus. Mais il peut aussi travailler en groupes de parole... Cela sert d’apprentissage social - reconnaissance de l’autre ; communication. Le psychologue clinicien a les mêmes fonctions qu’un autre mais dans ce milieu, il doit être encore plus attentif à ses réactions affectives.

L’entretien en milieu carcéral est différent de ceux qui se réalisent en dehors du milieu pénitentiaire. En effet, la neutralité bienveillante est compliquée étant donné les actes parfois difficiles auxquels sont confrontés les psychologues. Les psychologues doivent considérer les détenus comme des patients ayant un trouble psychologique de l’adaptation sociale, du comportement, de l’orientation sexuelle.

Parmi les outils utilisés, on a déjà parlé des évaluations de l’efficience cognitive (WAIS-R) ou des passations de bilans projectifs (Rorschach, TAT). La grille de lecture qui semble être la plus pertinente avec la population carcérale est celle de Bergeret avec la lignée névrotique, psychiatrique, et l’aménagement état limite. Le psychologue oscille entre la position de justicier, de complice et de victime. Les attitudes, les mimiques et le regard sont extrêmement importants pour comprendre le patient.

Il faut aussi savoir qu’une injonction de soin prononcée lors d’un jugement n’est effective qu’à la libération du détenu, donc seule une minorité de la population carcérale - dont beaucoup sont des délinquants sexuels - commence un travail psychothérapeutique en prison. Mais le système carcéral ne fait rien pour modifier la situation sachant que l’administration peut transférer les détenus à tout moment.
 
La fréquence des entretiens varie en fonction de la problématique de chaque détenu ; elle oscille cependant en moyenne entre deux fois par semaine et une fois par mois. L’environnement carcéral reste toujours très présent même pendant l’entretien ; puisque les psychologues consultent dans de petites pièces sans ouverture appelées « parloir-avocat » car c’est aussi l’endroit où le prisonnier rencontre son avocat. Les détenus en promenade passent devant cette salle rendant le travail thérapeutique encore plus difficile.

A sa sortie de prison, si le détenu le souhaite, un relais est instauré avec le centre médico-psychologique correspondant à son lieu d’habitation. Pour ceux dont le procès a réclamé une injonction de soin, la participation à un travail thérapeutique est obligatoire.

Les perspectives de carrière sont différentes selon le caractère des professionnels. Nous constatons bien que dans les conditions actuelles, il est très frustrant de travailler en milieu carcéral parce que le psychologue ne maîtrise rien ; il commence une thérapie avec un détenu sans savoir s’il pourra la poursuivre parce celui-ci peut être soumis à un changement de maison d’arrêt et aux autres décisions de la justice. Ce sont des conditions très particulières dans un milieu très particulier. C’est extrêmement intéressant au niveau de l’expérience clinique, mais à long terme, il est très difficile de conserver la motivation et la spontanéité nécessaire et indispensable.