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(2001-02-02) Observation sur la situation de A.Hakkar

Mise en ligne : 25 juin 2002

Dernière modification : 19 juin 2005

Texte de l'article :

Observations sur la situation de M. Abdelhamid HAKKAR

Selon les indications fournies, M. A. HAKKAR

a été placé en détention provisoire, suite à un mandat de dépôt (nature criminelle) le 2 septembre 1984. Cette procédure a donné lieu à un arrêt de la Cour d’Assises de l’Yonne (8/12/99), devenu définitif par suite du rejet du pourvoi le 5 décembre 1990. Cette condamnation consistait dans la réclusion criminelle à perpétuité (assortie d’une période de sûreté de 18 ans). Cette période a été mise à exécution à compter du rejet du pourvoi.

a été placé en détention provisoire par un mandat de dépôt correctionnel du 27 juillet 1988, en raison d’une tentative d’évasion. Maintien en détention par décision du tribunal correctionnel d’Auxerre, l’intéressé a vu sa peine de 18 mois devenir définitive le 18 octobre 1990. Mention portée au registre d’écrou le 12 janvier 1990.

a été placé en détention provisoire par un mandat de dépôt le 18 juillet 1988, pour une tentative d’évasion (en novembre 1986). Condamnation le 21/9/1989 à 5 ans de prison, avec mandat de dépôt, la peine était ramenée à trois ans par la Cour d’Appel de Paris (5/2/1990). Le pourvoi était rejeté le 21/08/1990, mention était portée au registre d’écrou.

a été condamné le 23 octobre 1991 pour une tentative d’évasion commise en août 1991. 7 ans d’emprisonnement, portés à 8 ans par la Cour d’Appel de Paris (27/02/1992). Pourvoi rejeté le 23 juin 1992. Mention au registre d’écrou à la date du 8 décembre 1992.

a été condamné pour des faits commis en avril 1995 à 6 mois d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de Troyes le 1/08/1995, condamnation confirmée par la Cour de Reims le 14 mai 1996, pourvoir rejeté le 28 mai 1997. Cette peine aurait été mise à exécution le 8 septembre 1997 par le parquet de Reims

En l’état de ces condamnations, on s’aperçoit que les condamnations de la Cour d’Assises de 1989, et celles de la Cour de Paris (18 mois et 3 ans d’emprisonnement) concernent des infractions en concours rel. On dit, en effet, qu’il y a concours réel quand les infractions ont été mises tant que la première d’entre elles n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive.

Sous l’empire de l’ancien Code Pénal, applicable en raison de la date des infractions, la peine la plus forte devant seule être prononcée, en cas de poursuite de poursuite unique. Dans l’hypothèse de poursuites distinctes, on devait tenir compte de la nature de peines, et ensuite du maximum applicable à l’infraction la plus sévèrement punie.

Dans le cas d’espèce, les trois premières condamnations en concours réel aboutissent à ce que la peine criminelle absorbe les peines correctionnelles, si celles-ci concernaient d’autres infractions que l’évasion ou la rébellion. Une peine criminelle -quelle que soit sa durée- était considéré comme plus rigoureuse qu’une peine d’emprisonnement. Toutefois, en matière d’évasion, l’article 245 de l’ancien Code précisait que la peine appliquée pour l’évasion devrait être subie en concours (cumulativement) avec la peine prononcée pour l’infraction pour laquelle l’intéressé était détenu.

Dans le cas présent, les deux tentatives d’évasion paraissent concerner la détention concernant les crimes jugés ultérieurement par la Cour d’Assises de l’Yonne. Les sanctions y applicables devraient donc être exécutées lorsque la réclusion criminelle à perpétuité aura cessé.

A vrai dire, si tel est le principe, on rappellera que sous l’empire de l’ancien Code pénal, il était admis qu’une peine perpétuelle absorbait nécessairement une autre ...peine perpétuelle (Delestre, cumul et non-cumul des infractions, p. 95) et qu’une peine correctionnelle est nécessairement confondue avec une peine criminelle.

Aussi bien, on ne voit pas comment il serait matériellement et juridiquement possible de faire exécuter une peine d’emprisonnement temporaire, après que la peine perpétuelle ait cessé. Si la peine perpétuelle cesse par le décès du condamné, la peine temporaire pour évasion ne peut être exécutée. Si la peine perpétuelle fait l’objet d’une grâce, sans aucun doute le décret de grâce déterminera le solde de peine à exécuter, en prenant en considération au moins implicitement la durée de la peine temporaire théoriquement à subir.

Au demeurant, le nouveau code pénal prend bien soin d’indiquer dans son article 132-5 que tout peine privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle, apportant une solution légale à une question ayant donné lieu des solutions particulières. Même si l’article 434-31 du nouveau Code dispose que la peine pour délit d’évasion se cumule avec la peine qui sera prononcée pour l’infraction à propos de laquelle il est détenu, la logique impose que la peine temporaire prononcée pour évasion soit exécutée en même temps que la peine perpétuelle, sinon la peine pour évasion de pourra jamais être ramenée a exécution.

De toute façon, selon l’article 707 du CPP, le ministère public poursuit l’exécution de la sentence relative aux sanctions, tandis que l’article 724 du même Code précise qu’un acte d’écrou est dressé pour toute personne conduite dans un établissement pénitentiaire, on dit, encore parfois, que c’est l’écrou qui fait le prisonnier et non la capture.

Dans le cas présent, la décision de la Cour de Paris du 2 décembre 1988, devenue définitive le 18 octobre 1989 et porté à l’écrou, à la diligence du parquet de Paris le 12 janvier 1990, a commencé à s’exécuter dès cette date. Sous réserve des grâces qui ont pu intervenir et/ou des réductions de peines que le Juge de l’Application des peines a pu (ou aurait dû) prononcer, elle a été réputée exécutée au plus tard le 11 juillet 1991. Elle ne saurait être ramenée à exécution, quel que soit le motif indiqué.

Quant à la peine de 3 ans prononcée par la cour de Paris le 5 février 1990, devenue définitive le 21 août 1990, elle a fait l’objet d’une mention d’écrou, à la diligence du Parquet général de Paris le 24 octobre 1990. Elle a cessé, compte tenu de la détention provisoire (+4 mois ½) et de la réduction de peine de 80 jours accordée par le JAP, au plus tard vers le 20 mars 1991 (éventuellement en cas de grâces collectives).

Sans doute, s’agit-il de condamnations intervenues pour des tentatives d’évasion, donc in susceptibles d’être absorbées par d’autres condamnations. Mais depuis le rejet du pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Assises de l’Yonne (donc depuis le 2 septembre 1984), c’est à dire une peine qui n’a pas de fin. On comprend, dès lors, que le parquet général les ait fait mentionner sur l’écrou, et les ait fait appliquer.

De même, le parquet général de Paris a sollicité l’exécution de la troisième condamnation pour tentative d’évasion, après qu’elle soit devenue définitive (mis à l’exécution demandée le 8 décembre 1992). Compte tenu de trois mois de remise au titre de la grâce collective de juillet 1992, ladite peine a été réputée exécutée le 8 septembre 2000.

Si l’on ajoute que la condamnation prononcée à Reims en 1996, devenue définitive en mai 1997 et devant porter sur 6 mois- ramenés à 4 mois par suite d’un décret de grâces collectives- a donné lieu à une mise à exécution le 8 septembre 1997, il apparaît qu’à compter du 8 septembre 2000, M. A HAKKAR ne purgeait que la peine de réclusion ciminelle à perpétuité prononcée par la Cour d’Assises de l’Yonne et devenue définitive, suite au rejet du pourvoi par la Chambre criminelle de la cour de cassation.

On observera que, du fait d’une période de sûreté de 18 ans, les réductions de peines susceptible d’être prononcées par le JAP ne peuvent avoir d’effet que pour la période de temps excédant la durée de 18 ans. A partir du moment où la peine criminelle a été ramenée à exécution M. A HAKKAR n’a pu bénéficier d’aucune réduction de peine applicable aux peines correctionnelles mise à exécution en même temps.

Par ailleurs, en ce qui concerne une éventuelle prescription de la peine, on rappellera que le délai applicable (5 ans pour les condamnations correctionnelles) court à compter du jour où la condamnation est devenue définitive, c’est à dire après rejet du pourvoi en cassation, si cette voie de recours a été mise à l’exécution. La prescription peut-être interrompue par des actes d’exécution. Concrètement, l’interruption découle de l’arrestation de l’interessé. On admet aussi que la prescription puisse être suspendue par un obstacle que l’obligation de faire exécuter préalablement une autre sanction (JM Robert, rep. Pénal Dalloz V° prescription, N° 227).

Dans Dans le cas présent, où la loi dispose que les peines prononcées pour évasion se cumulent avec celles prononcées pour l’infraction à raison de laquelle l’intéressé était détenu, il semble que l’on pourrait considérer que la condamnation pour évasion bénéficie d’une cause de suspension de prescription de la peine, tant que la peine d’origine n’a pas été accomplie. Mais la question peut être discutée, car il ne semble pas que la jurisprudence se soit prononcé sur ce point.

Dans le cas présent où, prudemment ou sagement du fait de la nature de la peine criminelle, le parquet a délivré les extraits pour mise à exécution, comme cela apparaît sur l’écrou, il n’y a pas lieu de se demander si on doit attendre la fin de la réclusion criminelle à perpétuité pour faire exécuter lesdites peines de 18 mois, 3 ans et 8 ans. Comme on l’a déjà indiqué, la plus longue (celle de huit ans) a été achevé d’exécuter le 8 septembre 2000.

Mais oubliant sans doute qu’il avait communiqué des extraits de minutes par écrou, le parquet général de Paris pour faire échec à la mise en liberté résultant de la suspension de l’exécution de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, ordonnée par la Commission de réexamen des procédures suite à une condamnation de la France par la Cour de Strasbourg (la commission de réexamen comprend 7 magistrats du siège de la cour de cassation) a sollicité la mise à exécution des...condamnations résultant des arrêts de la Cour de Paris du 2 décembre 1988 et du 27 février 1992.

Outre que portées sur l’écrou, ces peines ont été exécutées, il faut aussi reconnaître pour le cas où elles n’auraient pas été exécutées (malgré la règle selon laquelle la mention sur l’écrou emporte l’exécution), le parquet général ne serait pas en droit de les mettre à exécution.

C’est qu’en effet la Commission de réexamen n’a fait que suspendre l’exécution de la peine de la réclusion, elle n’a pas pour autant annulé la décision de condamnation qui demeure jusqu’à ce qu’un nouvelle décision vienne se substituer à la décision initiale. A fortiori, la décision de la Commission de réexamen n’a pas mis un terme à l’exécution de la condamnation initiale, en sorte que la « perpétuité » ne s’est pas achevée le 30 novembre 2000. La peine n’a pas cessé, elle s’est arrêté temporairement, comme elle aurait pu l’être s’il s’était agi d’une peine d’emprisonnement pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social. En pareil cas, il y a un différé dans l’exécution, et non pas peine exécutée, de sorte que il est impossible de faire débuter les peines prononcées pour évasion, tant que n’est pas expirée la peine encourue pour le crime à raison duquel l’intéressé était détenu, comme l’indique l’article 245 e l’ancien Code Pénal. Il est clair que la réclusion criminelle à perpétuité, dont l’exécution a été suspendue temporairement, n’est pas achevée, et de ce fait les peines pour évasion ne sauraient être mise en œuvre. Elles sont, elle aussi suspendues dans leur exécution et ce, jusqu’à achèvement de la peine attachée à l’infraction ayant justifiée le prononcé d’une détention.

Au demeurant, il y a lieu de noter que depuis l’entré en vigueur du nouveau Code pénal, la peine applicable à l’évasion est de 3 ans d’emprisonnement (sauf certaines circonstances aggravantes) et non plus de dix ans. Dès lors que l’article 112-4 al 2 du CP interdit l’exécution d’une peine quand une loi nouvelle a supprimé l’incrimination, le bon sens et la logique ainsi que le principe de proportionnalité commandent de ramener à trois ans la durée d’emprionnement de 8 ans retenu pas la Cour de Paris le 27 février 1992, mais bien sûr seulement pour le cas où la peine n’auraient pas été exécutée.

En définitive, pour les raisons de droit ci-dessus énoncées, il est permis de conclure :
que les peines d’emprisonnement pour tentative d’évasion, tout en disant être exécutées en sus de la peine prononcée pour l’infraction à raison de laquelle le condamné était détenu, ne peuvent qu’être absorbées par une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.

qu’en tout cas, les peines prononcées par la Cour d’Appel de Paris au titre de l’évasion, ont nécessairement été ramenées à exécution, du fait de leur mention sur le registre d’écrou ; elles ne sauraient donc être mises à exécution à compter du 30/11/2000, car à cette date la plus longue d’entre elles a été exécutée.

que, si par impossible, il était démontré que malgré une mention au registre d’écrou, les condamnations mentionnées sur l’écrou n’auraient pas été exécutées, elles ne sauraient être ramenées à exécution à la suite d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité qui n’équivaut pas à une exécution.*

que la suspension de l’exécution de la peine de la réclusion à perpétuité, emporte également suspension des peines devant être mises à exécution après l’extinction de la peine de la réclusion perpétuelle.

que la peine de 8 années pour évasion prononcée le 27 février 1992 devrait être ramenée au maximum légal de 3 ans, selon l’article 434-27 du CP.

Paris le 2/2/2001

B.B.