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(2001-12-14) Intervention de la Chancellerie ou la preuve d’un double discours

Mise en ligne : 25 juin 2002

Dernière modification : 19 juin 2005

Texte de l'article :

Besançon, le 14 décembre 2001

Intervention de la Chancellerie dans l’Affaire d’Abdelhamid HAKKAR ou la Preuve d’un Double Discours.....

Ce vendredi 7 décembre 2001, aux environs de 15 heures, durant les débats de la Cour d’Appel de Paris (10ème Chambre) saisie de la requête d’Abdelhamid Hakkar tendant à ce qu’elle constate l’illégalité de sa détention et ordonne conséquemment sa mise en liberté immédiate, pour y faire échec la Chancellerie téléphonait, en pleine audience, à l’Avocat Général qui se voyait sermonner pour avoir laissé audiencer cette affaire malgré les consignes données et l’invitait à devoir trouver immédiatement le moyen propre à entraver ce recours de sorte à ce que son examen ne puisse absolument pas avoir lieu, exigeant pas moins la poursuite de sa séquestration arbitraire dont elle est à même l’origine depuis le 30 novembre 2000.

Tandis qu’Abdelhamid Hakkar, détenu depuis 1984, aurait dû être précisément libéré le 30 novembre 2000 consécutivement à la suspension, par la Commission de réexamen, de sa peine de réclusion criminelle à perpétuité réputée non avenue par le Conseil de l’Europe (depuis 1995), la Chancellerie, en même temps qu’elle donnait ordre au directeur de la maison d’arrêt de la santé à maintenir malgré tout emprisonné, donnait alors parallèlement instructions au Parquet Général de la Cour d’Appel de Paris de cautionner son maintien en (re)mettant à exécution d’anciennes peines correctionnelles pour tentatives d’évasion prononcées en 1988 et 1992, et ce quand bien même il est incontestablement avéré qu’elles avaient déjà dûment exécutées et absorbées depuis sa peine perpétuelle conformément aux prescriptions des articles 5 ancien et 132-5 du CP, et qu’elles étaient en outre aussi bien désormais prescrites (l’article 133-3 du CP disposant que toute peine à temps se prescrit au bout de 5 ans révolus à compter du jour où elle a acquis un caractère définitif).

Le 13 décembre 2000, étant sans suite des requêtes qu’il formulait tant auprès du JAP que du Procureur de la République de Paris, Abdelhamid Hakkar déposait plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Doyen des juges d’instructions du TGI de Paris pour séquestration arbitraire, crime passible de 30 ans de réclusion criminelle (432-4 du CP). Un juge d’instruction fut désigné, et ce fut à Mlle Sophie-Hélène Château qu’on confia la charge d’instruire cette plainte. Le 28 février 2001, elle entendait Abdelhamid Hakkar en présence de son Conseil et, interloqué par une pareille situation, assurait entreprendre immédiatement les démarches tant auprès du Parquet Général de Paris qu’auprès de la Chancellerie pour connaître les donneurs d’ordre de son maintien en détention et leur formuler injonction de mettre un terme à cette situation manifestement abusive, n’ayant pas elle-même, indiquait-elle, le pouvoir d’ordonner son élargissement. Depuis, et en dépit des courriers et demandes d’actes que lui formule, conformément à la loi, Abdelhamid Hakkar, celui-ci est laissé sans réponse.

Le 20 juillet 2001,
conséquemment à ce silence et ce qu’il considère comme un déni, il saisira la Cour européenne des Droits de l’Homme d’une requête en urgence. On a pu noter par la suite que des dépêches AFP en date du 1er août 2001, faisant état du dépôt de cette requête, mentionneront, après renseignements recueillis auprès du Parquet Général de Paris qui abusera les agences de presse aux fins de les « persuader » de la légalité de la détention d’Abdelhamid Hakkar, que les peines en questions n’avaient pas été exécutées et ne se confusionnaient pas parce que prononcées pour des faits de tentatives d’évasion. Ce qui était aussi inexact que mensonger dans le cas prévis d’espèce.

En effet, de telles peines, fussent-elles prononcées pour évasions, et ces peines devant il est vrai se cumuler avec la peine d’origine justifiant la détention, elles ne sauraient, au terme de la loi, ni se cumuler avec une peine excédent le maximum légal de 20 ans et, à fortiori, ni avec une peine perpétuelle qui épuise aussi bien précisément à elle seule ce maximum légal que pour cette dernière peine particulière, l’article 132-5 du CP impose qu’elle observe de droit toute autre peine à temps (Cf. à l’analyse du Professeur de Droit, M. Bernard Bouloc ainsi qu’aux conclusions de Maître Philippe Sarda, confirmant, l’un et l’autre, cet état de fait comme la détention arbitraire d’Abdelhamid Hakkar depuis le 30 novembre 2000).

Le 1er octobre 2001, Maître Sarda ressaisissait d’une demande de reprise d’instance le Premier vice-président du TGI de Paris, Monsieur Jean-Jacques Gomez, afin que celui-ci épuise sa saisine quant à l’assignation en référé de l’an passé à l’issue de laquelle il avait été jugé, par ordonnance du 21 avril 2000, que l’Etat avait commis une voie de fait à l’encontre d’Abdelhamid Hakkar avant d’être purement et simplement dessaisi par le Gouvernement, via le Préfet de Paris qui élevait alors le conflit d’attribution devant le Tribunal des conflits (organe étatique, présidé par le Garde des Sceaux...). En effet, faute pour cette instance d’avoir statué dans le délai de 3 mois prévu par la loi - 18 mois plus tard elle n’avait toujours pas rendu sa décision..., la procédure, nous disent le Tribunal des conflits, la Chancellerie et le Parquet général de Paris auraient depuis disparus !...

Le 3 décembre 2001, après que le juge des référés ait également constaté cette « disparition » et qu’il décidait, à cette audience, de reprendre le cours de la procédure, le représentant de l’Etat, en l’occurrence l’agent judiciaire du Trésor, usant d’un nouveau subterfuge (celui du Préfet ayant fait long feu) destiné à empêcher le magistrat de statuer, interjetait appel de l’ordonnance du...21 avril 2000 ! ! ! Nullement dupe, ce magistrat fixait malgré tout sa décision au lundi 10 décembre 2001.

Le 2 octobre 2001, n’ayant toujours aucune nouvelle de la plainte précitée pour séquestration, le conseil de M. Hakkar, Maître Sarda déposait une requête auprès de la Cour d’Appel de Paris en vue qu’elle constate l’exécution de (toutes) ses peines et ordonne conséquemment sa mise en liberté. L’avocat général, M. Vacelet, assurait alors à son avocat, vu la gravité, qu’elle serait audiencée « d’urgence sous quinzaine ». 45 jours plus tard, malgré les maints rappels de sa promesse à ce magistrat par Maître Sarda, cette requête n’était toujours pas fixée au rôle de la Cour. N’ayant aucune nouvelle, Abdelhamid Hakkar décidait d’adresser deux courriers recommandés avec AR à l’adresse tant de cet Avocat Général que du Procureur Général, M. Jean-Louis Nadal, les accusant d’être à l’origine même de sa séquestration arbitraire qu’ils ont délibérément ordonnée de connivence et sous l’égide de la Chancellerie, et les menaçant de les attaquer par la voie du référé si sa requête n’était pas examinée par la Cour d’Appel sous quinzaine. 8 jours plus tard, le Procureur général répondait en personne à Abdelhamid Hakkar et lui signifiait que son affaire viendrait à l’examen de la Cour d’Appel (10ème Chambre) le vendredi 7 décembre 2001.

Cependant juste auparavant, le lundi 26 novembre 2001, Monsieur Erik Jurgens, Rapporteur de la commission juridique et des Droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mandaté par ledit Conseil, rendait à nouveau visite à Abdelhamid Hakkar à la maison d’arrêt de la Santé pour s’enquérir sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas encore bénéficié d’un procès équitable depuis la décision de la Commission de réexamen en date du 30 novembre (quand M. Dils, lui était rejugé en moins de 2 mois) ? La commission de réexamen n’ayant pas cassé sa condamnation, et celle-ci conservant donc toujours l’autorité de la chose jugée, la cour d’assises des Hauts de Seine se voit donc confrontée à un obstacle d’ordre public empêchant, en l’état, tout nouveau procès.

Constatant cette impossibilité (comme le fera d’ailleurs le Juge des Référés, M. Gomez, lors de son audience du 3 décembre 2001), M. Jurgens apprendra en sus que de nombreuses pièces essentielles de la procédure criminelle avaient disparues du Tribunal.... D’Auxerre où elles étaient entreposées et décidait d’interpeller à nouveau le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Le 7 décembre 2001, comme annoncé en préambule, l’examen de la légalité de la détention de M. Abdelhamid Hakkar arrivait effectivement à l’audience de la 10èmè Chambre de la Cour d’Appel de Paris, mais pour être aussitôt...renvoyé au 15 février 2002  ! Alors que lorsque se pose une question de liberté, on est tenu de statuer prioritairement que de toute urgence, ici on a pas trouvé mieux que de renvoyer cet examen non à 8 ou 15 jours - ce qu’on aurait encore pu tolérer - mais...3 mois ! Le président de la Cour motivait publiquement ce renvoi sous le prétexte que le dossier ne lui serait parvenu que la ...veille ( !) et qu’il n’avait pas eu le temps de l’examiner. En fait , il se révélera un instant plus tard qu’il avait menti et qu’il s’agissait là d’une pure manœuvre dilatoire malveillamment orchestrée de connivence avec le Parquet général et la Chancellerie qui se sera permis, en pleine audience de joindre par téléphone l’Avocat général qu’elle sermonnera pour n’avoir pas su mettre « sous le coude » cette procédure et empêcher son audiencement, celui-ci de rassurer son correspondant de ce que l’on est parvenu e renvoyer l’affaire... Maître Sarda est en mesure d’affirmer comme d’établir que le prétexte du président selon lequel le dossier ne lui serait pas parvenu que la veille est un mensonge éhonté puisqu’il est certain que celui-ci en disposait au moins depuis déjà...10 jours. Cette manœuvre dilatoire à laquelle a bien voulu complaisamment se prêter la Cour et son président en collusion avec l’Avocat général et la Chancellerie, n’avait d’autre but que de gagner....du temps, le temps de trouver le moyen d’affliger Hakkar d’un nouveau titre de détention (au bout de 18 années d’emprisonnement !) , et ainsi « régulariser » sa détention, ce qui aura pour effet de rendre alors aussi caduque que sans objet sa requête lorsqu’elle reviendra à l’audience du ...15 février 2001 (de retour à la prison, en fin d’après, on lui signifiait comme par hasard une notification faxée d’urgence présageant cet artifice). Maître Sarda, témoin de l’intervention de la Chancellerie, est à même de dire ce qui c’est exactement passé et ce qu’est venu lui confier, tout excité de cet appel, l’Avocat général qui s’était mis imprudemment à lui rapporter la conversation qu’il venait d’avoir avec le « haut lieu » alors que juste derrière lui d’indiscrètes oreilles enregistraient.... Parmi celles-ci, outre des journalistes, celle du professeur de droit à la faculté de la Sorbonne à Paris, M. Bernard Bouloc, venu en observateur, et qui déclara (révolté) sur les ondes radio (notamment FPP), lui comme Maître Sarda et encore d’autres personnes, « ne pas comprendre ! ; que manifestement c’était là la preuve que la Chancellerie, qui affirmait ne pas donner d’instructions au Parquet sur des affaires individuelles, tenait en fait un double discours »... (encore s’il s’agissait que de simples instructions ! Mais là, il est question de délibérément organiser la perpétuation d’un crime de séquestration !). Le comble : c’est que quelques jours plus tôt, en début de semaine, lors des questions d’actualités devant l’Assemblée Nationale (diffusées sur FR3), et Madame Lebranchu et Monsieur Jospin tançaient violemment le RPR sur ces questions d’instructions et « d’indépendance » du Parquet en réaffirmant « que, depuis 1997, le gouvernement actuel s’était fixé pour ligne politique, contrairement aux précédents gouvernements, de ne plus intervenir ni donner d’instructions criminelles passibles de 30 années d’emprisonnement et consistant à perpétuer le maintien arbitraire en détention d’une personne qui est emprisonnée depuis maintenant 18 années sur le fondement d’une procédure falsifiée (qu’il ne parvient pas depuis 1989 à ce jour à ne serait-ce que faire instruire) et à l’issue d’une parodie de procès digne des Etats les plus totalitaires ! ! ! Enfin, quant au conseil de l’Europe, M. Jospin semble lui dire : faites ce qu’on vous dit, mais ne faites pas ce que nous faisons ! Comment un Gouvernement digne de ce nom et prétendument soucieux du respect de la loi, peut-il s’ériger en donneur vertueux de leçons, dénoncer les incivilités et les violences quand, dans le même temps, il perpètre sciemment la plus grave des atteintes aux libertés individuelles qui soit : celle de priver arbitrairement une personne de sa liberté, qui plus est en le plaçant à l’isolement total durant près d’une décennie ? Comment un Etat dit démocratique, de surcroît la « Patrie des Droits de l’Homme », peut-il s’accommoder ainsi les principes fondamentaux inscrits dans le marbre tant de l’ONU que du Conseil de l’Europe ? Que peuvent préfigurer de pareilles dérives criminelles pour demain ?

P.J. Mémoire de Maître Sarda du 7/12/2001 et observations de M. Professeur Bouloc du 2/12/2001

N.B. Pour confirmation ou plus amples informations, voir Maître Philippe Sarda, Avocat de Paris.