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La médecine en milieu carcéral : rôle, droit et avis de médecins

(2001) Analyse des missions des pharmacies à usage intérieur notament dans les établissements pénitentiaires

Mise en ligne : 31 juillet 2002

Dernière modification : 16 mars 2008

Texte de l'article :

Analyse des missions des pharmacies à usage intérieur
Le décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 apporte de profondes modifications à la réglementation des pharmacies à usage intérieur (PUI)

Le décret autorise l’implantation de pharmacies à usage intérieur dans différents types de structurespubliques et privées :
- établissements de santé et médico-sociaux,
- structures d’hospitalisation à domicile,
- établissements pénitentiaires,
- services départementaux d’incendie et de secours,
- services de dialyse à domicile,
- pharmacie centrale des Armées.
Ce décret comporte un grand nombre d’articles qui définissent l’implantation, l’installation, le fonctionnement, les conditions d’autorisation des locaux des PUI, la responsabilité des pharmaciens. Il crée aussi le Comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles.
Des dispositions sont également prévues pour les établissements ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur.
Il nous a paru intéressant, dans un premier temps, de présenter nos commentaires sur les dispositions de ce décret définissant les missions pharmaceutiques.
Les commentaires sur les autres parties du décret seront publiés ultérieurement.

Huit missions
L’article R. 5104-15 définit les missions confiées à la PUI, qui sont les suivantes :
1/ gestion, approvisionnement et dispensation des médicaments ainsi que des dispositifs médicaux stériles,
2/ réalisation des préparations magistrales à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques,
3/ division des produits officinaux.
Elle peut aussi, sous réserve de disposer des locaux, personnels, équipements et systèmes d’informations nécessaires, être autorisée à exercer d’autres activités :
1/ réalisation des préparations hospitalières à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques,
2/ réalisation des préparations rendues nécessaires par les expérimentations ou essais des médicaments,
3/ délivrance de certains aliments diététiques,
4/ stérilisation des dispositifs médicaux,
5/ préparation des médicaments radiopharmaceutiques.

Commentaires
Cet article reprend une partie des missions qui sont définies à l’article L. 5126-5 du C.s.p. : « la pharmacie à usage intérieur est notamment chargée : d’assurer, dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l’établissement, la gestion, l’approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments, produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1, ainsi que des dispositifs médicaux stériles ».
Il est important de noter que tant l’article de loi que celui du décret confient ces missions à la pharmacie et non pas au pharmacien.
Le pharmacien responsable des activités de la pharmacie ne peut assurer cette responsabilité que pour ceux des actes qui sont effectués dans la pharmacie par lui-même ou par du personnel placé sous son autorité.

Deux types de missions
Cet article définit deux types de missions, les missions obligatoires dans l’alinéa 1 et les missions faisant l’objet d’une autorisation spéciale dans l’alinéa 2.

Missions obligatoires
I/ Gestion, approvisionnement et dispensation des produits du monopole pharmaceutique (article L. 4211-1) et des dispositifs médicaux stériles :
Article L. 4211-1
Sont réservées aux pharmaciens, sauf les dérogations prévues aux articles du présent Code :
1° la préparation des médicaments destinés à l’usage de la médecine humaine ;
2° la préparation des objets de pansements et de tous articles présentés comme conformes à la Pharmacopée, la préparation des insecticides et acaricides destinés à être appliqués sur l’homme, la préparation des produits destinés à l’entretien ou l’application des lentilles oculaires de contact ainsi que la préparation des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être mentionnés à l’article L. 5111-1, sont cependant destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse ;
3° la préparation des générateurs, trousses ou précurseurs mentionnés à l’article L. 5121-1 ; (...)

Commentaires
L’approvisionnement est bien une mission pharmaceutique.
Nous rappelons ici que les achats auprès des laboratoires doivent être signés d’un pharmacien régulièrement inscrit à l’Ordre pour pouvoir être honorés.
C’est donc bien le pharmacien gérant qui doit procéder aux achats des produits du monopole pharmaceutique et des dispositifs médicaux stériles (l’acte d’achat n’est qu’une modalité d’approvisionnement).
La PUI doit assurer la dispensation, qui est définie à l’article R. 5015-48 du C.s.p. :
Le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance :
1/ l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe,
2/ la préparation éventuelle des doses à administrer,
3/ la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament.
A l’hôpital, ces dispositions sont également applicables aux dispositifs médicaux stériles et autres produits du monopole pharmaceutique.
La détention des médicaments n’est pas reprise dans cet article, mais elle est citée dans la loi et doit, bien entendu, être assurée par la PUI.

II/ Réalisations des préparations magistrales à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques :
Il est précisé que la réalisation des préparations magistrales peut se faire à partir de matières premières, ce qui est habituel, mais également à partir des spécialités pharmaceutiques, cela autorise donc le déconditionnement, ce qui est nouveau.
Il n’est pas précisé si la préparation de la reconstitution des médicaments anticancéreux préparée nominativement pour un malade est ou non une préparation magistrale, mais cela pourrait être le cas.
La préparation des mélanges nutritifs pour alimentation parentérale pourrait également relever de cet article, si elle est préparée nominativement.

III/ Division des produits officinaux :
Il s’agit d’une survivance de texte définissant les différents médicaments et préparations qui ont été repris à l’article L. 5121-1 du C.s.p. (ex-article L. 511-1), qui précise qu’une pharmacie à usage intérieur peut procéder à la
division (mise en sachets, flacons...) de toute drogue simple ou produit chimique décrit par la Pharmacopée.
Pour toutes ces missions, les PUI doivent disposer de locaux, de moyens en personnel, de moyens en équipement et d’un système d’information leur permettant de les assurer.
Pour ces missions de base, l’article R. 5104-38 précise que, quelle que soit la taille de l’établissement, le temps de présence du pharmacien chargé de la gérance ne peut être inférieur à 5 demi-journées par semaine, sauf pour les établissements médico-sociaux pour lesquels il peut être abaissé à 4, 3 et jusqu’à 2 demi-journées par semaine.

Missions nécessitant une autorisation spéciale
Les missions ci-dessous énumérées peuvent être autorisées par le préfet si la PUI dispose de moyens nécessaires à leur accomplissement. Les établissements dans lesquels la PUI assure une ou plusieurs de ces missions doivent, dans le délai de 6 mois, solliciter une nouvelle autorisation en justifiant des moyens mis à disposition de la PUI pour l’accomplissement de ces missions :

I/ Réalisation des préparations hospitalières à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques. Il peut s’agir de préparations destinées à l’alimentation parentérale si elles ne sont pas nominatives. Elles sont définies à l’article L. 5121-2° du C.s.p. Ces préparations font également l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

II/ Préparations rendues nécessaires par l’expérimentation ou essais de médicaments (loi Huriet) : ces préparations étaient prévues aux articles L. 5126-11 et L. 5126-12 du C.s.p. (loi du 8 décembre 1992).

III/ Délivrance de certains aliments diététiques.
Ces aliments sont cités dans l’article L. 5311-1-13° du C.s.p. : « Les aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales qui, du fait de leur composition, sont susceptibles de présenter un risque pour les personnes auxquelles ils ne sont pas destinés ».

IV/ La stérilisation des dispositifs médicaux : les locaux de la stérilisation seront donc des locaux pharmaceutiques régulièrement autorisés par le préfet et la préparation des dispositifs médicaux stériles sera effectuée par du personnel de la PUI sous l’autorité et la responsabilité du pharmacien.

Commentaires
Il est fait référence à l’article L. 6111-1 du C.s.p. La stérilisation ne peut donc être confiée à la PUI qu’après autorisation du préfet. Cela ne veut pas dire que le pharmacien gérant de la PUI devient le responsable des autoclaves, « Poupinels » et autres moyens de stérilisation utilisés dans l’établissement, puisque sa responsabilité de gérant ne concerne que la PUI.
Pendant la période provisoire où la PUI ne serait pas encore chargée de la stérilisation des DM, le pharmacien gérant n’en assume pas la responsabilité. Celle-ci revient au directeur responsable de l’organisation de l’établissement et au médecin utilisateur ainsi que cela est indiqué à l’article 71 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 : « il doit notamment veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu’il utilise (...) ».
Cette situation ne devrait pas perdurer, puisque la loi (article L. 5126-5 C.s.p.) charge la PUI de la préparation des DM stériles. Les directeurs ont 6 mois pour présenter la demande d’autorisation de la stérilisation et les préfets ont 12 mois pour y répondre.
Nous rappelons que l’article L. 5126-3 du C.s.p. autorise la sous-traitance de la stérilisation entre deux établissements et que cela peut être une solution pour certains établissements :
Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 5126-1, le représentant de l’État dans le département peut, pour des raisons de santé publique, autoriser, pour une durée déterminée, une pharmacie à usage intérieur d’un établissement de santé ou d’un syndicat interhospitalier à assurer tout ou partie de la stérilisation de dispositifs médicaux pour le compte d’un autre établissement.
L’autorisation est accordée après avis de l’inspection compétente et au vu du projet de convention qui fixe les engagements des deux établissements.
L’article L. 6111-1 du C.s.p. auquel il est fait allusion dans le décret indique que « les établissements de santé mettent en place un système permettant d’assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux répondant à des conditions définies par voie réglementaire ». Le décret, qui doit préciser ces conditions, est en cours de rédaction.
On peut penser qu’il demandera qu’un responsable assurance qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux soit nommé dans chaque hôpital.
Contrairement au pharmacien gérant de la PUI dont la responsabilité n’est engagée que pour les actions effectuées par la PUI sous sa surveillance, la responsabilité d’un tel « Mr Assurance Qualité » serait engagée sur toute stérilisation des dispositifs médicaux où qu’elle se fasse.
A notre avis, afin d’éviter tout conflit de compétence, le responsable assurant la qualité de la stérilisation devrait être un pharmacien de compétence reconnue en stérilisation et en assurance qualité, qui ne ferait pas obligatoirement partie de la PUI.

V/ Préparation des médicaments radiopharmaceutiques : ceux-ci sont définis à l’article L. 5121-1-7° du C.s.p. : « tout médicament qui, lorsqu’il est prêt à l’emploi, contient un ou plusieurs isotopes radioactifs, dénommés radionucléides incorporés à des fins médicales ».

Commentaires
Là également, le local dans lequel sont préparés ces médicaments devra faire partie de la PUI et un pharmacien possédant les autorisations nécessaires doit être affecté à cette mission.
L’article R. 5104-16 complète le précédent. Il précise que les PUI doivent disposer d’équipements nécessaires aux contrôles de matières premières et des produits finis, mais que ces contrôles peuvent être dans certains cas confiés à un laboratoire sous-traitant.
A titre exceptionnel, une PUI peut également confier provisoirement une ou plusieurs des missions qu’elle ne pourrait plus assurer à une autre PUI du même établissement ou du même syndicat interhospitalier.
Pour les préparations hospitalières, le décret est plus large, puisque la sous-traitance est également autorisée auprès d’une PUI ou d’un établissement pharmaceutique d’un autre établissement de santé, pour une durée limitée, après avis du DRASS et après autorisation donnée par le représentant de l’État.
* Les différentes sections du décret ont été détaillées dans « La Lettre » n°208, du jeudi 18 janvier 2001, en page 11.

Source : Ordre des Parmaciens