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(2002-06-24) Conseil de l’Europe Question-Réponse au Conseil des Ministres

Mise en ligne : 10 juillet 2005

Texte de l'article :

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Question 403

800e réunion - 20 et 24 juin 2002

Point 3.2

Questions écrites de membres de l’Assemblée parlementaire

Question écrite n° 403 au Comité des Ministres de M. Jurgens : « Affaire Hakkar »
(CM/Del/OJ/OT(2002)798 Addendum Questions générales et CM(2002)30
)

Décision

Les Délégués adoptent la réponse suivante à la Question écrite n° 403 :

« Le Comité des Ministres informe l’honorable parlementaire que, dans le cadre de l’examen de sa question, la Délégation de la France a fourni, pour les six premiers points, les informations qui figurent en annexe.
S’agissant du dernier point soulevé dans sa question, le Comité des Ministres a pris note des explications fournies par les autorités françaises sur le retard pris dans la tenue du nouveau procès. Ce nouveau procès aura lieu en novembre 2002. Si ce procès se tient comme prévu, le besoin d’envisager la réouverture de cette affaire ne se présentera pas. »

Annexe

Informations fournies par la Délégation de la France

- pour quelles raisons de droit M. Hakkar est maintenu en détention, bien que son procès ait été déclaré inéquitable et qu’entre-temps il ait purgé sa peine de 18 ans de prison ;
« M. Hakkar a été condamné par la Cour d’assises de l’Yonne pour homicide volontaire, tentative d’homicide volontaire, vols avec arme, vols avec arme en récidive et vols en récidive à la peine de réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 18 ans (et non à une peine de 18 ans de réclusion).
Cette peine a été suspendue par la Commission de réexamen des décisions pénales le 30 novembre 2000. Il n’est donc pas maintenu en détention du fait de cette peine, qu’il n’exécute plus pour l’instant.
Il reste cependant détenu en exécution d’autres condamnations prononcées contre lui dans le cadre d’autres procédures pénales que celle à l’origine de sa requête devant la Commission européenne des droits de l’homme. Il a en effet été condamné aux peines suivantes :
- 18 mois d’emprisonnement pour tentative d’évasion prononcée par la Cour d’appel de Paris le 2 décembre 1988 ;
- 3 ans pour complicité d’évasion prononcée par la Cour d’appel de Paris le 5 février 1990 ;
- 8 ans pour complicité d’évasion prononcée par la Cour d’appel de Paris le 27 février 1992 ;
- 6 mois d’emprisonnement pour détention de produits stupéfiants prononcée par la Cour d’appel de Reims le 14 mars 1996. »
- si la décision de justice précédente a été annulée en vue d’un nouveau procès, et dans la négative - c’est-à-dire dans le cas où l’ancienne décision continue de s’appliquer -, si cela ne constitue pas un manquement à la règle « non bis in idem » ;
« La décision en date du 30 novembre 2000 de la Commision de réexamen faisant droit à la demande de M. Hakkar, qui visait au réexamen de l’arrêt de condamnation de la Cour d’assises de l’Yonne n’a pas pour effet, ipso facto, d’entraîner l’annulation de cet arrêt. En effet, la décision de la nouvelle Cour d’assises saisie par la Commission de réexamen n’aura vocation qu’à se substituer à celle rendue par la Cour d’assises de l’Yonne et une seule peine sera, le cas échéant, exécutée.
Au demeurant, s’agissant de l’exécution de la condamnation prononcée par la décision pénale qui fait l’objet du réexamen, celle-ci peut simplement être suspendue, en application des dispositions de l’article 626-5 du Code de procédure pénale.
En l’espèce, la Commission de réexamen a d’ailleurs fait usage de cette faculté dans sa décision du 30 novembre 2000, dont le dispositif se lit comme suit :
« Par ces motifs :
Fait droit à la demande de réexamen de la décision de la Cour d’assises de l’Yonne du 8 décembre 1989 ayant condamné A. Hakkar à la peine de la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 18 ans.
Renvoie l’affaire devant la Cour d’assises des Hauts de Seine.
Ordonne la suspension de l’exécution de la condamnation de la peine de réclusion criminelle à perpétuité (...) ». »
- s’il est vrai que la procédure engagée devant une juridiction civile pour demander la libération de M. Hakkar au motif que son maintien en détention est illégal, puisqu’il n’a pas eu droit à un procès équitable, a été arrêtée par le préfet d’Ile-de-France, qui a saisi le tribunal des conflits en avril 2000, et s’il est vrai qu’un an et demi plus tard, le tribunal des conflits n’a toujours pas rendu de décision ;
« En avril 2000, M. Hakkar a effectivement saisi en référé le président du Tribunal de Grande Instance de Paris aux fins, principalement, de faire mettre un terme à son emprisonnement qu’il qualifiait de voie de fait.
Le Préfet de la région de l’Ile de France a présenté un déclinatoire de compétence le 17 avril 2000, qui a été rejeté par ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance, en date du 21 avril 2000.
Le Préfet a alors décidé d’élever le conflit le 9 mai 2000. Toutefois, celui-ci n’ayant pas été examiné dans les délais prévus par la loi, la procédure judiciaire a été reprise, conformément aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 12 mars 1831.
Cette procédure s’est achevée par une ordonnance d’incompétence rendue par le président du Tribunal de Grande Instance de Paris, aux motifs que depuis la décision du 21 avril 2000 était intervenue la loi du 15 juin 2000 qui a créé la Commission de réexamen des décisions pénales. Or, en l’occurrence, cette commission ayant suspendu l’exécution de la peine de M. Hakkar, celui-ci ne peut plus se prévaloir d’une quelconque carence de l’Etat constitutive de voie de fait.
Au 25 janvier 2002, aucun appel n’avait été enregistré contre cette ordonnance. »
- s’il est vrai que M. Hakkar est actuellement détenu pour « évasion par bris de prison », infraction commise en 1988 et 1992, qui lui a valu d’être condamné à un an et demi et huit ans de prison, et s’il est vrai que ces peines s’ajoutent aux 18 ans de prison qu’il a déjà purgés, et dans l’affirmative, si cela est compatible avec les principes raisonnables de la justice dans le cas particulier de M. Hakkar ;
« Ainsi qu’il a été mentionné supra, outre les faits pour lesquels il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, M. Hakkar a été condamné pour plusieurs infractions, et notamment pour des faits d’évasion.
Or, aux termes de l’article 434-1 du Code pénal, les peines prononcées pour évasion se cumulent sans possibilité de confusion avec celles que l’évadé subissait ou celles prononcées pour l’infraction à raison de laquelle il était détenu.
En l’occurrence, la Commission de réexamen a bien suspendu l’exécution de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, mais aux termes de l’article 626-5 du Code de procédure pénale, seule l’exécution de la condamnation prononcée en violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme pouvait être suspendue par elle. Dès lors, la demande présentée par M. Hakkar devant cette Commission, et visant à la suspension de l’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée par la Cour d’appel de Paris le 27 février 1992, était irrecevable.
Contestant la mise à exécution des peines non confondues, M. Hakkar a saisi à la fois le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris et la 10ème chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Paris en difficulté d’exécution.
La procédure en référé s’est achevée par une décision d’incompétence le 17 décembre 2001. Le juge des référés a rappelé que la Commission de réexamen des décisions pénales créée par la loi du 15 juin 2000 avait suspendu l’exécution de la peine de M. Hakkar et jugé que celui-ci ne pouvait plus dès lors se prévaloir d’une carence de l’Etat constitutive d’une voie de fait.
La 10e chambre de la Cour d’appel de Paris a débouté M. Hakkar de ses demandes le 22 mars dernier, aux motifs que les peines prononcées pour évasion ont été régulièrement mises à exécution le 30 novembre 2000. Elle a rappelé que la décision de la Commission de réexamen suspendait l’exécution de la décision criminelle dont elle avait été saisie, mais qu’elle était sans incidence sur la possibilité de la mise à exécution de ces deux autres peines, définitives, non susceptibles de confusion en raison de la nature des faits sanctionnés, et non prescrites en raison de leur mise à l’écrou et de l’exécution d’une autre peine ou d’une mesure de détention provisoire.
C’est pourquoi, la fin de l’exécution des peines auxquelles M. Hakkar a été condamné est actuellement fixée au 28 mars 2010, compte tenu des réductions de peines acquises au 30 novembre 2001.

- s’il est vrai que M. Hakkar est soumis à un régime d’isolement ;
« M. Hakkar est incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé à Paris depuis le 27 septembre 2000, où il a été admis en raison de son recours en réexamen.
Il a été placé à l’isolement le 30 novembre 2000 pour raisons de sécurité. Cette décision, dont les motifs étaient contestés par M. Hakkar, était ainsi justifiée : « risques d’agressions envers le personnel compte tenu des menaces proférées à plusieurs reprises si la décision de justice relative au réexamen ne vous convenait pas. Cette mesure est nécessaire pour protéger les personnels et éviter les risques d’évasion ».
La mesure de placement à l’isolement a été prolongée par périodes de trois mois à partir du 28 février 2001 pour les mêmes raisons que celles qui avaient motivé le placement initial de l’isolement.
Toutefois, il convient de souligner que depuis le 28 mai 2001, c’est en raison du refus de M. Hakkar lui-même de réintégrer la détention normale que la mesure d’isolement a été prolongée.
M. Hakkar peut néanmoins bénéficier de visites. Plusieurs permis de visite ont été délivrés. Sa soeur lui rend ainsi visite tous les deux mois.
Remarque complémentaire :
Si M. Hakkar n’a pas encore été rejugé par la Cour d’assises des Hauts de Seine, c’est en raison de son propre comportement. Il a en effet déposé auprès du doyen des juges d’instruction d’Auxerre une plainte avec constitution de partie civile pour faux concernant des pièces du dossier criminel qui doit précisément être rejugé par cette Cour. Cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de refus d’informer le 19 juin 2001. M. Hakkar a fait appel de cette décision et la Cour d’appel de Paris a rejeté son appel le 10 février. Toutefois, M. Hakkar a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, retardant ainsi d’autant le réexamen de son affaire.

La Cour de cassation a rendu le 23 mai dernier une décision de non admission de ce pourvoi.

Afin d’assurer une bonne administration de la justice et d’éviter toute nouvelle contestation de la part de M. Hakkar lors de l’examen des faits par la Cour d’assises, le Procureur général près la Cour d’appel de Versailles attendait l’issue des recours exercés par celui-ci pour fixer la date de l’audience.

Cette date a pu maintenant être fixée : l’affaire de M. Hakkar devrait être évoquée durant la session d’assises du mois de novembre prochain.