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Texte intégral avec Annexes

Type : PDF

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Date : 13-03-2005

(2003) F.A.R.E.S "Evaluation du dépistage actif de la Tuberculose parmi les détenus en Belgique"

Mise en ligne : 14 mars 2005

Texte de l'article :

Fondation contre les Affections Respiratoires et pour l’Education à la Santé
F.A.R.E.S.
EVALUATION DU DEPISTAGE ACTIF DE LA
TUBERCULOSE PARMI LES DETENUS EN BELGIQUE
2002 - 2003
Rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles
Tel. 02/512.29.36 - Fax 02/512. 32. 73
e-mail : maryse.wanlin@skynet.be
Web : www.fares.be

TABLE DES MATIERES

1. Objectifs du dépistage actif
2. Organisation du dépistage actif
3. Organisation du suivi après le dépistage actif
4. Résultats du dépistage actif
a. Nombre de radiographies réalisées au cours du dépistage actif
b. Taux de couverture du dépistage actif
c. Taux de détection de la tuberculose lors du dépistage actif
d. Caractéristiques des tuberculoses diagnostiquées chez les détenus
e. Résultats du traitement
5. Priorités et perspectives
6. Conclusions
Annexe 1 : Organisation du dépistage actif parmi les détenus - Belgique -
2002/2003
Annexe 2 : Taux de couverture du dépistage radiologique réalisé chez les détenus en 2002 et nombre de tuberculoses dépistées activement - Belgique
Annexe 3. Taux de couverture du dépistage radiologique réalisé chez les détenus en 2003 et nombre de tuberculoses dépistées activement - Belgique

AVANT-PROPOS

Le dépistage actif de la tuberculose parmi les détenus est une réalité en Belgique depuis près de 15 ans, mais c’est la première fois qu’un rapport global visant à évaluer l’ensemble des activités sur le territoire belge est élaboré. Cette initiative a été prise car nous pensons qu’il est nécessaire d’avoir actuellement une vision globale de la situation afin de pouvoir prendre des décisions cohérentes pour améliorer à la fois la couverture du dépistage ainsi que le suivi des patients tuberculeux dépistés.
La rédaction de ce rapport a été possible grâce à la collaboration de nombreuses personnes et services. Nous tenons à remercier tout particulièrement le service de santé pénitentiaire avec qui la collaboration a toujours été fructueuse ainsi, que les infirmières et assistantes sociales de la FARES et de la VRGT dont le travail sur le terrain est exemplaire. Merci également au personnel des prisons, notamment aux services médicaux, aux « responsables tuberculose » et aux conseillers en prévention qui ont été des relais efficaces au sein des prisons.
Nous tenons aussi à rappeler que le dépistage de la tuberculose chez les détenus est rendu possible grâce au financement des Communautés française et flamande.
Cette première mouture du rapport ne demande qu’à être améliorée au fil du temps. Toutes vos remarques et suggestions sont donc les bienvenues.
Dr An AERTS Dr Maryse WANLIN
Directrice VRGT Directrice Médicale FARES

1. OBJECTIF DU DEPISTAGE ACTIF

L’objectif du dépistage actif chez les détenus a été clairement défini dans les recommandations relatives à « La prise en charge de la tuberculose dans le milieu carcéral » éditées en 1998 puis réactualisées en 2000.
Le but recherché lors du dépistage est de diagnostiquer le plus rapidement possible toute tuberculose active afin de la traiter et limiter ainsi la transmission des bacilles tuberculeux dans ce milieu fermé.
La radiographie du thorax (RX) a donc été préconisée comme moyen de dépistage.
Le dépistage est ciblé vers les prisonniers nouvellement entrés dans les établissements pénitentiaires.
Il est répété annuellement.

2. ORGANISATION DU DEPISTAGE ACTIF

Le dépistage radiologique des détenus est organisé conjointement par la FARES/VRGT, le service de santé pénitentiaire et les services médicaux des prisons.
Quatre prisons sont équipées d’un appareil radiologique fixe (Lantin, Andenne, Bruges, Anvers central).
Une unité mobile radiologique (MRU = Mobile Radiography Unit) se déplace régulièrement dans les autres établissements pénitentiaires. En Régions flamande et bruxelloise, il s’agit du MRU de la VRGT [1]. En Région Wallonne, une collaboration a été établie avec les services itinérants provinciaux (SI) de Namur et de Liège. Le MRU de la VRGT est sollicité dans les prisons où les dimensions de la porte d’entrée empêchent l’accès aux cars provinciaux (Mons et Jamioulx).
Dans chaque prison, la fréquence du passage du MRU est établie sur base du turn over des prisonniers [2] ; elle est la plus élevée à Forest (2x/mois) et à Berkendael (1x/mois). En Flandre, la fréquence a été augmentée en 2003 dans deux prisons (Gand et Hasselt), afin d’améliorer le taux de couverture du dépistage jugé trop bas en 2002.
Les dates de passage du MRU sont définies en collaboration avec le service médical des prisons et plus particulièrement avec le « responsable tuberculose ». Ce « focal point » est en général un (e) infirmièr(e) qui est chargé de coordonner localement l’organisation du dépistage et du suivi en cas de découverte d’une anomalie à la radiographie.
La lecture des RX [3] est effectuée par des pneumologues attachés à la FARES/VRGT. Les résultats sont centralisés par les deux associations [4].
Le tableau de l’annexe 1 reprend les éléments principaux de l’organisation du dépistage actif dans les prisons belges au cours des années 2002 et 2003.

3. ORGANISATION DU SUIVI APRES LE DEPISTAGE ACTIF

Lorsqu’une RX suspecte est découverte à l’occasion du dépistage actif, la FARES/VRGT avertit immédiatement le responsable « tuberculose » de la prison [5] ainsi que le service de santé pénitentiaire.
Les cas suspects sont mis au point dans les deux centres médicaux pénitentiaires (Centre Médicochirurgical de St Gilles et Medisch Centrum de Bruges).
Si la tuberculose est confirmée [6], une réunion de concertation est organisée avec les différents services/ personnes concernées (FARES/VRGT, service médical, « responsable tuberculose », conseiller en prévention, représentants du service de santé pénitentiaire et du service médical du travail de l’Etat, direction) afin d’établir la stratégie de dépistage des contacts parmi les détenus [7] et le personnel.
Les patients dont la tuberculose est confirmée sont traités tout d’abord dans un des deux centres médicaux pénitentiaires puis, lorsqu’ils ne sont plus contagieux, par le service médical de la prison qui les a référé.
Les détenus tuberculeux qui quittent la prison avant la fin du traitement peuvent être pris en charge par le système curatif ou éventuellement par la FARES/VRGT. Des informations pratiques leurs sont dispensées à l’occasion de visites du personnel FARES/VRGT dans les centres médicaux de St Gilles et de Bruges. L’objectif est de les aider à se prendre en charge au moment de la sortie. Dans certains cas, des recherches devront être effectuées afin de récupérer des malades perdus de vue.

4. RESULTATS DU DEPISTAGE ACTIF

Seuls les résultats des examens radiologiques effectués chez les détenus à l’entrée et annuellement sont pris en compte dans ce paragraphe. Les résultats des dépistages des contacts ne sont pas traités ici [8] .
A. Nombre de radiographies réalisées au cours du dépistage actif
En 2002, 12.116 radiographies ont été effectuées chez les détenus incarcérés dans les prisons belges.
Ce nombre a augmenté en 2003 (13.547).
Comme le montre le tableau 1, le nombre de RX réalisées via un appareil fixe a augmenté en 2003 aussi bien en Région flamande qu’en Région wallonne. Le nombre global de RX effectuées par les MRU est aussi en hausse (l’augmentation étant plus importante en Région bruxelloise).

TABLEAU 1 : REPARTITION DES RX EN FONCTION DU TYPE D’APPAREILLAGE ET DES REGIONS, 2002 - 2003
(voir dossier PDF)
Le nombre de RX effectuées dans chaque prison, en 2002 et 2003, est repris dans les annexes 2 et 3.

B. Taux de couverture du dépistage actif

La collecte des données telle qu’elle est organisée à l’heure actuelle ne permet pas de faire la distinction entre les résultats du dépistage chez les nouveaux entrants (venant de l’extérieur) et parmi la population incarcérée pour une durée prolongée. Par conséquent, il est impossible de calculer séparément les taux de couverture.
En 2002, le nombre total des détenus était de 23.238 versus 23.941 en 2003. Ce nombre représente les détenus répertoriés au premier janvier auquel on a ajouté les nouveaux écrous ; il s’agit donc d’une approximation du nombre total des prisonniers ayant réellement transité par le système carcéral au cours de ces deux années. La plus grande prudence est donc requise dans l’interprétation des taux de couverture du dépistage dans les prisons (dont certains sont supérieurs à 100 %). Les résultats présentés ci-dessous ne sont qu’une approche de la situation réelle.
En 2002, le taux de couverture global était de 52%. En 2003, il était un peu plus élevé (58%) du fait, probablement, de l’augmentation de la fréquence du passage du car dans certaines prisons.
Malgré cette légère amélioration ce taux reste insuffisant.
De fortes variations sont observées entre les prisons ; elles peuvent être expliquées par des différences de contexte :
- maison de peines ou d’arrêt ; cette dernière a, en général, un taux de couverture plus bas suite au turn over important des détenus [9] ;
- présence d’un appareil fixe versus passage périodique du MRU ;
- mobilisation de la prison (direction, gardiens, responsable tuberculose) pour organiser le dépistage de manière optimale.
De manière générale, le taux de couverture est meilleur dans les prisons flamandes que francophones [10]. En 2002 et en 2003, il était respectivement de 57% et de 60% parmi les premières et de 46% et 53% dans le second groupe (annexes 2 et 3).
Des taux de couverture plus élevés sont observés dans les maisons de peines. Il s’agit de Marneffe, Paifve, St Hubert, Ittre, Ruiselede, Hoogstraten, Merkplas, Wortel et Louvain central. Un taux de 100% est observé à la maison de peines d’Andenne car elle équipée d’un appareil fixe. Les trois autres prisons capables de réaliser des RX sur place avec leur propre matériel n’atteignent pas ce plafond mais leur statut est aussi différent puisqu’il s’agit de maisons d’arrêt et de peines (Lantin, Bruges) ou uniquement d’arrêt (Anvers Central). En 2003, le taux de couverture dans ces trois prisons était respectivement de 71%, 67% et 63%.
En 2003, des taux de couverture de moins de 40% ont été observés dans les prisons suivantes [11] : Ypres (34%), Dendermonde (31%), Malines (38%), Hasselt (21%), Tongres (34%), Louvain secondaire (29%), Jamioulx (31%), Namur (22%), Dinant (24%), Nivelles (22%). Ces prisons sont visitées par le MRU et ont une durée moyenne de séjour comprise entre 2 et 4 mois, à l’exception de Nivelles (6 mois) [12].
Dans la prison d’arrêt de Forest/Berkendael, où la durée moyenne de séjour est une des plus basses (3 mois), on constate un faible taux de couverture (47%) bien que la fréquence du dépistage y soit la plus élevée.

C. Taux de détection de la tuberculose lors du dépistage actif

En 2002, 14 tuberculoses ont été confirmées [13] à la suite de l’organisation du dépistage actif dans les prisons (1 en Région bruxelloise, 4 en Région wallonne et 9 en Région flamande). Ceci correspond globalement à un taux de détection de 116 patients tuberculeux /100.000 détenus examinés (annexe 2).
Au cours de l’année 2003, 11 patients atteints de tuberculose active ont été détectés en Région flamande (3 à Anvers, 1 à Louvain central, 1 à Dendermonde et 6 à Bruges), 3 en Région bruxelloise (Forest) et 4 en Région wallonne (2 à Mons et 2 à Lantin). Avec un total de 18 tuberculeux dépistés activement, le taux de détection de la tuberculose parmi les détenus est estimé à 133/100.000 (annexe 3).
Ces taux de détection élevés, démontrent que les détenus constituent bien une population à haut risque de tuberculose [14] parmi laquelle un dépistage actif se justifie.
Toutes les tuberculoses diagnostiquées parmi les prisonniers [15] doivent être déclarées au médecin inspecteur concerné. Elles sont donc répertoriées dans le registre de la tuberculose. L’analyse de ce dernier, met en évidence qu’en 2002, 21 patients tuberculeux ayant le statut de prisonnier ont été déclarés en Belgique et 17 en 2003. Les tuberculeux dépistés activement au cours de ces 2 années étant respectivement au nombre de 14 et de 18, ceux-ci représentent 67 % du total des détenus atteints de tuberculose en 2002 et 106 % en 2003. Ce dernier résultat est interpellant et résulte très probablement d’une sous-déclaration des tuberculoses détectées dans le milieu carcéral.

D. Caractéristiques des tuberculoses diagnostiquées chez les détenus

Les résultats présentés dans le tableau 2 concernent les tuberculoses répertoriées parmi les détenus et déclarées dans le registre de la tuberculose en 2002 et en 2003.
TABLEAU 2 : PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DES TUBERCULOSES ENREGISTREES EN 2002- 2003
(voir dossier PDF)
La majorité des tuberculoses sont répertoriées chez des hommes et sont localisées au niveau pulmonaire. Parmi les tuberculoses pulmonaires, 33% sont positives à l’examen direct des expectorations (et donc hautement contagieuses) et 81% ont été confirmées par la culture. Par ailleurs aucune tuberculose multirésistante (càd résistante au moins aux deux antibiotiques majeurs du traitement, l’isoniazide et la rifampicine) n’a été diagnostiquée au cours des deux années.
La plupart des tuberculoses ont été observées chez des détenus âgés de 40 ans ou moins (79 %).
Parmi les détenus déclarés dans le registre en 2002 et en 2003, 68 % sont d’origine étrangère ; sur les 26, 9 proviennent d’Europe Centrale et de l’Est, 9 d’Afrique du Nord, 1 d’Afrique sub-saharienne, 3 d’Asie et 4 d’Europe de l’Ouest .

E. Résultats du traitement

Un des éléments principaux de la stratégie d’élimination de la tuberculose est de traiter rapidement et adéquatement tout malade diagnostiqué. Il est important que le traitement soit pris de manière complète et continue afin d’obtenir la guérison du patient mais aussi pour limiter le développement de résistances aux médicaments antituberculeux.
Il est donc intéressant de connaître, après une période déterminée, si le traitement s’est soldé par une guérison ou par un échec.
Les résultats présentés dans le tableau 3, concernent le suivi à un an des détenus atteints de tuberculose pulmonaire (confirmée bactériologiquement) et déclarés dans le registre en 2002. Seuls les résultats du suivi des patients enregistrés cette année-là sont disponibles à l’heure actuelle.

TABLEAU 3 : RESULTATS DU TRAITEMENT DES TUBERCULOSES PULMONAIRES DEPISTEES DANS LE MILIEU
CARCERAL EN 2002
(voir dossier PDF)
Une guérison (avec ou sans preuves bactériologiques) a été obtenue dans un peu plus de la moitié des cas (52%). La proportion de perdus de vue est importante (19%) ; parmi ceux-ci, 2 détenus ont dû quitter le pays. Un seul patient est décédé d’une autre pathologie que la tuberculose.

5. PRIORITES ET PERSPECTIVES

Afin d’améliorer la couverture du dépistage actif, plusieurs stratégies sont possibles ; elles doivent être choisies en fonction de la situation particulière de chaque prison : 
x Augmenter la fréquence du passage des unités mobiles radiologiques [16]. La faisabilité de cette proposition est liée à la capacité des MRU existants à faire face à la demande croissante des déplacements [17]. En 2003, un projet de MRU spécifiquement dédié au système carcéral avait été étudié par le service de santé pénitentiaire en collaboration avec la FARES/VRGT, mais n’avait pas abouti. Ce projet devrait à nouveau être examiné avec attention. Ceci nous paraît être une PRIORITE si l’on veut augmenter rapidement la fréquence et la couverture du dépistage.
x Equiper certaines prisons d’un appareil radiologique fixe. Cette solution ne paraît justifiée que lorsque la durée de séjour est faible et le nombre de nouveaux écrous est très élevé. Actuellement seule la prison de Forest nous semble être concernée par cette approche malgré le fait que le
dépistage y soit organisé bi-mensuellement. Une telle décision demande bien entendu une étude
de faisabilité en termes humains, financiers et techniques.
x La réalisation d’intradermo-réactions (ID) [18] par le service médical de la prison pourrait sembler à première vue une solution facilement applicable afin que tous les nouveaux entrants puissent subir un dépistage. Quelques établissements pénitentiaires [19] ont décidé de leur propre initiative de recourir à ce type de dépistage de manière pilote. Le dernier en date est la prison de Mons en 2004. La pertinence de cette approche doit toutefois être évaluée avec soins. Les éléments dont nous disposons à l’heure actuelle ne permettent pas de soutenir cette approche dans le cadre du dépistage systématique [20] pour les raisons suivantes :
- la fréquence élevée des ID positives chez les prisonniers. Plusieurs études réalisées en Belgique démontrent que l’index tuberculinique est d’environ 25% dans cette population qui compte une proportion élevée de non Belges ou de sujets ayant des antécédents d’infection/BCG. Ceci implique qu’un quart des détenus testés par ID devrait de toute façon se soumettre à une RX de contrôle !
- la proportion relativement basse des sujets qui pourrait subir une épreuve complète. La difficulté du test tuberculinique réside dans le fait que la lecture doit être effectuée 3 à 5 jours plus tard. Dans le contexte carcéral, la disponibilité des détenus au moment requis n’est pas toujours possible ; ils peuvent être absents dans le cadre de la procédure juridique ou avoir été transférés dans une autre prison.
- La faible proportion des sujets tuberculino-positifs (càd infectés) qui pourraient être traités préventivement (et terminer le traitement). Il est clairement recommandé à l’heure actuelle de n’envisager un dépistage par test tuberculinique que dans l’optique d’un traitement de l’infection tuberculeuse latente (LTBI) surtout si elle est récente.
- Le temps de travail important consacré par le service médical de la prison à l’organisation de ce dépistage (et à son suivi) (cfr projet pilote à Louvain secondaire).
Le taux de couverture variant assez fort d’une prison à l’autre, il est important de cibler les efforts vers celles où il est le plus bas ; il s’agit en général des établissements qui ont un turn over de la population carcérale élevé du fait de leur statut de maison d’arrêt.
La réalisation optimale d’un dépistage des contacts (parmi le personnel et les détenus) après la confirmation d’un cas de tuberculose contagieuse a aussi toute son importance pour limiter la transmission dans ce milieu fermé. La procédure mise en place il y a plusieurs années et qui préconise une concertation de tous les partenaires concernés avant la mise en place du dépistage est essentielle. Les décisions prises doivent suivre la ligne générale des recommandations tout en tenant compte de la faisabilité opérationnelle.
La limitation de la transmission des bacilles tuberculeux dans les prisons passe aussi par une meilleure détection des malades symptomatiques (dépistage passif). Il faut donc maintenir un certain degré d’alerte parmi le personnel du service médical mais aussi parmi les gardiens qui côtoient quotidiennement les détenus afin de reconnaître les symptômes suggestifs de la tuberculose pulmonaire [21].
Le dépistage de la tuberculose n’a de sens que si un suivi et un traitement adéquat des sujets dépistés sont mis en place. Le traitement doit être correctement pris par le patient afin qu’il guérisse mais aussi afin de limiter le développement d’une résistance aux médicaments antituberculeux. Le milieu carcéral est à première vue un endroit privilégié pour implanter un traitement supervisé (DOT).
Tout doit être mis en oeuvre pour que le traitement soit poursuivi si le malade quitte la prison.
Une collaboration étroite est requise entre les services médicaux et administratifs des institutions carcérales, ainsi qu’entre les centres hospitaliers pénitentiaires et la FARES/VRGT ; ce partenariat doit être optimisé car encore trop de malades sont perdus de vue après leur sortie ou après leur transfert dans une autre prison [22].
L’optimisation du dépistage et de son suivi passe par une bonne information des personnes / services pénitentiaires concernés à propos de la tuberculose et de l’intérêt du dépistage. Plusieurs initiatives seront développées en 2004 :
- Réactualisation des recommandations relatives au « dépistage et à la prise en charge de la tuberculose dans le milieu carcéral ». Leur diffusion dans toutes les prisons est prévue en 2005.
- Organisation de séances d’information destinées aux directions des prisons.
- En Communauté française, organisation de séances d’information pour le personnel afin d’expliquer le changement de stratégie de dépistage (ID à la place de RX). Ces réunions sont aussi l’occasion de mieux faire comprendre les différences d’approche du dépistage de la tuberculose entre détenus et travailleurs et de sensibiliser chacun à l’intérêt de collaborer pour optimiser le dépistage.
- Utiliser la diffusion de ce rapport dans les prisons comme moyen de sensibilisation.
Un système de transfert d’informations sanitaires performant est aussi important pour rationaliser et optimiser le dépistage. Le programme informatique EPICURE utilisé par le système pénitentiaire doit permettre de connaître l’historique du dépistage de la tuberculose pour chaque détenu. Cette connaissance devrait permettre d’établir des listes où ne figureraient que les détenus qui doivent effectivement subir un dépistage périodique et éviterait la répétition inutile d’examens chez les prisonniers transférés d’une prison à l’autre. Il permettrait aussi de mieux suivre les patients tuberculeux pendant leur séjour dans le milieu carcéral.
L’évaluation du dépistage est primordiale car elle permet de prendre les décisions opérationnelles qui s’imposent.
A l’avenir, il serait nécessaire :
- de pouvoir faire la distinction entre les résultats du dépistage effectué à l’entrée ou périodiquement Ceci implique une adaptation de la collecte d’informations aussi bien au niveau carcéral qu’au niveau des unités mobiles radiologiques et de la FARES/VRGT.
- de calculer les taux de couverture du dépistage en se basant sur des chiffres de population carcérale plus fiables.
- de veiller à une déclaration exhaustive de toutes les tuberculoses actives détectées dans le milieu carcéral.

 CONCLUSIONS

Les prisonniers constituent un groupe de population à haut risque de tuberculose dans notre pays ; les taux élevés de détection de la tuberculose observés lors du dépistage actif organisé en 2002 et en 2003 (respectivement 116/100.000 et 133/100.000) le confirme.
Le dépistage actif mis en place en Belgique parmi les détenus est donc tout a fait justifié ; il fait partie du « risk group management » qui, à côté d’un dépistage passif des patients tuberculeux, est un des piliers de la stratégie d’élimination de la tuberculose dans les pays à basse incidence.
L’objectif poursuivi en instaurant ce dépistage est de limiter la transmission des bacilles tuberculeux dans le milieu carcéral.
Les tuberculoses dépistées activement en 2002 et en 2003 représentent 67% et 106 % du total des cas de tuberculose déclarés dans le registre au cours de ces mêmes années ; ce qui voudrait dire que l’efficacité de cette approche est relativement bonne (voire optimale en 2003). Mais nous pensons que ces résultats sont plutôt la conséquence d’une sous-déclaration des détenus tuberculeux d’autant que le taux de couverture du dépistage actif est globalement assez faible en Belgique : 52% en 2002 et 58% en 2003.
Les résultats rapportés dans ce document doivent donc être interprétés avec prudence vu le problème de sous-notification et de fiabilité des chiffres de population carcérale.
Malgré tout, un tel rapport peut être à la base d’une réflexion qui permettra d’élaborer, dans notre pays, une stratégie uniforme et efficace de contrôle de la tuberculose dans les prisons. Dans le futur, l’amélioration de l’évaluation du dépistage actif parmi les détenus nécessitera l’accès à des chiffres de population carcérale plus proches de la réalité.

ANNEXES
(voir dossier PDF)

Notes:

[1] La VRGT possède depuis 2004 un MRU équipé d’un appareil digitalisé. Elle possède aussi une camionnette équipée d’un appareil RX qui peut être transporté dans un local, lors des dépistages

[2] Le turn over peut être apprécié par la durée du séjour moyen des détenus et par le nombre de nouveaux écrous

[3] Une seule lecture est effectuée à l’heure actuelle aussi bien pour les RX réalisées par les MRU que par les appareils fixes

[4] En Wallonie, les MRU de Liège et de Namur protocolent et centralisent les résultats des dépistages effectués dans leur propre province ; ils les transmettent ensuite à la FARES

[5] 5 En Wallonie, ce contact peut être pris directement par les MRU de Liège et de Namur ou par le service radiologique de la prison

[6] Cette procédure est également d’application si la tuberculose a été dépistée, passivement, sur base de symptômes

[7] Ce dépistage peut être étendu à d’autres prisons par lesquelles le détenu malade aurait transité, si les éléments en possession du groupe de concertation permettent de prendre cette décision

[8] Aucun résultat relatif au dépistage des détenus incarcérés à St Gilles n’est disponible pour les deux années visées par ce rapport. Il faut toutefois noter que la majorité de ceux-ci subissent un dépistage lorsqu’ils sont à la prison de Forest

[9] A l’exception de la prison d’Anvers Central qui grâce à son appareil fixe peut effectuer une RX chez la plupart des nouveaux entrants

[10] A Bruxelles, la prison de Forest/Berkendael est considérée comme francophone et celle de St Gilles comme néerlandophone

[11] Huy n’a pas été visitée en 2003 pour des raisons internes à la prison mais en 2002 son taux de couverture atteignait 22%

[12] Lorsque, parallèlement au dépistage radiologique, un test tuberculinique est réalisé chez les nouveaux entrants, le taux de couverture du dépistage « global » est bien entendu plus élevé. C’est la cas notamment à Nivelles

[13] En Communauté française, en 2002, 5 détenus suspects de tuberculose ont été perdus de vue avant la mise au point

[14] En Belgique, un taux limite de 50/100.000 a été choisi pour définir une population à haut risque de tuberculose chez qui un dépistage actif doit être organisé

[15] Au cours d’un dépistage actif ou de contacts ou à la suite d’un dépistage passif

[16] Cette solution doit être couplée à une organisation optimale du dépistage dans chaque prison

[17] Un déplacement ne se justifie que lorsque le nombre de détenus est >-40

[18] A moyen terme, des nouveaux tests de sérodiagnostic pourront démontrer la présence d’une infection tuberculeuse en ayant recours à une seule prise de sang ; ils sont encore à l’étude actuellement

[19] En 2004 : Nivelles, Tournai, Mons, Ittre, Bruges section femmes, Louvain secondaire

[20] L’intradermo-réaction apparaît toutefois comme étant l’examen de choix lors du dépistage des contacts autour d’un patient contagieux

[21] Il s’agit de la forme contagieuse de la maladie dont les signes d’alarme sont les suivants : nouvel épisode de toux de plus de 3 semaines (surtout si un traitement a été tenté sans succès), altération de l’état général : fièvre, amaigrissement, fatigue, ....Y penser plus particulièrement chez les détenus originaires de pays à haute prévalence ou immunodéficients

[22] Dans certains cas, il s’agit de patients suspects de tuberculose dont la mise au point n’a pu être réalisée avant la sortie ou le transfert