Un militant bénévole dans une association de toxicomanes arrêté pour agressions sexuelles.
Par Jacky DURAND
Didier R., 40 ans, ne s’est pas rendu à son travail, hier matin, à Espoir Goutte-d’Or, une association de prévention de la toxicomanie, du sida et des hépatites. Ses collègues de travail, inquiets, ont laissé des messages à son domicile dans le XIXe arrondissement à Paris. « On avait peur qu’il soit malade, parfois ses T4 [1] chutent », explique une collègue.
L’ex-toxicomane n’a jamais caché sa séropositivité, contractée il y a vingt ans. Au contraire, disent ceux qui le connaissent, « il voulait témoigner pour briser le tabou, encourager les autres à parler de leur vie avec le VIH. C’est un vrai militant ». Depuis ce week-end, Didier R. est en prison. Pour les policiers de la brigade criminelle, il serait « le violeur aux rollers » et il a été mis en examen pour neuf faits et tentatives.
Habitudes. Dans l’Est parisien, cela fait un moment que l’on parle du « violeur aux rollers ». En 2002, deux jeunes femmes avaient porté plainte après avoir été victimes d’attouchements sous la contrainte d’une arme blanche par un homme chaussé de rollers. Les enquêteurs s’étaient d’abord tournés vers un suspect dont le profil correspondait, mais celui-ci était déjà en prison.
En février dernier, la brigade criminelle a été saisie de quatre affaires d’agressions sexuelles où un ADN avait été retrouvé. Les enquêteurs ont cerné le même mode opératoire, l’attribuant à un homme de type européen, 1,80 m, portant un bonnet et une barbe de quelques jours. A la nuit tombée, l’homme chaussé de rollers repérait dans la rue des jeunes femmes qu’il suivait jusqu’à proximité de leur domicile. Il contraignait ses victimes à pratiquer des fellations et des masturbations [2], sous la menace d’un cutter. L’homme prenait la fuite quand ses tentatives échouaient. Il aurait également entaillé l’avant-bras gauche de l’une des jeunes femmes et dérobé un téléphone portable lors d’une autre tentative. Le « violeur aux rollers » a sévi dans plusieurs arrondissements de Paris, avec une préférence pour le Xe arrondissement.
Samedi, vers 3 heures du matin, c’est un gardien de la paix qui a repéré Didier R. sur la voie publique. Le fonctionnaire de la police urbaine de proximité frais émoulu d’un stage de deux semaines à la brigade criminelle venait d’être mis au parfum sur les agissements du « violeur aux rollers » au Quai des Orfèvres. Rue Pierre-Dupont, il repère un individu monté sur roulettes qui suit une jeune femme d’une vingtaine d’années. A la vue de la police, Didier R. prend la fuite. Interpellé, un cutter et deux cigarettes de haschisch sont saisis sur lui. Il est ensuite transféré au Quai des Orfèvres. En garde à vue, Didier R. est reconnu lors d’un tapissage derrière une vitre sans teint par trois de ses victimes présumées. Son empreinte génétique a également été identifiée dans les quatre dossiers comportant un ADN.
Surprise. « C’est pire que docteur Jekyll et Mr. Hyde », soupirait, hier après-midi, une responsable d’Espoir Goutte-d’Or. Selon l’association, Didier R. y était entré, il y a dix ans, à la faveur d’un contrat emploi-solidarité. A l’époque, le jeune homme venait de purger douze années de prison. Accro à l’héroïne, il braquait des bureaux de tabac mais n’avait jamais été mis en cause pour des agressions sexuelles.
A Espoir Goutte-d’Or, raconte Lia Cavalcanti, la directrice, Didier R. s’est vite rendu indispensable grâce à ses compétences informatiques et sa disponibilité. Il avait également suivi une formation de secrétaire de rédaction pour s’occuper du journal de l’association. « Il n’a jamais bouclé un numéro en retard. Il a toujours refusé le mi-temps thérapeutique qu’on lui proposait afin de se consacrer pleinement à l’association », raconte Lia Cavalcanti. « Il avait une fiancée. Jamais, au grand jamais, nous n’avons eu un soupçon sur ce qu’on lui reproche aujourd’hui. Un jour, nous sommes allés lui souhaiter son anniversaire à son domicile. Il nous a dit : "Vous êtes ma seule famille." » Pour Lia Cavalcanti, c’est « un employé irréprochable, très attentionné et très respectueux des femmes ».
Vendredi encore, à la veille de son interpellation, Didier R. animait une table ronde. Les enquêteurs vont désormais se tourner vers sept autres dossiers où pourrait être impliqué « l’homme aux rollers ».