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(2005) IPCA Pierre Alexandersson : aumônier de prison

Mise en ligne : 9 février 2007

Forum du 25/11/2005 avec Pierre Alexandersson (pasteur, aumônier de prison, responsable des questions de droits de l’Homme au sein de l’association internationale des aumôniers de prison (IPCA))

Texte de l'article :

question de : le catalan (postée le 08/11/2005 à 17h41)
> Les prisons françaises sont surchargées. Selon vous la solution est-elle dans les remises de peine ou dans la contruction de nouvelles prisons ?
 
> C’est plutôt les remises de peines, mais d’un autre côté il est très utile de construire de nouvelles prisons sous conditions que l’on ferme les prisons les plus inhumaines en France. 
 
question de : le catalan (postée le 08/11/2005 à 17h42)
> Pourquoi vous interessez-vous au sujey des prisons ? C’est un curieux centre d’intêret pour un homme politique !
> Je ne suis pas un homme politique ! Je suis pasteur et aumonier de prison depuis 20 ans. Peut-être vous me confondez avec quelqu’un d’autre ?
 
question de : DIDOU17 (postée le 16/11/2005 à 13h26)
> COMMENT CE FAIT TIL AU JOURS DAUJOURDHUI QUE LES PRISONNIERS ARRIVE A SECHAPPER DES PRISON ? POURTANT NS CITOYENS NS PENSIONS ETRE EN SECURITE ?
> Les détenus ont toujours une avance sur la sécurité des prisons. Ils sont très débrouillards et n’ont pas grand chose à faire dans la journée. Il est impossible de fermer toutes les portes d’une prison. 
 
question de : verbatim (postée le 21/11/2005 à 10h22)
> la prison n’est -elle pas un lieu de recrutement pour les imams qui y interviennent ? ne faut-il pas leur interdire d’y prêcher ? 
> Non. L’administration pénitentiaire a beaucoup de difficultés à recruter des imams comme aumoniers de prison. Ceux qui prêchent dans les prisons ce sont des détenus islamistes et souvent la direction de la prison fait tout son possible pour les en empêcher. L’administration pénitentiaire est devenue beaucoup plus prudente dans le recrutement des imams. Nous, aumôniers catholiques et protestants, font ce que nous pouvons pour trouver des aumôniers musulmans modérés. 
 
question de : Internaute (postée le 21/11/2005 à 20h08)
> Bonjour,
J’ai un ami, depuis peu emprisonné . A travers lui, je découvre l’univers carcéral avec effroi.
Je compare ce que j’entends sur les conditions de vie avec les lois concernant les droits de l’homme diffusées par le conseil de l’Europe. je note un net décalage pour ne pas dire un gouffre !
J’ai ainsi appris que la fouille à nu est interdite mais pratiquée à tout moment en prison.
Que un détenu se doit d’être propre et à le droit de se laver, mais dans sa cellule, quand la plomberie fonctionne il n’y a que de l’eau froide et la douche c’est juste quelque fois par semaine. Et que se passe-t-il quand le détenu n’a pas les moyens de "cantiner" du savon, champoing, protections pour les femmes ?
Le chauffage c’est juste un tuyau qui passe dans la cellule.
La nourriture, ce sont des boites achetées à prix prohibitifs à l’administration pénitenciaire. Que se passe-t-il quand le détenu n’a pas d’argent, pas d’ouvre-boite ? De quelle manière sont ventillés les bénéfices occasionnés par la ventes de ces produits ? Sont-ils déclarés au fisc comme revenu ? Sont-ils légiférés afin qu’il n’y ai pas d’abus ? Sont-ils vérifiés ?
Un détenu doit avoir un minimum de surface à lui dans sa cellule. Or ils peuvent se retrouver deux ou trois dedans.
L’accès à l’information est un droit. Comment cela ce passe-t-il ?

Pour les soins médicaux, il est à noter que le détenu n’a pa accès à tous ses médicaments. Pour voir un spécialiste, il faut attendre parfois longtemps, subir la contrainte d’une fouille à nu...

J’ai ainsi appris que la population carcérale vieillit. Ne vous parait-il pas ridicule de voir une personne agée et diminuée physiquement enfermée ?
Il y a-t-il des mesures humaines pour accompagner un condamné en fin de vie ? A-t-il le droit de mourir dignement entouré de sa famille ? Que voyez vous à ce sujet et comment aidez-vous ces personnes ? Existe-il des associations pour cela ?

En résumé, je ne vois pas ce qu’il reste d’humain dans une prison, tant pour les prisonniers que pour les agents y travaillant . Je suis très perplexe quand à sa fonction, ses résultats obtenus.
Et je suis carrément scandalisés que ces "mouroirs" puissent exister en France.
J’aimerai faire une action pour qu’il n’en soit plus ainsi mais je ne sais pas encore où et comment diriger mes efforts. J’aurai là, besoin de conseils.
Merci.
> Vous venez de découvrir une maison d’arrêt française. C’est vrai, c’est choquant. Je me rappelle très bien la première fois que je suis entré dans une maison d’arrêt. J’ai mal dormi plusieurs nuits après.
Il est vrai que trois détenus sur 9m2 ne correspond pas aux recommandations du Conseil de l’Europe. La fouille à nu, à ma connaissance, n’est pas interdite, mais peut être effectivement pratiquée à tout moment. Heureusement il est impossible pour les surveillants de fouiller tous les détenus, ce qui limite l’utilisation de cette mesure dégradante. De l’autre côté, si vous saviez combien de drogues entrent dans les prisons françaises, vous comprendriez peut-être un peu mieux la direction d’une prison qui essaie d’arrêter ce fléau.
Les produits hygiéniques nécessaires sont normalement pourvus par la prison.
J’ai un peu de mal à comprendre sur ce que vous dites à propos de la nourriture en prison. J’ai visité des dizaines de prisons en France et la règle est que les détenus ont des repas chauds servis directement dans leur cellule.
Il n’y a pas de bénéfice sur la nourriture. Bien au contraire. J’ai discuté avec un directeur de prison qui avait un sureffectif de 200% dans sa prison. Il avait des difficultés à trouver l’argent nécessaire pour nourrir une population deux fois plus grande que d’habitude.
En ce qui concerne l’information au détenu, la situation est très différente selon l’établissement. La majorité des maisons d’arrêt françaises donne à chaque arrivant un cahier avec les informations nécessaires pour l’adaptation dans ce milieu si difficile.
En ce qui concerne les médicaments, il est possible que le médecin de la prison ordonne que le médicament soit pris devant l’infirmier.
Sur les personnes âgées, la situation s’est améliorée depuis quelques années avec la loi Kouchner qui a permis à un certain nombre de détenus âgés ou en fin de vie de sortir.
Si vous voulez faire quelque chose pour les détenus consultez le site du Nouvel Obs où il y a beaucoup d’informations qui aident les détenus. Bon courage !
 
question de : Internaute (postée le 23/11/2005 à 16h26)
> Pourquoi les prisons et les détenus (donc les hors la loi)passent avant le sort des centaines de milliers de retraités(es)honnêtes, maltraités en France avec de nombreux morts chaque année(15000 en 2003).Selon H. Falco ex-ministre,800000 personnes âgées sont victimes de mauvais traitements dans notre pays.Il y a plusieurs mouroirs de la honte en plus de nos prisons pourries.Seuls les premiers sont oubliés par les "humanistes" !
Jean Rapin Marseille
Militant anti-âgisme
> Je ne pense pas que les prisons passent avant les maisons de retraite ou les détenus avant les personnes âgées.
Les deux groupes se trouvent dans la même situation. Il y a un manque d’argent flagrant pour qu’ils puissent vivre dignement. 
 
question de : fassiscorpion (postée le 24/11/2005 à 09h37)
> Comment peut-on laisser depuis des décennies se dégrader les comportements des détenus tant entre eux que vis à vis des personnels pénitentiaires y compris les "médicaux" ?
> Le problème principal n’est pas une dégradation, comme vous dites, mais le doublement du nombre de détenus, avec peu de constructions nouvelles. Là où il y a effectivement une dégradation, c’est en ce qui concerne le nombre grandissant de cas psychiatriques qui se retrouvent en prison. Il faudrait ouvrir plus de prisons psychiatriques pour en prendre soin. 
 
question de : dan89 (postée le 25/11/2005 à 07h44)
> France pays des droits de l homme , ou l’on s’interesse plus au sort de nos prisoniers qu’au sort de leur victime, pays ou l’on semble oublier que le premier rôle de la prison est de protéger la société de gens qui la mettent en danger, donc qu’on arrête de parler de nos prison , si les victimes savaient les conditions d’incarcérations de leurs bourreaux, elles seraient affligeaient, de voir que la prison en France est un club med.
> Je suis d’accord en ce qui concerne les victimes. Il faut en parler. Mais les prisons françaises n’ont rien à voir avec un Club Med. Je suppose que vous n’avez visité ni une prison française, ni un Club Med. Je connais des dizaines de prisons en France et je pense plutôt que les victimes préféreraient voir leurs bourreaux vivre dans de meilleures conditions. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 08h52)
> la prison est pour le corps, car l’esprit est universel.
il faut soigner le mental, pour réunir à nouveau le corps et l’esprit.
la prison est une décharge primaire de la société.
parfois il y a des êtres qui sont en "liberté" et vivent comme dans une prison.
il est temps qu’une écoute, réflexion, calme, avec sérénité, soit entreprise, pour inverser ce système qui montre ses limites.
sans le corps l’esprit ne peut se manifester !
qu’est ce que le corps lorsque l’esprit le quitte ?
la justice reste dans un cadre légal, surchargée de dossier, alors que la simplicité
est de reformer le coeur, l’esprit dans un corps sain avec un mental allégé de toutes ces
impressions qui défilent et forment de gros nuages. après tout, au dessus des nuages le ciel est toujours bleu. la recherche et l’innovation dans la méditation permettra de rendre la liberté à la société emprisonée dans un système et une pesanteur.
qu’est ce qu’un coeur aimant ? une vérité oubliée, qui transforme un humain !
> Effectivement, comme vous le dites, le corps peut être en prison mais l’esprit en liberté. J’ai rencontré des centaines de détenus qui vivent "libres" en prison et des milliers de personnes qui vivent libres mais qui sont en "prison". Un des rares avantages avec la prison, c’est qu’elle permet une coupure avec une vie compliquée où il n’y avait aucune réflexion sur les raisons de notre existence. La prison est devenue monastère et a, malgré toutes ces difficultés, permis aux détenus de trouver un sens à leur vie. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 10h30)
> Dans une période ou le tout répressif domine ,oû les francais acceptent à 80% l’état d’urgence,croyez vous vraiment que le sort des détenus dérangent le gouvernement ;il serait peut être temps de sortir de votre apolitisme angélique 
> Non, je ne crois pas du tout que les prisons soient une priorité pour le gouvernement actuel. Comme aumônier, je suis ni apolitique ni angélique. Mais je pense que dans votre optique à vous vous avez raison : je devrais faire beaucoup plus. Je vais essayer. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 11h38)
> Est-ce exact que la majorité des détenus sont issus des générations d’immigrés ?Et si ce n’est pas une majorité y en a t’il plus proportionnellement que la proportion dans la population française.Si cela est vrai cela me désole car on préfère accepter cette situation de peur de briser les tabous.Il faut en parler, trouver pourquoi et faire le nécessaire pour faire enfin en sorte que les minorités visibles ne soient plus regarder d’un mauvais oeil...J’éspère que je ne serai pas censuré.
> Pourquoi seriez-vous censuré ? Je sais bien que c’est une habitude française. Comme aumônier régional, quand j’arrive dans une prison, je pose souvent la question sur le pourcentage d’immigrés dans la prison. J’ai toujours une réponse précise. Je pense que l’absence de ces chiffres dans les statistiques officielles s’explique par l’utilisation que l’extrême-droite ferait de ce chiffre. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 12h17)
> bonjour
je viens de faire un stage de decouverte du milieu carceral pour ma formation de conseiller d’insertion et de probation et j’ai pu rencontrer quelques aumoniers intervenant en prisons.comment ressentez vous l’acceuil qui vous est fait par l’institution , nottament par les surveillants de prisons ?
> Je suis aumônier depuis vingt ans et je suis aussi l’aumônier du personnel. Au cours des années j’ai eu à aider des surveillants en difficultés professionnels ou familiales. Comme aumônier, je ne peux pas fonctionner si je n’ai pas de bonnes relations avec le personnel. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h13)
> En quoi consiste au juste la fonction d’aumonier de prison ?
> Deux aspects : il y a des lois précises qui cadrent notre intervention (un soutien spirituel et moral, et célébrations religieuses). L’autre aspect, c’est la place qu’un aumônier se fait par ses interventions désintéréssées pour soulager la souffrance des détenus.
L’aumônier est là pour aider tout le monde, le détenu, le surveillant, la famille et quand c’est possible, la victime. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h25)
> Des dix propositions de l’OBS laquelle vous semble la plus urgente ?
> Ce serait la proposition numéro 1 : garantir l’intimité et la dignité. Il y a tant à faire dans ce domaine. Egalement la proposition 5 (revaloriser le métier de surveillant). Il y a vingt ans, la Suède a transformé ses aumôniers de prison en éducateurs, ce qui a été très bénéfiques pour l’ensemble des personnes concernées par la prison. 
 
question de : Guest (postée le 25/11/2005 à 14h27)
> Quelles sont vos relations avec les "aumôniers" (si le mot convient) des autres confessions ?
> Excellentes ! Nous nous rencontrons très régulièrement, nous collaborons étroitement ensemble. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h33)
> Observez vous comme certains le disent une montée de l’islam dans les prisons ? Et est-ce dangereux selon vous ?
> Oui. Il y a effectivement une montée de l’islam dans les prisons. La raison principale est que beaucoup d’immigrés d’origine musulmane sont dans nos prisons, et c’est là qu’ils découvrent leurs origines et même plus, c’est-à-dire, les formes extrémistes de leur religion. Pour l’instant, je ne crois pas que cela ait pris des proportions dangereuses. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h33)
> Que fait concrètement un aumonier de prison de ses journées ?
> Il visite des détenus dans leurs cellules (nous sommes les seuls à voir les détenus en cellule). Il fait des réunions avec les détenus. Souvent il est en relation avec les familles des détenus, la plupart des aumôniers est aussi très engagée dans d’autres associations qui travaillent autour de la prison. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h33)
> Qui vous rémunère ?
> Le ministère de la Justice nous rémunère très mal. Personnellement, j’ai un 45 45ème, c’est-à-dire, je suis censé travailler à plein temps comme aumônier. Pour cela on me paie 563 euros nets par mois. 
 
question de : Moi (postée le 25/11/2005 à 14h33)
> Concrètement, quelle est la nature de vos interventions en prison ? Catéchèse ? Prière ? Discussions métaphysiques ? Cours de morale ?
> Une grande partie de mon travail consiste en des entretiens avec les détenus, des discussions sur des sujets choisis par le détenu, c’est-à-dire tout.
J’ai aussi des rencontres avec les détenus où nous traitons tous les sujets concernant la foi.
Et bien sûr, si le détenu le désire, nous prions ensemble. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h34)
> Etes-vous pour un revenu minimum pour les prisonniers ?
> Oui. C’est selon moi une nécessité pour avoir une vraie égalité en prison. Il est très dur de se retrouver isolé sans aide de l’extérieur dans une prison. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h35)
> Que pensez-vous de la nouvelle loi française contre la récidive ? Et du bracelet électronique ?
> Elle est trop dure. Il faudrait une personnalisation beaucoup plus importante. Le bracelet électronique est une excellente idée, c’est dommage qu’on l’applique si peu. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h43)
> Quel est le rôle exact d’un aumonier ? Vous occupez vous principalement des détenus croyant ou votre rôle est-il plus large ?
> L’aumônier est censé s’occuper de ceux de sa religion. Et c’est ce que font la majorité des aumôniers. Pour ma part, je considère comme mon devoir d’aider chacun, indépendamment de sa foi ou de son incrédulité. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h43)
> Quel est la part de croyants en prison ? Beaucoup de détenus deviennent-ils croyants lors de leur détention ?
> Les croyants en prison sont une minorité, comme dans la société française. De l’autre côté, la prison incite à la réflexion. Beaucoup se posent les questions qu’ils n’avaient pas le temps de poser avant, ce qui aboutit très souvent à une véritable maturation spirituelle. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h44)
> Avez vous choisi votre poste ? Si oui pourquoi ?
> Oui, surtout parce que je suis protestant. Nous choisissons librement ce que nous faisons. J’ai choisi d’être aumônier de prison principalement à cause de la souffrance cachée qui se trouve derrière les murs. A ma grande surprise, j’ai découvert qu’avec des moyens très simples, je peux faire beaucoup de bien. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h48)
> Bonjour,
Connaissez vous l’origine du terme "aumonier" ?
> Franchement, je ne sais pas. Puis-je vous recommander de consulter un dictionnaire étymologique ?
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h49)
> Quelle exactement votre religion ?
> Je suis pasteur protestant. Ce qui veut dire que je fais partie d’une des trois branches du christianisme. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h52)
> Existe-t-il différente approche de la prison, ou plus généralement de "la sanction", en fonction des différentes religion ?
> Oui je le pense. Par exemple, il est clair que des pays de culture protestante ont une approche plus raisonnée de la sanction. Nous pouvons aussi constater que les pays musulmans sont bien plus durs en ce qui concerne les condamnations. Votre question est très intéressante et mériterait un développement beaucoup plus long que ce que je ne peux faire maintenant. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 14h52)
> Etes vous pour la distribution de seringues et de préservatifs dans les prisons ?
> personnellement je suis contre la distribution de seringues. Donner des seringues à des toxicomanes ne les aide pas du tout. Par contre, qu’il y ait des préservatifs librement disponibles à ceux qui en veulent ne peut que sauver des vies. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h00)
> Depuis combien de temps travaillez vous en prison ? Avez vous constaté une dégradation constante ou y a-t-il des périodes de "mieux" ?
> Je suis aumônier de prison depuis vingt ans. Dans l’ensemble, il y a une amélioration, même très grande, des conditions de vie en prison. Il est vrai qu’il y a des périodes plus difficiles. La maison d’arrêt de Rennes, par exemple, a eu au minimum 242 détenus, et au maximum 625. Cela va de soi que tout le monde était calme et détendu quand le chiffre était au plus bas. Le grand problème est la surpopulation carcérale.
S’il y avait 40.000 détenus en France, la situation serait tout à fait acceptable. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h02)
> Les prisons françaises sont-elles les pires réellement les pires d’Europe ?
> Il y a des prisons bien pires qu’en France sur notre continent. Pratiquement tous les pays de l’ex-URSS connaissent de graves problèmes dans leurs prisons. Peut-être si nous comparons les pires prisons françaises avec les meilleures prisons dans ces pays, la comparaison serait en leur faveur. J’ai visité des prisons dans plusieurs de ces pays et quand j’ai raconté aux détenus les conditions de C. P. de Rennes, ils ne croyaient pas leurs oreilles !
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h16)
> Ne pensez vous pas que les détenus, au fond, mérite ce qui leur arrive ?
> Oui, la plupart mais combien de fois même devant les pires détenus n’ai-je pas pensé que cela aurait pu être moi. Il est vrai qu’il y a peu d’innocents en prison en France. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h32)
> Une chose ne cesse de me surprendre. Comment la majorité de nos concitoyens (pour ne rien dire de nos hommes politiques) ne parviennent-ils pas à comprendre qu’un homme emprisonné (a fortiori lorsqu’il est excessivement ou injustement sanctionné) sera toujours (à moins que la République se décide enfin à investir vraiment dans l’éducation à l’intérieur des prisons, dans le travail de réinsertion sociale, psychologique etc...) un homme plus dangereux que lorsqu’il y entra ?
> Après vingt ans comme aumônier de prison, je suis obligé de dire que je ne partage pas votre point de vue. Malgré tout ce que l’on dit, l’immense majorité des détenus ne sortent pas pires. C’est vrai pour un petit groupe, notamment des jeunes qui vivent dans des conditions sociales difficiles. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h42)
> Pour m’intéresser d’assez près au sujet et avoir dans mon entourage des gens dont la profession les conduit à connaître l’ensemble du monde carcéral, j’ai l’impression qu’à la vague répressive de la période fait écho une impunité de ceux, "matons" ou autres, qui chaque jour maltraitent davantage les détenus. Certains "matons" sont à la fois auteur de "dérapages" (doux euphémismes pour qualifier les brimades sexuelles, psychologiques, alimentaires ou autres) et membres des commissions internes de disciplines dont la mission est officiellement de sanctionner et de prévenir de tels dérapages. Nous sommes en république, donc, mais la séparation des pouvoirs ne semblent guère effectives à l’intérieur des prisons, sans doute même s’agissant de la Justice. Suis-je excessif ?
> Vous êtes excessif. Selon toutes mes observations après vingt ans dans les prisons françaises, j’ai pu constater que des surveillants commettant les actes dont vous parlez sont punis. Il y a des surveillants qui font mal leur travail. Mais ils sont mal vus par leurs collègues et n’ont pas d’avancement. J’ai même vu un directeur de prison encourager un détenu à porter plainte contre un surveillant. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h48)
> Je m’étonne, tout au long de ces échanges, de ne pas voir cité plus souvent le nom de Nicolas Sarkozy. De mon point de vue, et ne serait-ce que parce qu’il est ministre de l’Intérieur, il porte une lourde responsabilité à la situation pénale et carcérale en France (je rappelle ici l’importance des suicides de détenus : en moyenne un tous les trois jours). Sa croisade pour l’ordre et contre la délinquance vous semble-t-elle incompatible avec une action un tant soit peu plus compatissante afin qu’évolue la réalité quotidienne des détenus ? Et si non, pourquoi ne le fait-il pas... ?
> En ce qui concerne M. Sarkozy, je pense effectivement qu’il porte une responsabilité à la situation carcérale en France. Mais il n’est pas seul. Le changement de politique pénale est intervenu lors de la dernière année de gouvernement Jospin. Pour les suicides, je ne vois pas ce que M. Sarkozy a à voir. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h51)
> J’ai bien lu que vous ne vous occupiez pas de "politique", au sens droite/gauche du terme. Ne pensez-vous pas pourtant que le clivage s’est estompé également sur ce sujet, et que la droite étant aujourd’hui assez largement majoritaire (dans les urnes comme dans les mentalités), la gauche n’ose pas se saisir d’une question qui, hier encore (que l’on pense à Michel Foucault ou à Robert Badinter) faisait en quelque sorte partie de son pedigree ?
> Il est exact que la gauche s’est occupée bien plus des conditions des détenus que la droite. Il est à craindre que la gauche pour des raisons électorales n’ose plus continuer ce combat.

 
 
question de : Mimi (postée le 25/11/2005 à 15h53)
> Quel pourcentage des personnes que vous rencontrez en prison devraient être ailleurs d’après vous ? Croyez-vous possible en France de faire avancer l’idée de peines de substitution ? Certains auraient-ils plus leut place dans des leiux médicalisé, psy, plutôt qu’en prison ?
> il est vrai qu’il y a un pourcentage toujours plus élevé de cas psychiatriques dans nos prisons. Ils n’ont pas leur place dans une prison. Nous sommes bien obligés de travailler avec des peines de substitution, nous ne pouvons pas continuer à remplir des prisons déjà surpeuplées.
 
question de : Mimi (postée le 25/11/2005 à 15h54)
> Une fois les personnes sorties de prison ? Les accompagnez-vous ?
> Heureusement pour la grande majorité, je n’ai pas besoin de les accompagner après leur sortie. Mais après 20 ans comme aumonier de prison j’accompagne toujours plusieurs dizaine d’ex détenus.
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h54)
> A ce que j’en lis, j’ai l’impression que le rôle des avocats est de plus en plus mis à mal par le pouvoir. Ils ont du mal à obtenir des permis de communiquer, à faire descendre leurs clients lorsqu’ils vont les visiter, bref à se faire entendre et ce faisant à faire respecter ce droit de l’homme : le droit à la défense. Vous faites-vous la même observation ?
> Non,
après 20 ans de travail dans des prisons françaises, et discutant souvent avec des avocats, je n’ai pas du tout observé ce que vous décrivez. 
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 15h57)
> Je ne suis pas croyant. Et croyez bien que je veux exprimer mon opinion avec le plus grand respect pour votre fontion, et pour votre croyance. Nul esprit polémique ne m’anime. Pourtant, comme laïc, je trouve un peu choquant que la République rémunère un homme de foi ou d’Eglise pour mener un travail qu’elle devrait mener. J’ai la chance d’être libre, et si j’étais emprisonné, sans doute souhaiterais-je discuter avec vous, ne serait-ce que pour rompre la solitude. Mais de vous à moi, je préférerais avoir affaire à une personne non religieuse. Comprenez-vous ?
> Je vous comprends parfaitement. Je ne m’arrête pas de m’étonner devant ce fait. La raison de cette situation est historique. Elle est inscrite dans la loi de séparation de l’Etat et de l’Eglise de 1905. Pensez-vous que je devrais démissionner de ma fonction ? Je vous avoue que je n’y ai jamais pensé. Mais encore une fois, je vous comprends très bien.
 
question de : Bruno (postée le 25/11/2005 à 15h57)
> Qu’en est-il de la privation de relations sexuelles en prison ? Avez-vous constaté une dérive vers l’homosexualité ? 
> Oui, et peut-être que contrairement à ce que vous pensez, surtout dans des prisons de femmes. Par contre, je n’ai pas l’impression qu’il y ait une "dérive" homosexuelle dans les maisons d’arrêt.
 
question de : Internaute 
> Sans faire de politique, préferiez pourtant que, en 2007, et eu égard à notre sujet, les Français élisent un président de droite ou un président de gauche ? ...

Réponse > Pour moi, c’est une question de personnes, et non de droite ou de gauche.
 
question de : Internaute 
> Nicolas Sarkozy est revenu à la charge pour réclamer un durcissement de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants. Qu’en pensez-vous ?
Réponse > Au fond, c’est tout à fait Sarkozy ! Je ne connais pas tous les détails de cette ordonnance. 
 
question de : Internaute 
> Pourquoi n’y a-t-il pas de dispensaire médical dans les cours des prisons, animés par des médecins de l’extérieur ? Ne serait-ce pas une bonne idée ?
Réponse > Cela existe déjà. Les médecins qui interviennent sont des médecins généralistes qui travaillent aussi dans leur propre cabinet.
 
question de : Internaute (postée le 25/11/2005 à 16h18)
> A propos de la comparaison prisons françaises / prisons européennes, vous n’évoquez que celles des anciens pays du bloc communiste... C’est un peu facile, permettez-moi. Sans doute ces pays sont-ils désormais incontestablement européens. Mais ce n’est pas vraimet à eux que l’on songe lorsqu’on fait une comparaison : on songe plutôt aux pays comparables au nôtre : Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas etc... Et, là, les conditions de détention dans les prisons françaises sont apparemment très nettement en notre défaveur. Ainsi formulée, seriez-vous d’accord avec cette opinion ?

Réponse > Non, je ne suis pas d’accord. Les prisons françaises sont en général meilleures que les prisons dans la plupart des pays que vous mentionnez. C’est vrai, si nous comparons avec l’Europe du nord, votre propos est valable. Je me rappelle d’un détenu anglais qui a passé longtemps dans la maison d’arrêt de Rennes (qui va être démolie en 2008). Je l’ai rencontré 3 mois après sa sortie dans la prison d’Exeter en Angleterre. Evidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser la question, pour savoir quelle prison préférait-il. Sans aucune hésitation, il a répondu Rennes.
 
question de : Internaute
> Que pensez-vous du "mitard", dont il semble que l’administration pénitentiaire fasse un usage croissant ?

Réponse > C’est un lieu étrange. J’ai souvent visité des détenus au mitard. Le plus souvent, ils comprenaient eux-mêmes la raison pour laquelle ils étaient là. Mais je pense qu’il y aurait certainement une autre façon de sanctionner un détenu qui a enfreint le règlement.
 
question de : Internaute 
> Ne pensez-vous pas que l’exploitation systématique et sensationnelle du moindre fait divers fait le jeu de la tendance répressive ? Que peut-on faire contre cela, sans passer pour un horrible censeur des médias ?
Réponse > Je suis entièrement d’accord avec vous. C’est une des raisons pour laquelle l’Angleterre connaît actuellement une dérive sécuritaire assez importante. J’ai souvent réfléchi à cette question et comme vous, je ne vois pas de réponse. 
 
question de : Internaute
> Les avocats ont lancé un grand mouvement contre les lois Perben, qui durcissaient l’ensemble des procédures. Selon vous, ont-il été entendus ?
 
Réponse > Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à votre question, je ne la connais pas suffisamment.
 
question de : Internaute
> Nombre d’établissements pénitentiaires en France, à ce jour, n’ont pas encore allumé les chauffages dans les cellules. Que faire ?

Réponse > Je pense que ce n’est pas un problème dans la majorité des établissements. Le démarrage du chauffage est en fonction du temps. Nous avons connu un automne clément. Il est donc normal que les prisons n’aient pas encore été chauffées.
 
question de : Internaute
> Ma réponse à une question que vous me posiez dans une précédente réponse... : non, je ne suggère pas que vous démissionniez !! Je crois que votre rôle est essentiel, décisif parfois, sans doute ; simplement préférerais-je qu’il soit tenu par une personnalité n’ayant aucune dimension confessionnelle. Merci de votre réponse, cela dit.

Réponse > Il est impossible de faire ce que je fais sans une dimension confessionnelle. C’est ma foi qui me pousse à aider mon prochain. 
 
question de : Internaute
> Vous reconnaissiez tout à l’heure que la gauche, historiquement en tout cas, avait toujours fait davantage que la droite, s’agissant des conditions carcérales. Vous dites ensuite que, en 2007, la question droite/gauche ne fait pas de différence pour vous, et que seules comptent les personnes. N’y a-t-il pas là une contradiction ?
Réponse > Non, cela dépend qui de gauche ou de droite.
 
question de : Internaute 
> Nombre de vos propos sur l’état des prisons en France contredisent le dernier Rapport du Conseil de l’Europe, d’Alvajo-Gil Roblès. Qui croire ? et comment faire pour s’y retrouver, lorsqu’on est juste un citoyen qui cherche à s’informer ?

Réponse > Monsieur Alvajo-Gil Roblès décrit ce qu’il a vu. Il n’a vu qu’une petite partie de la réalité pénitentiaire de France. Il a raison en ce qui concerne sa partie.
 
question de : marie
> Qu’est ce que cela apporte de priver les prisonniers de téléphoner à leur famille... ils risquent le mitard pour cela ! Comment garder le moral ? 

Réponse > Je pense que l’on pourrait sans risque accepter le téléphone, même dans les maisons d’arrêt (dans les centres pénitentiaires et les centres de détention, les détenus peuvent déjà téléphoner). Dans les maisons d’arrêt suédoises, il y a dans chaque cellule deux téléphones, un qui est écouté pour les appels à la famille, aux proches, l’autre qui n’est pas sur écoutes, destiné à l’avocat. Ils n’ont pas de problèmes particuliers avec ce système.
 
question de : marie
> Que vous dira un prisonnier qu’il ne dira pas à un visiteur de prison ?

Réponse > Il est probable que beaucoup de détenus disent autant, peut-être même plus à un visiteur de prison en qui il a confiance qu’à un aumônier. Il y a un élément de plus dans un entretien avec l’aumônier, la confession (pas forcément dans un sens catholique). 
 
 Source : Nouvel Obs