Edito
Mieux accompagner les personnes détenues : c’est l’intérêt de tous !
L’opinion publique, qui serait largement favorable à une politique plus répressive, est souvent invoquée pour justifier toujours plus de sévérité dans les jugements, et toujours plus de prudence quant à l’aménagement des peines des personnes condamnées. Les tenants d’une politique « sécuritaire » croient s’appuyer sur cette opinion publique pour intimider ceux qui ne partagent pas leurs thèses.
Qu’en est-il ?
L’opinion publique est-elle vraiment massivement favorable à la répression ? L’actualité, à bien des signes, montre plutôt que les Français, confrontés à un chômage massif, à la perte d’influence des structures collectives, sont inquiets pour l’avenir. Il y a donc un sentiment d’insécurité, qui rend sensible à la délinquance, certes, mais qui me semble aller bien au-delà . Un discours « sécuritaire » sur la délinquance rassure-t-il vraiment, sur le long terme, ceux qui vivent d’abord une insécurité quotidienne, celle du chômage vécu ou craint, celle de la fragilité des liens familiaux, celle de l’actualité du monde telle qu’elle est présentée ?
Si l’on passe du discours aux projets et aux réalisations : des peines plus longues, une application des peines très surveillée par le politique, est-ce vraiment lutter contre la récidive, diminuer la délinquance, et donc promouvoir la sécurité ?
Les travaux de chercheurs, ceux notamment de Pierre-Victor Tournier tels qu’ils sont présentés dans ce numéro de « Jéricho », indiquent que la récidive est d’autant plus élevée que la détention a été peu « accompagnée ». Visiteurs de prison, nous avons le regard de « terrain », et nous constatons une grande diversité de situations ; il me semble cependant que l’on peut plutôt confirmer les travaux des chercheurs. En particulier, suivant la réponse aux questions suivantes :
la peine a-t-elle été admise, comprise par la personne détenue ? Les conditions matérielles de détention ont-elles été correctes ou non ? L’accompagnement social et médico-psychiatrique a-t-il été satisfaisant ? Un projet de sortie a-t-il pu être préparé avec la personne détenue et, le cas échéant, sa famille ? Un « relais » a-t-il été prévu après la sortie ?
Nous constatons que la récidive n’est pas la même.
Trop souvent, avec une tristesse un peu lasse, nous retrouvons en détention des visages déjà connus quelques mois ou quelques années auparavant.
Alors, lutter contre la récidive par un meilleur accompagnement des personnes détenues, c’est l’intérêt de tous, de nos concitoyens, des victimes, et des personnes détenues.
Comment ?
Bien sûr, des moyens suffisants sont indispensables : des personnels plus nombreux (personnels judiciaires, pénitentiaires, médicaux, éducatifs...), des prisons en meilleur état, des structures d’hébergement et d’accompagnement après la sortie.
Malgré le contexte budgétaire général, quelques efforts sont d’ailleurs faits : ainsi les personnels des SPIP augmentent régulièrement ; mais le nombre de personnes détenues croît au moins au même rythme.
Très souhaitable, la hausse des crédits ne pourra donc sans doute pas suivre sur la durée le rythme actuel de hausse du nombre de personnes détenues.Or les discours sécuritaires influencent l’opinion publique (donc les jurés, les médias...) et les juges, dans le sens d’un allongement de la durée de détention. Comme l’accompagnement risque fort de ne pouvoir suivre, les discours sécuritaires sont responsables de détentions plus nombreuses, plus longues et moins accompagnées ; et donc de risques de récidive accrus. Ils vont à l’encontre de la sécurité et de l’intérêt général. Cela, l’ANVP, à partir de ses valeurs et de ses constats, avec ses moyens, et sans parti pris partisan, peut et doit le dire.
Engagée dans une démarche interne et participative de « projet associatif », l’ANVP réfléchit, dans ce cadre, aux conditions et modalités de sa participation au débat public.
Comme on est plus forts et mieux écoutés à plusieurs, l’ANVP travaille aussi en lien avec d’autres associations de sensibilité proche, entre autres au sein du Groupe National de Concertation Prison.
La Journée Nationale Prison, le 26 novembre prochain et les jours voisins, sera aussi l’occasion d’un travail en commun auprès de l’opinion publique, partout où cela sera possible. Soyons donc constructifs et résolus !
Raphaël Bonte
Président
Congrès National 2005 de l’ANVP près de Lyon
Le Congrès national de l’association s’est déroulé du 20 au 22 mai 2005 à Écully près de Lyon. Dans ce numéro de Jéricho, vous retrouverez comme chaque année :
- Procès verbal de l’Assemblée Générale
- le rapport d’activité 2004,
- le rapport financier
- le rapport de gestion
- le compte rendu du colloque sur la loi du 9 mars 2002 dite « Perben II » présenté par Pierre Victor Tournier, Directeur de recherche au CNRS et président du Collectif « Octobre 2001 ».
Lire aussi les autres dossiers de ce journal :
* Vie de l’association : Zoom sur une section : Lille
* Activités diverses : La formation des visiteurs