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2006 Cameroun : La prison, un milieu délétère

Mise en ligne : 20 septembre 2007

Dernière modification : 24 mars 2008

Texte de l'article :

" QUELLE INDÉPENDANCE DES SOINS EN MILIEU CARCÉRAL ? »
Session ST1 convention nationale

Participants :
Marc Dixneuf,
Atiqa Chajai,
Marc Bessin,
Dr Denis Lacoste,
Rosine Réat,
Armand Totouom

CAMEROUN : LA PRISON, UN MILIEU DÉLÉTÈRE

Surchargées, les prisons camerounaises ne disposent pas de personnels et de moyens suffisants pour permettre un accès aux soins correct aux détenus, et en particulier à ceux infectés par le VIH. À la prison centrale de Douala, l’association SunAids a réussi à mettre en place diverses interventions améliorant le sort des personnes séropositives.
Quelque 3 600 détenus pour 700 places et un seul médecin généraliste affecté au service de santé pour toutes les pathologies...
Telle est la réalité de la prison centrale de Douala, l’un des 76 établissements pénitentiaires du Cameroun. « Nos prisons sont vétustes, la promiscuité est indescriptible et les services sociosanitaires sont précaires et inadaptés tant en matériel qu’en ressources humaines. Cela accroît la vulnérabilité aux IST en général, et au VIH et pathologies associées en particulier », déplore Armand Totouom, coordinateur de SunAids. La prévalence en milieu carcéral est d’ailleurs de 5 points supérieure à la moyenne nationale. À noter en outre que le plan national stratégique de lutte contre le sida 2000-2005, étendu à 2006, ne comporte aucune ligne spécifique à la population carcérale.
Du fait de leur enfermement, les détenus ont un accès difficile aux moyens de prévention des IST et du VIH-sida, et « ne peuvent mettre en oeuvre des stratégies pour se protéger, ni correctement se soigner », estime le coordinateur. À cela s’ajoutent des vulnérabilités particulières. « Les personnes faibles physiquement ou économiquement n’ont aucun moyen de résister aux assauts sexuels violents des détenus et des personnels de l’administration pénitentiaire », déploret- il. La forte prévalence d’autres pathologies, tuberculose et maladies de peau en particulier, aggrave la situation.
Une mortalité plus élevée. Les obstacles à la prise en charge du VIH-sida sont multiples. « Aucune prison n’est dotée d’unité de prise en charge ou de centre de traitement affilié, précise Armand Totouom. L’absence au sein du pénitencier d’un circuit efficace et complet de prise en charge implique de recourir aux services extérieurs. » Cependant, les procédures d’évacuation sont lentes et décourageantes. En outre, le VIH ne fait pas partie des maladies permettant d’obtenir une libération pour motif de santé.
Rien n’est par ailleurs prévu pour favoriser la bonne observance aux traitements antirétroviraux ou antituberculeux, et le manque de personnel n’y contribue pas. « Cette situation génère beaucoup de perdus de vue et la présence de résistances », explique le coordinateur. Les associations ont en outre un accès limité au milieu carcéral, ce qui « ne milite pas en faveur de la mise en oeuvre d’un programme de soins communautaire durable et efficace. » Quant aux médicaments, leur coût reste à la charge des détenus, aussi, la grande majorité ne peut-elle en bénéficier [1]. Au final, résume Armand Totouom, « on constate une morbidité et une mortalité bien plus élevées chez les détenus touchés par le VIH-sida que dans les autres populations du même milieu. » Cette situation désastreuse engendre des tensions entre soignés et soignants, ces derniers se sentant dans l’incapacité de proposer des solutions efficaces aux malades.
Des médiateurs à la prison de Douala. Jusqu’à fin 2004, à la prison centrale de Douala, aucune incitation au dépistage n’était proposée, aucun projet efficace de prévention du VIH et des IST n’était mis en oeuvre et aucun personnel, ni même aucun détenu, n’était formé à la prise en charge psychosociale des personnes séropositives. Depuis mars 2005, en partenariat avec la coopération allemande, SunAids a monté un programme qui s’est traduit, précise Armand Totouom, par « la création d’un circuit de dépistage volontaire et gratuit », ainsi que par la formation d’un groupe de pairs éducateurs constitué de détenus ou de surveillants, afin de diffuser de l’information sur le VIH et les IST, et d’un groupe d’auto-support. Des médiateurs de santé interviennent aussi dans la prison. « Ils recherchent les perdus de vue, qu’ils soient incarcérés ou libérés, favorisent l’insertion dans le circuit externe de soins et de prise en charge, distribuent des médicaments pour prévenir les infections opportunistes, suivent individuellement les détenus séropositifs ou tuberculeux, organisent des animations collectives : permanences, groupes de paroles, aide à l’observance thérapeutique, médiation auprès des familles pour solliciter leur contribution aux examens et médicaments... » Des médiateurs qui tentent également d’éviter la rupture problématique de la prise en charge des détenus à leur sortie, en les aidant à intégrer un programme externe et en assurant leur placement au sein d’une organisation d’entraide ou d’un groupe de paroles où militent des personnes vivant avec le VIH.

Le revenu mensuel moyen camerounais est de 45 euros.

Notes:

[1] Le coût mensuel d’un traitement ARV s’élève désormais à 112 euros.