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(2006) L’ANVP à l’heure de l’Europe

Mise en ligne : 15 décembre 2006

Texte de l'article :

L’ANVP à l’heure de l’Europe

Les règles pénitentiaires européennes
Le congrès national de l’ANVP qui se déroulera les 19, 20 et 21 mai 2006 à Strasbourg, aura cette année des couleurs très européennes. La proximité des frontières de la Suisse et de l’Allemagne, ainsi que le statut de Strasbourg de capitale de l’Europe, sont des circonstances propices à une approche européenne de la prison. Il y a quelques semaines, le comité des ministres du Conseil de l’Europe votaient et diffusaient les nouvelles règles pénitentiaire européennes, qui n’avaient pas été repensées depuis 1987.

Les sanctions prononcées à l’encontre des personnes, auteurs d’actes délictueux ou criminels, traduisent les valeurs fondamentales d’une société. Ces valeurs doivent nécessairement être différentes de celles que réprouve la société. En particulier, la peine de mort ne peut subsister car elle légalise le crime.
Au-delà du prononcé de la sanction, les conditions d’application de cette sanction sont également révélatrices de la détermination de la société à appliquer ses propres principes. En premier lieu, le respect des droits de l’homme ne peut souffrir aucune exception. La société doit garantir à tous les citoyens, y compris s’ils sont incarcérés, le respect de ces droits fondamentaux. Ensuite, et parce qu’elle a elle-même prononcé une peine dont l’objectif est la réintégration de la personne, la société doit se donner les moyens de ses ambitions.

Dans cette perspective, les règles pénitentiaires européennes sont un cadre clair, établies sur la base de valeurs fondamentales partagées par de nombreux pays. Les premières normes pénitentiaires européennes datent de 1973 ; le comité des ministres du Conseil de l’Europe adoptait le 19 janvier 1973 une résolution sur « l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus » (s’inspirant alors d’une résolution des Nations Unies, sur le même sujet, adoptée en 1955). En 1987, ces règles pénitentiaires ont été révisées, afin « de prendre en compte les besoins et les aspirations des administrations pénitentiaires, des détenus et du personnel pénitentiaire au moyen d’une approche systématique en matière de gestion et de traitement qui soit positive, réaliste et conforme aux normes contemporaines », comme l’indiquait le rapport explicatif. Enfin, dans cette même perspective, elles ont été révisées, pour aboutir à l’adoption, le 11 janvier dernier, d’une nouvelle recommandation dans ce domaine.« Le comité des ministres du Conseil de l’Europe recommande aux gouvernements des Etats membres :
- de suivre dans l’élaboration de leurs législations ainsi que de leurs politiques et pratiques des règles contenues dans l’annexe à la présente recommandation qui remplace la recommandation n° R (87) 3 du comité des ministres sur les règles pénitentiaires européennes,
- de s’assurer que la présente recommandation et son exposé des motifs soient traduits et diffusés de façon la plus large possible et plus spécifiquement parmi les autorités judiciaires, le personnel pénitentiaire et les détenus eux-mêmes. »Il y a 108 règles regroupées par thème : les principes fondamentaux, les conditions de détention, la santé, l’inspection et le contrôle, le bon ordre (règles relatives à la fouille notamment)...

Règles relatives aux principes fondamentaux :
Règle 1. Les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme.
Règle 2. Les personnes privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d’emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire.
Règle 3. Les restrictions imposées aux personnes privées de liberté doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées.
Règle 4. Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme.
Règle 5. La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison.
Règle 6. Chaque détention est gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté.
Règle 7. La coopération avec les services sociaux externes et, autant que possible, la participation de la société civile à la vie pénitentiaire doivent être encouragées.
Règle 8. Le personnel pénitentiaire exécute une importante mission de service public et son recrutement, sa formation et ses conditions de travail doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.
Règle 9. Toutes les prisons doivent faire l’objet d’une inspection gouvernementale régulière ainsi que du contrôle d’une autorité indépendante.
On peut citer également, dans la partie sur les conditions de détention, des extraits de la règle 24 :
Règle 24. 1 Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d’autres moyens de communication - avec leur famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs, ainsi qu’à recevoir des visites des dites personnes.
Règle 24. 4 Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible.

Dès le 12 janvier 2006, lendemain de l’adoption de cette résolution par le comité des ministres du Conseil de l’Europe, l’ANVP était signataire, au sein du Collectif Octobre 2001, d’un communiqué adressé à la presse. Ces règles doivent être diffusées le plus largement possible. Il est du devoir du gouvernement de les faire respecter, de respecter simplement l’engagement pris aux côtés des autres pays d’Europe

Marie-Paule Maugis
Secrétaire générale adjointe

Source : Jéricho n°192, avril 2006, ANVP