Discours de Pascal Clément,
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Inauguration de l’Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI)
du centre hospitalier universitaire de Bordeaux
Vendredi 5 mai 2006
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Président,
Monsieur le Procureur,
Mon Général,
Messieurs les directeurs,
Messieurs les officiers de Gendarmerie,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d’être présent aujourd’hui parmi vous pour l’inauguration de la quatrième Unité Hospitalière Sécurisée Interrégional. Installée à l’hôpital Pellegrin, elle dépendra du centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
J’ai souhaité être là pour cet événement, car je suis convaincu de l’importance des UHSI pour l’accès aux soins en milieu hospitalier des personnes détenues. Je sais que mon collègue et ami, Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des Solidarités, partage cette conviction. Il avait souhaité être là aujourd’hui, mais en a malheureusement été empêché.
Je souhaite que nous puissions inaugurer ensemble, en octobre prochain, une nouvelle Unité.
Je voudrais remercier tous ceux qui ont permis de réaliser cette oeuvre collective : notamment Monsieur Francis Idrac, Préfet de la Région Aquitaine, Préfet de la Gironde et le Directeur Général du CHU de Bordeaux, Monsieur Alain HERIAUD ainsi que les autorités politiques qui ont soutenu ce projet.
Les UHSI illustrent la politique pénitentiaire que je conduis, fondée sur la sécurisation et l’humanisation des conditions de détention.
La construction de nouveaux établissements pénitentiaires a été, dès 2002, une priorité des gouvernements de l’actuelle majorité. Un programme de construction de 13 200 places a été lancé par la Loi d’Orientation et de Programmation pour la Justice. L’ouverture, à partir de 2007, des nouvelles prisons nous permettra d’offrir aux détenus des conditions d’incarcération dignes et humaines.
Cette politique ambitieuse nous donne l’opportunité de multiplier les structures adaptées à la personnalité et au parcours des détenus. C’est pourquoi nous avons créé les Etablissements Pour Mineurs qui accueilleront les jeunes délinquants avec des objectifs pédagogiques précis. C’est pourquoi nous avons également développé les Centres de Semi-Liberté destinés aux détenus en fin de peine qui préparent leur réinsertion.
La prise en charge des détenus malades est également une de nos priorités. Il n’est pas acceptable que les détenus malades soient mal soignés ou soignés très loin de leur lieu d’incarcération. Il n’est pas non plus acceptable de multiplier les aller-retour entre les hôpitaux et les prisons, multipliant ainsi les risques d’évasion.
Pour remédier à ce double problème, le gouvernement a adapté les structures pénitentiaires et hospitalières.
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La prise en charge sanitaire des personnes détenues dépend du service public hospitalier depuis la loi du 18 janvier 1994. Tout détenu, dès son incarcération, est affilié à la sécurité sociale. Une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), aménagée au sein de chaque établissement pénitentiaire, assure cette prise en charge sanitaire avec une même qualité de soins qu’en milieu ouvert.
Lorsque les soins dispensés nécessitent une hospitalisation en urgence ou de courte durée, les détenus sont conduits à l’hôpital le plus proche, leur garde étant assurée par les forces de l’ordre.
Un programme d’aménagement de chambres sécurisées a donc été élaboré et mis en œuvre au sein de ces hôpitaux.
Entre 2006 et 2008, l’administration pénitentiaire apportera une contribution de 15 000 euros par chambre aux établissements de santé, en vue de créer ou d’aménager 208 chambres sécurisées : 42 chambres sont d’ores et déjà opérationnelles. A terme, les établissements de santé disposeront de 250 chambres dans 133 hôpitaux. A l’issue de ce programme, l’administration pénitentiaire aura consacré une somme d’environ 3,7 millions d’euros à cette réponse de proximité.
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Pour les détenus les plus gravement malades, nous avons soutenu la création des Unités Hospitalières Sécurisées Interrégionales.
Ces unités ont vocation à accueillir dans 8 centres hospitaliers universitaires (CHU), les personnes détenues devant subir une hospitalisation programmée supérieure à une durée de 48 heures.
Ces unités ont également vocation à accueillir, en cas d’hospitalisation d’urgence, les personnes incarcérées dans l’établissement pénitentiaire de la ville siège de l’UHSI, en l’espèce la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan.
Depuis 2004, plusieurs UHSI ont été ouvertes. Ainsi, celle de Nancy a pu accueillir des patients à partir de février 2004 ; au CHU de Lille, l’UHSI a été mise en service en octobre 2004 et à Lyon, les patients détenus ont été pris en charge dans la nouvelle unité hospitalière en février 2005. Ainsi, de février 2004 à mai 2006, 77 lits en UHSI auront été ouverts.
A l’automne 2006, deux nouvelles UHSI seront opérationnelles, celle du CHU de Marseille (45 lits, dont 12 lits réservés aux soins de suite et de réadaptation) et celle du CHU de Toulouse (16 lits).
Au cours de l’année 2008, les deux dernières UHSI ouvriront :
- celle de Paris (25 lits) ;
- celle de Rennes (19 lits).
En 2008, l’ensemble des 182 lits d’UHSI seront donc opérationnels.
La création d’une UHSI est le fruit d’un travail important de collaboration entre tous les partenaires - hospitaliers, pénitentiaires et fonctionnaires de la police nationale - afin de prévoir les modalités concrètes du fonctionnement quotidien de cette structure.
Pour l’UHSI de Bordeaux, l’administration pénitentiaire a consacré un budget de 350 000 euros pour les travaux de sécurisation, complété par une enveloppe de plus de 120 000 euros destinée aux équipements nécessaires aux services pénitentiaires et à la police nationale.
L’UHSI de Bordeaux est un facteur de progrès, tant pour les personnes détenues que pour les personnels.
L’UHSI de Bordeaux desservira les établissements pénitentiaires situés dans les régions administratives d’Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, soit 19 établissements pénitentiaires représentant actuellement 4.058 places de détention.
Jusqu’ici, la plupart des patients détenus hospitalisés pour une durée prolongée devaient quitter leur région d’origine et séjourner à l’hôpital de Fresnes.
Or, les personnes détenues, qu’elles soient prévenues ou condamnées, ont le droit d’être soignées dans des conditions équivalentes à celles dont elles auraient bénéficié si elles étaient libres. C’est cela, concrètement, l’humanisation des conditions de détention. En outre, les liens familiaux des détenus malades seront plus faciles à maintenir puisque la distance avec le lieu d’incarcération sera réduite.
Les personnels de surveillance auront de nouvelles missions à exercer : assurer la garde statique des personnes détenues hospitalisées et d’une manière générale, la sécurité des personnes et des équipements dans des locaux adaptés.
Les personnels pénitentiaires disposent ainsi de l’opportunité d’exercer leur profession dans un cadre différent. Après la constitution des ERIS et des référents au sein des quartiers mineurs, cela constitue un nouvel enrichissement de leurs missions.
C’est une marque supplémentaire des efforts que consacre le Gouvernement à la revalorisation des carrières des personnels pénitentiaires, troisième force de sécurité publique de la nation, ainsi que l’atteste le décret du 14 avril 2006, réformant leur statut.
Je tiens à souligner que les UHSI ont montré leur efficacité, puisqu’aucun détenu ne s’en est évadé pour l’instant, contribuant ainsi à sécuriser les personnels hospitaliers qui peuvent alors se consacrer en toute sérénité à leur mission de soins.
Cela est en grande partie du à l’investissement humain que nous apportons à ces nouvelles structures. Afin de s’occuper des 16 lits d’hospitalisation, 23 personnels pénitentiaires seront affectés au sein de l’UHSI de Bordeaux, tous rattachés à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan.
C’est aussi le résultat de l’état d’esprit constructif de tous les personnels d’horizons divers qui travaillent au sein des UHSI dans le respect mutuel des missions de chacun.
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La gestion des soins des détenus affectés de troubles mentaux nécessitait aussi un partenariat actif entre les Ministères de la Santé et de la Justice.
Depuis longtemps, des psychiatres, des psychologues et des infirmiers sont présents au sein des établissements pénitentiaires. Dans les grandes Maisons d’arrêt, 26 SMPR (Services médico psychologiques régionaux) apportent une aide aux détenus.
Dans les prisons ne disposant pas de SMPR, les soins sont assurés par un psychiatre (et parfois un psychologue) rattachés à un hôpital spécialisé avec lequel l’établissement pénitentiaire a passé une convention.
Lorsque l’état de santé mentale d’un détenu est incompatible avec son maintien en détention, ce dernier doit être transféré vers un service hospitalier de psychiatrie à l’extérieur, dans le cadre d’une hospitalisation d’office.
La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a prévu la création d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l’hospitalisation, avec ou sans consentement, des personnes détenues atteintes de pathologies psychiatriques. Il a été prévu de créer, au sein des établissements de santé, 705 lits répartis dans 17 UHSA. En soignant ces pathologies, nous concilierons mieux l’impératif d’humanité et l’impératif de sécurité. Car la maladie psychologique non traitée d’un détenu est une souffrance pour lui. Mais c’est aussi une menace pour ses codétenus et les personnels qui le côtoient. C’est enfin un risque de récidive pour la société que nous devons combattre.
Dès 2008, un premier programme de 450 places d’UHSA ouvrira donc, complété en 2010 par 250 places supplémentaires.
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Cette collaboration exemplaire de la Santé et de la Justice doit enfin permettre de mieux prévenir les suicides en prison.
A ce titre, en 2003, les ministères de la justice et de la santé ont confié conjointement une mission au professeur Jean-Louis TERRA. Cette mission a abouti à la mise en œuvre d’un programme d’action de prévention du suicide, s’appuyant sur :
- la formation au repérage du risque suicidaire : à ce titre, de 2003 à 2005, 5000 agents pénitentiaires, hospitaliers et autres intervenants en prison ont été formés ;
- le déploiement de plans locaux de prévention individualisés ;
- la mise en place d’une commission spécifique de prévention du suicide dans chaque établissement pénitentiaire.
Au niveau de l’administration centrale, un suivi attentif des actes suicidaires est désormais effectif.
Si le nombre de suicides, après un pic en 1996, a diminué, il demeure encore trop important, même si des dizaines de détenus sont sauvés chaque année par les surveillants dont je tiens, une nouvelle fois, à saluer l’action.
Il nous faut donc poursuivre et intensifier cette politique volontariste.
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Mesdames et Messieurs,
J’entends souvent caricaturer notre système pénitentiaire. En ce domaine si difficile, les efforts doivent être continus.
Je suis heureux de montrer aujourd’hui l’engagement de l’administration pénitentiaire et de ses personnels en faveur de l’humanisation des prisons. C’est là son honneur, et j’entends à ce qu’elle en soit publiquement félicitée.
La prison n’est pas une institution fermée. Elle fait travailler ensemble des enseignants, des travailleurs sociaux, des médecins, des infirmiers, des personnels pénitentiaires. C’est ainsi que nous pouvons offrir la sécurité aux Français et la réinsertion aux détenus.
Source : Ministère de la Justice