Traitement anti-VIH et vie carcérale
Une bonne observance est la condition indispensable pour obtenir une efficacité optimale de son traitement anti-VIH ; c’est-à-dire obtenir une charge virale indétectable et faire remonter suffisamment les CD4 (au moins au dessus de 200) pour écarter tous risques de maladies opportunistes du type tuberculose, toxoplasmose, etc.
Quand on est libre de ses mouvements, on peut toujours trouver une solution, grâce à l’aide de ses proches, d’associations d’aide aux malades, pour adapter les horaires de la prise de médicaments en fonction de son quotidien. Et malgré cela, on sait combien il est extrêmement très difficile d’obtenir une bonne observance de son traitement. C’est la raison pour laquelle un nombre important de personnes séropositives ou au stade SIDA se retrouvent en échec thérapeutique tant la difficulté semble insurmontable pour certain.
Quand on est en prison, un détenu n’est maître ni de ses mouvements, ni de la gestion de son temps. Actuellement, je dois prendre une multithérapie : Viréad 300 mg (1 comprimé par jour le soir), Ziagen 300 mg (2 comprimés par jour ; 1 comprimé/ matin et 1 comprimé/soir), Norvir (2 comprimés par jour ; 1 comprimé/ matin et 1 comprimé/ soir), TMC114 (4 comprimés par jour ; 2 comprimés/ soir) et Fuzéon/ T20 (2 injections en sous-cutané ; 1 injonction/ matin et 1 injonction/ soir). A cela, il faut ajouter le Bactrim (1 comprimé/ matin) et l’Azarose (2 comprimés, une fois par semaine), des médicaments antibiotiques préventifs pour les personnes ayant un déficit immunitaire important (en dessus de 200 CD4).
Excepté le Fuzéon, je prends ma première prise de médicaments lors du déjeuner, distribué entre 11h3à et 12h. Impossible pour moi de la prendre plus tôt dans la matinée, car je n’arrive pas à manger le matin, manque d’appétit, nausée. Et puis, à ce moment de la journée, rien ne se prête à ce que je puisse prendre mes médicaments. A 8h, j’ai parloir avec une amie Charlotte, Anne ou Lenneke. Dès mon retour en cellule, il est environ 9h30, je dois tout de suite aller à l’infirmerie (l’UCSA) pour la première injection de la journée du Fuzéon/ T20 ; la seconde injection, je la fais moi-même en cellule à 21h30. En ce qui concerne la prise de médicaments du soir, je dois donc la prendre entre 23h30 et minuit. Mais là, premier problème : comment faire si l’on n’a rien pour manger ? Car le traitement doit absolument se prendre lors d’un repas et ce dernier n’est distribué qu’entre 17h30 et 18h. J’ai la solution de garder mon repas et le prendre plus tard, mais, dans le cas, comment faire pour le réchauffer étant donné que l’on n’a pas à notre disposition de plaque chauffante pour faire réchauffer nos plats ? On vous vend bien des réchauds et des recharges, mais tout cela reviendrait excessivement cher. Second problème, ce traitement est un traitement que je viens de débuter et l’un des effets secondaires se trouve être la fatigue. J’ai donc été dans l’obligation d’avancer d’une heure la prise du soir afin de ne pas me coucher trop tard. Bien entendu, j’en ai parlé avec mon médecin qui m’a donné son accord. Une heure de décalage, ça passe encore.
Mon témoignage ne se veut pas être personnel, même si je pars de ma propre expérience. Ce que je subie comme difficulté pour obtenir une bonne observance de mon traitement anti-rétroviral, tous les personnes séropositives ou malades du SIDA détenues, prenant un traitement, rencontrent les mêmes difficultés. J’en ai rencontré quelques-uns.
Heureusement, personnellement, j’arrive à palier à ces difficultés, car j’ai le soutien de proches amies, qui se plient en quatre pour que je puisse prendre mon traitement dans les meilleures conditions. Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont ni famille, ni proche et, encore moins, ni moyens financiers ? Une autre chance que j’ai, c’est d’être seul en cellule. Qu’en est-il de ceux qui se retrouvent à trois ou quatre par cellule ? Il faut savoir qu’en prison, on ne dit pas que l’on est porteur du virus VIH, sous peine d’exclusion définitive et sans appel ? Comment font-ils pour prendre leur traitement à l’heure et dans de bonnes conditions. Ils se cachent, comme j’ai dû le faire moi-même quand je me trouvais avec deux autres personnes en cellule. C’est pour cette raison que j’ai demandé à être seul en cellule. Mais être seul en cellule, cela demande d’avoir des moyens financiers, moyens que beaucoup d’entre nous n’ont pas.
Didier ROBERT, détenu