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(2007) Le secret médical en prison : entre respect et dérapages

Mise en ligne : 5 mai 2007

Texte de l'article :

Le secret médical en prison : entre respect et dérapages

Bien évidemment, on ne peut nier les changements en ce qui concerne le respec du secret médical en prison depuis la loi de 1994 qui assure les soins des personnes détenues par l’AP-HP et la création des UCSA. Le temps où les infirmiers du secteur médical étaient les surveillants pénitentiers eux-mêmes est bien révolu. Aujourd’hui, on peut affirmer que le secret médical est relativement bien respecté en prison, mais il est encore loin d’être satisfaisant dans certaines situations. Parce que quand on parle de secret médical en prison, il faut être clair quant à savoir vis-à-vis de qui est-il respecté ?

Je suis touché par le virus du VIH depuis près de 23 ans et depuis 10 ans « en phase SIDA » comme on dit. J’ai appris ma séropositivité en prison, en 1987, et j’ai passé quelques années derrière les barreaux avec cette maladie, je pense donc pouvoir dire que je sais de quoi je parle, sans prétention aucune.

Ce qu’il est important de savoir c’est que dans une prison, même dans une grande maison d’arrêt comme celle de la Santé, un médecin spécialiste du VIH ça ne court pas les rues. Quand tu es donc convoqué chez le médecin, mieux vaut ne pas dire son nom à tes codétenus, car, en prison, TOUT se sait, même ça. Même quand tu es dans la salle d’attente, attendant la consultation, idem, si on te pose la question « tu vas voir qui », mieux vaut réponde « un médecin » ; ça coupe court à la conversation et ç évite d’être « grillé ». Qu’il y est qu’un seul médecin compétent pour le VIH fait que le secret médical ne peut être respecté vis-à-vis des autres détenus. Peut-être y en a-t-il un autre, mais je ne le connais pas et les trois personnes que je sais être porteurs du virus du VIH voient le même médecin.

Là où il reste encore beaucoup à faire en matière de secret médical, c’est alors des extractions à l’hôpital. Laors là, c’est la « béréniza » totale. Non seulement les surveillants ont tout ton dossier médical dans les mains pour l’amener à l’hôpital, mais, en plus, ils restent dans le cabinet médical pendant la consultation accompagné de deux ou trois policiers pour la sécurité. Et il est impossible, même pour le médecin (c’est tout de même un comble !), de demander à rester seul avec le patient. Sécurité oblige ! Et là, tout le monde entend tout, tout le monde sait tout. Même quand j’ai dû subir des opérations pour un cancer bénin de la peau, les surveillants et les policiers étaient présents dans la salle d’opération. Entend tout, sait tout et même voit tout. Le sacro-saint secret médical prend du plomb dans l’aile !

De la part du personnel médical, le secret est très bien respecté. J’ai dû demander à mon médecin un certificat médical pour mon juge d’instruction. Il me l’a fait sans problème, mais il était hors de question pour lui d’y relater mes diverses infections. Le secret médical l’en interdisait. C’est moi-même qui aie dû dire au juge de quoi je souffrais. Et quand il y a eu une demande d’expertise médicale de la part du juge, il a fallu que je donne mon accord signé pour qu’un médecin expert du palais de Justice puisse consulter mon dossier médical. Il a même fallu que je sois présent lors de sa consultation.

Pour conclure, oui, le secret médical est respecté en prison, mais il y a de sacrés dérapaes de temps en temps. Ce qu’il est important de dire, c’est que ce manquement ne vient pas du fait du personnel médical, mais, encore eux, du personnel pénitentiaire.

Didier Robert, détenu à la M.A. de la Santé, à Paris.

P.S. : Il fallait peut-être un jour penser à revendiquer le fait que toute personne atteinte d’une pathologie, dont le pronostic vital est engagé, n’a ABSOLUMENT rien à faire en prison. Une loi existe pour ça !