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Propositions ANVP

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Date : 29-06-2007

2007 Propositions de l’ANVP pour une loi d’orientation sur la peine et le service pénitentiaire

Mise en ligne : 29 juin 2007

Dernière modification : 16 août 2010

Texte de l'article :

Propositions de l’ANVP
pour une loi d’orientation sur la peine et le service pénitentiaire

Les visiteurs de prison sont des bénévoles, qui rencontrent des personnes détenues qui en ont fait la demande.

L’Association Nationale des Visiteurs de Prison compte 1.300 membres dont 925 visiteurs de prison en activité. Elle s’appuie sur l’expérience propre, de terrain, de ses membres. L’association est laïque et indépendante de tout parti politique. Elle prend part, seule ou avec d’autres, aux réflexions sur la prison.
Le fil directeur de la réflexion de l’ANVP est :

« Incarcérer moins, pour mieux accompagner les personnes mises en cause, vers une réintégration dans la société ».

Incarcérer moins est une des conditions d’un accompagnement plus efficace et de conditions de détention plus humaines, dans un contexte budgétaire contraint. 
Cela implique une forte volonté politique et des moyens à la hauteur, définis sur plusieurs années : donc une loi d’orientation, sur la peine et le service pénitentiaire.
L’ANVP souhaite le vote, en début de la législature 2007-2012, d’une telle loi d’orientation. Afin de contribuer à la préparation de cette loi, elle a rédigé le document de synthèse suivant. Ce document s’appuie sur l’expérience spécifique de ses membres, et sur les travaux de parlementaires (40 ont été rencontrés entre octobre 2006 et janvier 2007), d’autres associations, et de chercheurs (liste en annexe).

Sommaire

Première partie
Sanctionner autrement, et incarcérer moins

Réduire le recours à la détention provisoire
Juger avec équité, mesure et pédagogie
Abolir ou restreindre certaines peines
Promouvoir comme peines de référence les peines non privatives de liberté
Sanctionner par de la prison en dernier recours
Sanctionner autrement les crimes les plus graves
Appliquer les peines de manière personnalisée

Deuxième partie
Mieux accompagner la personne incarcérée

Soutenir les liens familiaux et amicaux
Réintégrer dans la société des personnes détenues, première mission de l’Administration Pénitentiaire
S’appuyer sur la richesse du bénévolat
Encourager les activités en détention : travail, formation, culture, sport
Restaurer la santé en prison

Troisième partie
Pour des conditions de détention dignes

Pour l’encellulement individuel et de meilleures conditions matérielles de détention
Pour le respect de la dignité des personnes
Pour assurer droits et devoirs des personnes détenues
Pour un contrôle extérieur des établissements

Propositions de l’ANVP

Première partie
Sanctionner autrement, et incarcérer moins

La question de la peine est rarement abordée dans sa globalité.
Il est, pour l’ANVP, possible de progresser pour sanctionner autrement, et d’incarcérer moins, pour aider à la réintégration des personnes mises en cause dans la société.

Sanctionner autrement, c’est sanctionner de manière à la fois plus humaine pour les personnes mises en cause, plus efficace et moins coûteuse pour la collectivité.

Réduire le recours à la détention provisoire

La personne mise en cause est d’abord présumée innocente.
Le statut du prévenu est donc différent de celui du condamné. L’ANVP demande que cette différence de statut se traduise dans les meilleurs délais par une situation spécifique propre au prévenu.
La détention provisoire est pour la plupart des personnes concernées, une période de grande fragilité et de stress important dans l’attente du jugement. Or elle n’est pas toujours indispensable, et le risque d’emprisonner des personnes innocentes n’est pas inexistant comme l’a rappelé l’ « affaire d’Outreau ».
L’ANVP demande que tant que le jugement n’a pas été prononcé, la détention provisoire soit réduite aux situations où l’emprisonnement est le seul moyen de protéger les victimes, les témoins, les preuves matérielles et bien sûr la personne mise en cause elle-même.

Juger avec équité, mesure et pédagogie

Si la personne mise en cause est reconnue coupable, le tribunal prononce une peine. Cette peine est à la fois :
- reconnaissance par la justice du préjudice et de la souffrance de la victime, incluant parfois une réparation partielle du dommage causé ;
- rappel au respect de la loi et dissuasion à l’égard d’autres auteurs potentiels d’actes prohibés.
La peine est également, si elle n’est pas déniée, mais comprise par la personne condamnée, la base d’un processus de réintégration dans la société.
L’ANVP est attentive à ce que dans une société de forte médiatisation et d’émotions collectives, la justice décide des peines avec équité, mesure et pédagogie.

Abolir ou restreindre certaines peines

Pour l’ANVP, certaines peines n’ont pas de sens, et doivent être abolies ou restreintes :
- parce qu’elles se substituent au traitement effectif des problèmes (le simple fait d’être dépourvu d’un titre de séjour, par exemple) ;
- parce qu’elles s’appliquent à des personnes ayant perdu leur discernement mental : l’irresponsabilité mentale est de moins en moins souvent reconnue ; ce qui fait condamner à la prison des personnes qui ne comprendront pas le sens de la sanction, qui ne pourront être soignées avec la qualité nécessaire, et dont le comportement en détention sera problématique pour tous ;
- parce qu’elles sont illégales au regard de la réglementation européenne : la contrainte par corps ;
- parce qu’elles constituent une double peine : expulsion après incarcération, ou peines « complémentaires et accessoires » restreignant la réintégration (inscription au casier judiciaire, interdiction de passer les concours de la fonction publique, d’exercer certaines professions...).

Promouvoir comme peines de référence les peines non privatives de liberté

On considère trop souvent que la sanction de référence est la prison ; les autres sanctions sont dans l’inconscient collectif de « fausses » sanctions. En réalité, les peines alternatives à l’emprisonnement, non privatives de liberté, permettent, avec un accompagnement professionnel, une pédagogie de la peine et une préparation à la réintégration dans de meilleures conditions. Elles évitent les effets déstructurants, voire infantilisants de la prison. Certaines sont réparatrices vis-à-vis de la victime. La prévention de la récidive en est facilitée.
Ces peines sont aussi bien moins coûteuses que l’emprisonnement.
L’ANVP estime que les peines de référence devraient être les peines non privatives de liberté. Elle demande un engagement politique fort, lisible et durable pour la réduction du recours à l’incarcération.
Cet engagement doit concerner également les mineurs, par le développement de sanctions non privatives de liberté adaptées à leur âge.
Le placement sous surveillance électronique est à encourager dans la mesure seulement où il est une modalité technique d’un projet accompagné, et non une peine complémentaire ou un contrôle formel faussement rassurant.
Pour le développement des peines non privatives de liberté, la volonté politique, la sensibilisation des magistrats et de l’opinion publique sont nécessaires mais non suffisantes.
Les collectivités territoriales, les associations (notamment les associations socio-judiciaires), les établissements scolaires, entreprises publiques... doivent disposer de moyens de mise en oeuvre au plus près de la vie quotidienne des personnes concernées.

Sanctionner par de la prison en dernier recours

La peine de prison doit être la sanction de dernier recours. Elle est cependant, parfois, inévitable.
Pour l’ANVP, l’abolition de la peine de prison est une utopie stimulante, mais non réalisable à échéance prévisible pour toutes les situations où elle est le seul moyen de protéger la société, compte tenu de la dangerosité des personnes mises en cause ; la prison est d’autre part, difficile à remplacer dans certaines situations où la personne n’a pas respecté ses obligations (dans le cadre de peines non privatives de liberté, ou d’une libération conditionnelle, par exemple).
La notion de dangerosité devrait cependant être définie de la manière la plus objective possible et non utilisée comme argument de précaution généralisé.

Sanctionner autrement les crimes les plus graves

Les crimes les plus graves sont le plus souvent sanctionnables de peines de prison.
Une peine lourde n’est cependant, pas nécessairement apaisante pour la victime et pas toujours dissuasive pour d’autres auteurs potentiels ; elle risque par contre, par une mise à l’écart d’une durée réelle indéfinie, d’affaiblir la sociabilité de la personne au point de compromettre ses chances de réintégration.
L’ANVP est préoccupée par la tendance, sur longue période, à l’alourdissement des peines.
Les visiteurs de prison savent en effet d’expérience qu’au bout de 5 à 10 ans de prison, les personnes auteurs de crimes graves, détenues pour des peines de longue durée, ont pour la plupart perdu tout lien familial et amical. Elles n’ont qu’exceptionnellement la solidité mentale leur permettant de se projeter de manière constructive vers l’avenir.
C’est particulièrement vrai quand la date de libération semble impossible à définir (condamnations à perpétuité) ou quand le comportement en détention n’a aucun impact pour accélérer la sortie (condamnations à des « peines de sûreté » incompressibles).
Dans ce contexte la prison n’est plus qu’un processus de souffrance, privé de sens, et coûteux pour la société.
L’ANVP demande :
- la suppression de la réclusion criminelle à perpétuité ;
- la suppression des peines de sûreté ;
- la définition après large concertation d’un quantum de peines approprié aux crimes les plus graves.

Appliquer les peines de manière personnalisée

Les statistiques et les constats de terrain montrent que la récidive est bien moindre lorsque l’exécution de peine s’est faite avec un accompagnement personnalisé, lucide mais attentif, utilisant les possibilités offertes par la libération conditionnelle.
Actuellement avec 5.000 libérations conditionnelles par an la France est l’un des pays du Conseil de l’Europe qui y ont le moins recours au regard du nombre de personnes incarcérées.
L’ANVP préconise que la libération conditionnelle devienne progressivement le mode majoritaire de libération ; lorsque le recours à la libération conditionnelle n’est pas possible, la logique de parcours d’exécution de peine devra être mise en oeuvre systématiquement afin d’éviter les « sorties sèches » sans accompagnement ni perspectives.

Deuxième partie
Mieux accompagner la personne incarcérée

Mieux accompagner la personne incarcérée, c’est promouvoir son sens de la responsabilité, et sur cette base, l’aider à préparer son retour à la vie libre.
Chaque détenu est d’abord une personne, en responsabilité de préparer son retour à la vie libre.
Cela dit, les personnes détenues sont en majorité d’origines sociales modestes, de niveau culturel faible ; beaucoup ont connu une histoire personnelle et familiale difficile. Une bonne partie - de l’ordre du tiers - est en situation de souffrance psychique, voire de troubles mentaux avérés.
Les modalités de l’accompagnement sont donc à personnaliser.

Soutenir les liens familiaux et amicaux

Le maintien des liens familiaux et amicaux facilite le « vécu » de la détention et la réintégration dans la société.
Or les liens familiaux et amicaux sont très souvent affaiblis par l’incarcération :
- réprobation de la famille et des amis vis-à-vis de l’acte commis ;
- image sociale atteinte pour le conjoint et les enfants, et difficultés financières ;
- placement fréquent des enfants en institution ou en famille d’accueil ;
- éloignement et difficulté d’accès à l’établissement pénitentiaire ;
- limitations au courrier et au droit de téléphoner (téléphone interdit en maison d’arrêt) ;
- conditions de rencontre dans les parloirs, peu propices à la sérénité et à l’intimité.
L’ANVP demande :
- une meilleure accessibilité des établissements pénitentiaires en transport en commun ;
- la possibilité de prise en charge financière dans certains cas, par les services sociaux compétents, des déplacements des familles pour la visite aux personnes détenues ;
- une plus grande attention à la proximité des lieux d’affectation des personnes détenues, par rapport au lieu de vie des proches ;
- un plus grand nombre d’établissements pouvant accueillir des femmes détenues, notamment dans la moitié sud de la France ;
- des démarches de réservation de parloirs facilitées, notamment pour les proches non membres de la famille ;
- des horaires et durées de visite compatibles avec l’éloignement et l’activité professionnelle des familles et amis ;
- la généralisation des maisons d’accueil des familles à l’entrée des établissements ;
- le réaménagement des parloirs familles/ amis en vue d’assurer la sérénité et l’intimité totale des personnes ;
- l’extension au plus grand nombre possible d’établissements, des unités de vie familiale ;
- le développement des permissions de sortir ;
- le droit de téléphoner comme situation ordinaire, l’interdiction restant possible sur décision motivée du juge.

Réintégrer dans la société des personnes détenues, première mission de l’Administration Pénitentiaire

L’Administration Pénitentiaire est responsable de l’accompagnement des personnes placées sous main de justice, notamment des personnes détenues.
Vis-à-vis des personnes détenues, les textes lui assignent une double mission : la sécurité (la garde) et la réinsertion (toujours énoncée en second).
L’ANVP propose que la mission de l’Administration Pénitentiaire, dans les textes et dans les faits, soit l’accompagnement à la réintégration des personnes détenues ; la sécurité étant entendue d’abord comme une des conditions de cette réintégration.
Les personnels pénitentiaires sont les premiers acteurs de l’accompagnement à la réintégration.
Dans ce cadre, la qualité de cet accompagnement peut devenir progressivement le premier critère d’évaluation de la mission de l’Administration Pénitentiaire en général, et de ses agents en particulier (personnels de direction, de surveillance, d’insertion et de probation, notamment).
Cela induit une modification du mode de management, de formation, de recrutement, et du cadre du dialogue social.
Cela induit aussi des moyens correspondants, avec une hausse du ratio personnels/ personnes détenues, que l’engagement dans une réduction progressive du nombre de personnes incarcérées doit faciliter.
Chaque personne détenue doit ainsi pouvoir bénéficier d’un accompagnement effectif et personnalisé, pour la préparation à la sortie, sous la maîtrise d’œuvre du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, celui-ci s’appuyant sur les compétences professionnelles (ANPE, Missions locales, Education nationale, organismes de formation, services sociaux des Départements et CCAS, organismes assurant les droits sociaux, centres d’hébergement, bailleurs sociaux...) et bénévoles.

S’appuyer sur la richesse du bénévolat

L’accompagnement bénévole est un complément nécessaire de l’accompagnement professionnel.
Il permet pour la personne détenue une relation sur un principe d’égalité, de personne à personne, neutre, indépendante, et un regard extérieur.
L’Administration Pénitentiaire doit développer le recours aux visiteurs de prison (objectif : 1 visiteur pour 20 personnes détenues contre 1 pour 40 actuellement), aux bénévoles étudiants (GENEPI), aux correspondants, au parrainage, aux associations d’accueil des familles, aux relais enfants-parents, aux associations de formation (Auxilia, CLIP)...
Elle doit rendre partout effectif le droit à cet accompagnement bénévole par la réduction des délais d’agrément de ces bénévoles, l’information des personnes détenues, l’élargissement des horaires de visite (les samedis notamment pour faciliter l’intervention de visiteurs en activité professionnelle).
Elle doit donner aux associations, dont l’ANVP, les moyens financiers d’une formation, d’un accompagnement et d’une information des bénévoles à la hauteur de leur nombre et de leur engagement.
L’Etat pourrait encourager la participation des bénévoles non imposables en développant les crédits d’impôt au lieu des déductions fiscales seules.

Encourager les activités en détention : travail, formation, culture, sport

Travail, formation, activités culturelles et sportives, contribuent à lutter contre l’oisiveté, à restaurer l’image de soi, à préparer la sortie.
Travail et formation peuvent apporter aussi des ressources financières.
Pour l’ANVP, la formation doit être rémunérée dans tous les cas afin que des personnes sans ressources n’aient pas à choisir entre travail et formation. Les conditions de travail et de rémunération doivent se rapprocher au maximum des dispositions du Code du travail.
Bibliothèques et médiathèques pourraient être sensiblement développées avec un recours accru au bénévolat.
Les associations socio-culturelles et sportives (ASCS) constituent, quand chacun accepte de respecter les règles du jeu, un exemple remarquable de démocratie participative entre la société civile et l’administration, outre le rôle dévolu aux personnes détenues. Les ASCS sont actuellement en crise, en raison d’un mode de financement et de gestion inadapté. Une réflexion partenariale est en cours pour leur avenir. L’ANVP demande la constitution d’une nouvelle génération d’ASCS, lieux d’ouverture et de créativité pour développer les activités des personnes détenues, avec leur participation active.

Restaurer la santé en prison

Les personnes détenues ont globalement un état de santé médiocre en comparaison de la population générale, notamment en ce qui concerne la santé mentale, les conduites addictives (drogues, tabac, alcool, médicaments), la prévalence du VIH et des hépatites, la santé dentaire et dermatologique.
Le taux de suicide en prison est l’un des plus élevés des pays du Conseil de l’Europe.

L’ANVP est favorable au développement en cours d’unités de soins sécurisées à l’extérieur des établissements. Cette évolution doit conduire à une évaluation partagée de la réforme de 1994 afin de remettre à plat l’organisation des soins en détention. En particulier les soins restent mal assurés la nuit et en fin de semaine.
Le renforcement global de la démarche d’accompagnement doit permettre de favoriser le dépistage, les soins, ainsi que l’éducation à la santé. La prévention du suicide passe par des formations de tous les intervenants, professionnels et bénévoles.
La prévention de la toxicomanie illicite doit être réalisée en mettant l’accent sur la sensibilisation plutôt que sur la répression seule. Il en est de même pour la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme ; pour celle-ci le développement de cellules non-fumeurs peut néanmoins être engagé.

La loi du 4 mars 2002 prévoit la possibilité de suspension de peine pour les personnes détenues dont l’état de santé est incompatible avec la détention, ou dont le pronostic vital est engagé. Cinq années après cette loi reste insuffisamment appliquée.

Troisième partie
Pour des conditions de détention dignes

Pour que l’accompagnement soit efficace, les conditions de détention doivent garantir la dignité des personnes incarcérées.
D’autre part, la prison doit respecter l’Etat de droit, être un lieu de privation de liberté d’aller et venir, et de privation des droits qu’une décision de justice aurait retirés, mais rien de plus.

Pour l’encellulement individuel et de meilleures conditions matérielles de détention

Actuellement les maisons d’arrêt sont surpeuplées et bien des établissements sont en état médiocre, voire vétuste. Les personnes détenues s’entassent dans des cellules de 9 à 12 m2. Dans certains établissements on peut parler de traitement inhumain et dégradant au regard des normes internationales.
L’encellulement individuel permettrait de respecter l’intimité et la dignité des personnes incarcérées, et de prévenir une partie des violences et discriminations entre personnes détenues. Pour l’ANVP, il doit, conformément à la loi de mai 2000, non appliquée, être la règle ; des exceptions peuvent être admises pour les personnes dont l’état de santé physique ou psychique rend préférable la présence d’un co-détenu.
Actuellement la surpopulation ne permet pas d’assurer l’encellulement individuel et gêne, d’ailleurs, l’ensemble des efforts d’accompagnement.
Pour l’ANVP, la lutte contre la surpopulation passe par la réduction du recours à l’incarcération (cf. ci-dessus) et non par l’accroissement du parc pénitentiaire.
L’accroissement actuel du parc pénitentiaire mobilise des moyens qui manquent à l’accompagnement des personnes détenues ou sous main de justice. Il engage d’ailleurs des crédits sur longue période compte tenu du financement étalé avec le partenariat public privé (PPP).
L’ANVP demande une révision du programme pluriannuel de construction d’établissements autour de l’objectif de stabilisation puis de baisse du parc pénitentiaire total. Les constructions déjà engagées seraient menées à bien mais le rythme futur serait réduit, et davantage d’établissements anciens, voire vétustes, seraient fermés.
Les constructions nouvelles de prisons se feraient autour d’un cahier des charges centré sur la réintégration des personnes détenues plutôt que sur la prévention des évasions. Les établissements ainsi construits le seraient après concertation renforcée des professionnels et des bénévoles utilisateurs. On éviterait la pratique actuelle de construction de prisons identiques en des lieux différents du territoire. Les établissements comprendraient des cellules en grande majorité individuelles, davantage de locaux collectifs et administratifs (modulaires autant que possible), des parloirs humanisés, des déplacements facilités pour les personnes âgées ou handicapées, des unités de vie familiale, des maisons d’accueil des familles, un quartier « femmes » de dimension appropriée. L’emplacement retenu devrait être facilement accessible par transports en commun.
La réhabilitation et la rénovation des établissements anciens non destinés à être fermés devraient bénéficier de crédits suffisants, afin d’aboutir à une qualité de vie conforme aux normes applicables aux collectivités (éclairage, ventilation, chauffage, sanitaires, sécurité incendie, nettoyage, désinfection, alimentation...).

Pour le respect de la dignité des personnes

Certaines situations en détention portent atteinte à la dignité des personnes.
L’ANVP demande en particulier :
- face aux violences que subissent de la part de leurs co-détenus, les personnes incarcérées pour crimes et délits sexuels, leur protection par le personnel pénitentiaire, plutôt que leur séparation physique ;
- le développement des possibilités de communication des personnes non francophones ou des personnes sourdes utilisant la langue des signes ;
- face à la misère matérielle de certaines personnes détenues, ainsi souvent soumises au caïdat, l’instauration d’un revenu minimum chaque fois qu’aucun travail ou formation rémunéré n’aura pu leur être proposé ;
- la limitation des fouilles à corps ;
- la fouille des cellules par le personnel pénitentiaire, en présence de la personne détenue, en évitant toute dégradation et tout désordre.

Pour assurer droits et devoirs des personnes détenues

Les personnes détenues restent des citoyens, avec des droits et des devoirs.

Les réglements intérieurs sont l’une des sources du droit dans les établissements. Les personnes détenues, condamnées pour infraction au droit, y sont particulièrement sensibles. Il importe donc que ces réglements soient connus de tous et respectent la hiérarchie des normes juridiques, sur la base de réglements-types.

Les quartiers disciplinaires ont pour fonction de sanctionner par l’isolement total. Pour le reste, les conditions matérielles doivent être correctes et les interdictions diverses rester proportionnées aux faits sanctionnés.

Le recours aux quartiers d’isolement, par nature déshumanisants, qu’il soit retenu pour raisons de sécurité, ou demandé par la personne détenue elle-même, doit rester une mesure de courte durée dans l’attente d’une meilleure solution. Les textes récemment adoptés doivent être respectés dans leur lettre et plus encore dans leur esprit.

L’ANVP souhaite une réflexion sur le développement des possibilités d’expression individuelle et collective des personnes détenues, incluant l’usage des médias.

Le droit de vote des personnes détenues peut s’effectuer par procuration. Son application serait plus efficace si la procuration pouvait être adressée à une personne habitant dans une commune distincte de la commune de résidence d’origine de la personne détenue.

Une éducation citoyenne doit et peut être développée en détention. Elle inclura une prévention de la violence par un accompagnement approprié.

Pour un contrôle extérieur des établissements

L’ANVP souscrit aux termes de la Déclaration finale des Etats généraux de la condition pénitentiaire, qui demande notamment que « la loi instaure un organe de contrôle extérieur assurant l’effectivité du respect des droits » des personnes détenues, auquel ces dernières peuvent s’adresser en cas de violation.
Cet organe doit avoir pour compétence « le contrôle des conditions générales de la détention, de l’état des prisons, de l’application du statut du détenu, de l’exécution des politiques pénitentiaires ». Il doit donc avoir le pouvoir et les moyens de « contrôle permanent, de visite, d’évaluation, d’injonction, de recommandation, de publication de ses rapports ».
L’ANVP, sans se prononcer sur le choix de l’organisme existant ou à créer qui devra prendre la responsabilité de ce contrôle extérieur, souligne la qualité du travail partenarial entrepris par les services du Médiateur.

L’ANVP souligne d’autre part le rôle des commissions de surveillance des établissements.

Documents de référence

 ? Recommandations du Conseil de l’Europe :
 ? Surpeuplement des prisons (30 septembre 1999)
 ? Amélioration de la mise en œuvre des règles sur les sanctions (24 novembre 2003)
 ? Libération conditionnelle (24 septembre 2003)
 ? Gestion des condamnés à perpétuité et longues peines (9 octobre 2003)
 ? Règles Pénitentiaires Européennes (janvier 2006)
 ? Rapport de l’Assemblée Nationale, la France face à ses prisons (juin 2000)
 ? CCNE
Rapport (2004)
Avis N°94 sur « La santé et la médecine en prison » (26 octobre 2006)
 ? Avis du CES sur les conditions de réinsertion socioprofessionnelle des détenus (février 2006)
 ? Rapport de l’Académie de Médecine ( 9 décembre 2003)
 ? Rapport du Conseil National du Sida (11 mars 2003)
 ? Rapport de l’IGAS et de l’IGSJ de 2001
 ? Loi du 18 janvier 1994 (rattachement du système de soins des personnes détenues au ministère de la Santé)
 ? Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme
Etude sur les droits de l’homme dans la prison (11 mars 2004)
Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues (version d’avril 2004)
Etude sur l’accès aux soins des personnes détenues (19 janvier 2006)
 ? Code de la santé publique
Loi sur les droits des malades du 4 mars 2002, loi sur l’accès aux soins palliatifs du 9 juin 1999, loi sur les droits des malades en fin de vie du 22 avril 2005.
 ? Rapport de Jean-Louis Terra sur la prévention du suicide du 10 décembre 2003
 ? Rapport de l’Assemblée Nationale : « La France face à ses prisons » 2000
 ? Rapport du premier Président de la Cour de cassation Guy Canivet (mars 2000)
 ? Rapport du Commissaire de l’Europe aux droits de l’homme (suite à sa visite en France du 5 au 21 septembre 2005)
 ? Commission d’enquête sénatoriale « prisons : une humiliation pour la République » (juin 2000)
 ? Rapport du député Jean-Luc Warsmann au Premier ministre sur les peines alternatives à la prison, les modalités d’exécution des courtes peines et la préparation des détenus à la sortie de prison (28 avril 2003)
 ? Documents préparatoires aux Assises du GENEPI (avril 2006)
 ? Collectif Octobre 2001 : « Sanctionner le crime dans le respect des droits de l’Homme » (octobre 2006)
 ? Etats généraux de la condition pénitentiaire, Déclaration finale (novembre 2006)
 ? Rencontres de membres de l’ANVP avec 40 parlementaires (PC, PS, UDF, UMP) (octobre 2006-janvier 2007)
 ? Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, Sarah Dindo, « les alternatives à la détention » (février 2007)
 ? Ban Public, rapport sur la santé en prison (février 2007)
 ? Citoyens et Justice, Questions aux candidats à l’élection présidentielle (mars 2007)
 ? Documents propres à l’ANVP : Projet associatif (mai 2006) ; motion votée au Congrès de Strasbourg (mai 2006).