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(2007) Un garçon de 16 ans s’est pendu dans sa cellule à Meyzieu

Mise en ligne : 2 février 2008

Dernière modification : 6 février 2008

Texte de l'article :

Un garçon de 16 ans s’est pendu dans sa cellule à Meyzieu

JUSTICE - Pour la première fois, un adolescent s’est pendu dans un des établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM). Le premier ouvert en France, l’an passé.
Cela s’est produit samedi matin, à Meyzieu (Rhône). Il avait 16 ans, avait été incarcéré le 17 décembre. Et s’est pendu au système d’aération de sa cellule. La direction régionale de l’administration pénitentiaire indique que le garçon avait déjà essayé, une semaine après son arrivée. Il s’était alors démis l’épaule en tombant dans sa tentative. Le suicide a été caché tout le week-end aux autres détenus, pour éviter une explosion. Car à Meyzieu, les incidents se multiplient l’ouverture, et la situation paraît intenable... Photo : Sébastien Erome L’EPM a accueilli ses premiers mineurs le 11 juin 2007. Huit jours plus tard, une partie des locaux étaient mis à sac, à coups de pieds et d’extincteur. Certains éducateurs et surveillants estiment que l’arrivée avait été mal préparée, le « cadre » mal posé. « Nous sommes dans une expérimentation qui change beaucoup le rapport aux lieux, aux règles, défend pour sa part Paul Louchouarn, directeur régional adjoint de l’administration pénitentiaire en Rhône-Alpes. Les EPM présentent des espaces plus ouverts, moins contenants. Cela peut déstabiliser des mineurs qui ont besoin de canaliser leur sentiment d’insécurité ». Aberrations. L’établissement cumule aussi les dysfonctionnements. Surveillants et éducateurs sont en sous-effectif, et censés travailler en « binôme », ce qui constitue une « révolution culturelle » délicate lorsqu’une partie des éducs découvrent le métier. La Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) fait appel à de nombreux jeunes sortant de formation, et à des contractuels. « Il aurait fallu privilégier une montée en puissance très lente, comme nous l’avions préconisé, pour apprendre à travailler ensemble et s’adapter aux dysfonctionnements », estime Alain Dru, secrétaire général de la CGT PJJ. Au lieu de cela, l’ouverture a été très politique et très médiatique. Il fallait montrer vite que cela fonctionnait ». Et depuis, il faut cacher que cela fonctionne mal. Les professionnels n’ont pas été concertés avant la construction. Résultat ? : les aberrations s’accumulent. La psychologue ne dispose d’aucun bureau pour les entretiens en tête-à-tête. Elle s’installe au gré des salles disponibles. « Elle va bientôt pouvoir partager un bureau aux services médicaux », rassure Paul Louchouarn. Les éducateurs, censés préparer la sortie des mineurs, ne disposent pas de téléphone pour joindre les familles, les magistrats et les partenaires censés préparer la réinsertion. Pour appeler, ils allaient jusqu’à présent dans le bureau de la secrétaire de l’EPM. Une deuxième ligne a été installée dans un bureau à l’écart. Hiérarchie. Dans les premiers temps, les mineurs de Meyzieu ont par ailleurs fait face à une véritable suractivité. Sport, cours, activités culturelles, comme s’il fallait les occuper en permanence. Des journées interminables et qui tranchaient très brutalement avec l’inoccupation du quartier, ou de certains quartiers des mineurs. L’utilisation du temps judiciaire doit aider à préparer la réinsertion, « mais cela les a privé de l’espace de repli, de protection, que peut constituer la cellule, explique un éducateur. Ils étaient constamment en groupe, sous le regard des autres, et cela attisait aussi les tensions ». Le rythme de ces activités a un peu baissé, mais personnels et mineurs découvrent souvent le programme au jour le jour. « Où qu’il soit, un gamin a besoin de savoir le matin ce qu’il fera dans la journée, pointe Jean-Claude Vaupré, de la CFDT Justice. Il a besoin de rencontrer des adultes et des règles claires. » La hiérarchie est par ailleurs perçue par beaucoup comme trop « autoritaire », trop « rigide ». Selon un professionnel, « les surveillants, qui étaient très investis dans les quartiers pour mineurs, se retrouvent infantilisés, réduits au rôle d’exécutants. » L’inverse de ce que préconisent les règles pénitentiaires européennes. Passages à l’acte. La démobilisation serait forte, et selon les syndicats, les congés maladie et demandes de mutation en hausse. Paul Louchouarn répond que le taux d’absentéisme et de congé maladie est « plutôt inférieur à la moyenne régionale ». Mais il concède ? : « Je ne peux pas nier qu’il peut y avoir une déception par rapport aux attentes de personnels qui sont arrivés très motivés. » Certains surveillants avaient demandé l’EPM pour se rapprocher de Lyon. Tous les autres parce qu’ils voulaient s’investir autrement auprès d’adolescents. « Ils se sentaient éducateurs dans les quartiers pour mineurs, leur fonction s’est considérablement réduite à Meyzieu, observe Jean-Claude Vaupré. Ils se retrouvent à gérer des repas collectifs ingérables. Nous avons alerté de façon répétitive. A présent, il est temps de remettre à plat tout le projet ». La direction régionale relativise les problèmes de violence. Mais un magistrat parle d’un « mélange explosif », d’une « spirale folle ». Une surveillante a été envoyée à l’hôpital, cette semaine, par deux des jeunes filles qui viennent de rejoindre l’EPM. « Des mineurs qui ne bronchaient pas en maison d’arrêt deviennent des caïds à Meyzieu », observe un professionnel. La plupart des pensionnaires vont mal. Vendredi 25 février, l’un d’eux a mis le feu à sa cellule, en transformant son tee-shirt en torche pour le jeter dans la cour. Il multipliait les « comportements à risque ». Huit jours plus tard, il s’est pendu. Ol.B.