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(2008-02) Slam de la mère Cyril

Mise en ligne : 12 février 2008

Dernière modification : 12 février 2008

Texte de l'article :

Hier, j’ai eu Cyril au téléphone qui m’a expliqué que dès le matin une fouille sur les détenus a été mise en place lors de laquelle les agents ont inspecté les anus des prisonniers.
Cyril a refusé de se baisser et d’écarter ses fesses, comme le lui demandait l’agent de son étage.
Il a argué en plus, du fait qu’avec sa jambe cassée, il ne pouvait accomplir certains gestes.
Comme les agents n’avaient aucune matière à charge contre lui, ils ont décrété qu’il avait entraîné les autres détenus à refuser ces pratiques, argument qu’il réfute catégoriquement.
"Je ne suis pas le gardien de leur temple" a t’il juste dit pour sa défense.
Je rappelle ici que Cyril a subi il y a quelques années une fouille musclée de la part d’une douzaine d’agents de l’administration pénitentiaire, lors de laquelle ils lui ont de force écarté les fesses et au cours de laquelle il a eu les côtes cassées ainsi qu’un orteil du pied. C’est pour cette raison qu’il va aujourd’hui devant la cour européenne des droits de l’homme qui vient de décider de la recevabilité de son dossier, ce que la toute puissante administration pénitentiaire n’arrive pas à digérer. C’est pourquoi, elle le pousse sans arrêt à péter les plombs pour pouvoir justifier de ses exactions inacceptables dans un pays qui porte la démocratie en étendard.
 
Cette nuit, comme je n’arrivais pas à dormir au regard de ce que j’avais entendu de mon garçon, j’ai écrit un texte de slam que je dédie à toutes les mères, épouses, filles, soeurs, belles filles et à tous ceux qui se rendent en visite en prison au parloir.
 

Histoire de parloir (dédié à mes deux garçons)
 
Je sais que tu m’attends,
Au fond de ta prison
Derrière les murs de sang
De nos deux horizons.
Je marche, je cours, je pleure
Rendez vous à 13h
Faut même que j’accélère
Si je veux être à l’heure.
Je joue au full contact
J’avance à coup d’épaules
Dans cette foule compacte
Glacée comme les deux pôles.
J’ai peur d’un faux contact
De perdre le contrôle
A chaque nouvel impact
A chaque fois qu’on me frôle.
Je fonce vers le métro
Où sa bouche m’avale
Une fois dans l’escalier
En trombe je le dévale.
Mes émois me remuent
Et font naître des larmes
Qui me brouillent la vue
Merde ! j’ai loupé ma rame.
Je m’assoie sur le banc
Je guette la prochaine
J’ai peur de l’incident
Qui empêch’rait qu’elle vienne.
J’arrive devant la porte
Il est déjà moins l’quart
Il faut que je sois forte
Pour un super parloir.
 
Et c’est toujours la même rengaine
J’ai le cœur qui tape à tout péter
Mais c’est lui qui m’entraîne
A Fresnes, Fleury ou la Santé.
 
Ca y est t’es devant moi
Il pleut derrière mes yeux
Quand tu as mal pour moi
Quand le diable est odieux..
Je sens mes émotions
Ricocher sur les murs
Et puis les contusions
Pointer sous ton armure.
Tes bras m’entourent enfin
Et je me sens revivre
Qu’il est long le chemin
Qui mène à l’autre rive
Et toujours dans tes bras
J’ai envie de hurler
Je sens ton cœur qui bat
Près à se décrocher.
Tu m’dis que tout va bien
Je sais qu’tu prends sur toi
Mais la sueur dans tes reins
Elle ne me trompe pas.
Alors j’ravale mes pleurs
Et dégaine un sourire
Je sais que ta douleur
Va me forcer à vivre.
Sur l’chemin du retour
Je marche comme un robot
Je n’vois que les contours
De tes doux derniers mots
Maman j’t’aime plus que tout
Il faut pas m’en vouloir
On arrivera au bout
De cet affreux couloir.
Si la mort rôde parfois
Je n’sais pas l’avenir
Mais je sais qu’elle fuira
En te voyant sourire.
Mais je sais qu’elle fuira
En te voyant sourire...
 
Catherine