14600 articles - 12260 brèves

(2009) La surpopulation carcérale ne serait pas due à la politique sécuritaire du gourvernement.

Mise en ligne : 29 juillet 2009

Texte de l'article :

DERANGEANT

La surpopulation carcérale ne serait pas due à la politique sécuritaire du gourvernement.
 
Par Hervé Bompard-Eidelman 
 
 
Surprenant et même dérangeant pour les anti-sarkozystes patentés, la surpopulation dans les prisons ne serait pas due à la politique sécuritaire du gouvernement voulue par Nicolas Sarkozy, mais aux juges de l’application des peines qui n’appliqueraient pas la loi.
Surprenant et dérangeant dans un état de droit que des juges n’appliquent pas la loi telle qu’elle est écrite et inventent même parfois des lois qui n’existent pas.
Mais que fait la police ? Et le gouvernement ? Et l’opposition ?
En effet, d’après un relevé effectué dans des établissements pénitentiaires, ce serait plus de 25% des détenus qui le serait illégalement. Explication.
 
" Ne donne pas de sens à sa peine, ne reconnaît pas les faits, fin de peine trop proche, Pas assez d’heure de formation", sont quelques-uns des motifs iniques utilisés par des juges d’application des peines (Jap) pour rejeter une demande de libération conditionnelle d’une personne détenue alors que le dossier était bien ficelé et surtout validé par l’administration pénitentiaire, c’est-à-dire par le Chef de l’établissement, le Conseiller d’insertion et de probation, et un Cadre de détention. Seul problème : tous ces motifs sont illégaux. Ils ne sont pas prévus par le Code de procédure pénale (Cpp), article 729, qui définit les conditions d’accès à la libération conditionnelle. Et pourtant, "la loi est d’interprétation stricte", c’est le Code pénal qui le dit. Mais il y a une autre embûche dans ce parcours du combattant. Dans l’article 729 du Cpp, c’est la conjonction de coordination "soit" qui est utilisée dans l’énumération des conditions, l’une ou l’autre est suffisante. Or les Jap utilisent de plus en plus et de leur plein gré la conjonction "et", tout aussi illégalement. Du coup, très peu de personnes obtiennent une libération conditionnelle. La France se situe derrière la Lettonie pour ces libérations et bonne avant-dernière devant la Moldavie, c’est dire...
Les détenus français seraient-ils les plus dangereux d’Europe ? Certes non. L’immense majorité a la volonté de réintégrer la société, de se réinsérer professionnellement et de se faire oublier, de passer à autre chose et de construire un autre chapitre de son existence.
 
Alors, que se passe-t-il dans les prisons françaises ? Pourquoi les juges agissent-ils de la sorte ? Il y a un faisceau de motifs : certains se disent qu’en étant encore plus sécuritaire et répressif, ça fera bien dans leur dossier de carrière. D’autres ont pris la partie d’être toujours d’accord avec le procureur ou son substitut pour éviter la confrontation et risquer d’avoir trop d’appel du Ministère public contre ses décisions de libérer. D’autres encore en veulent au gouvernement d’avoir stigmatisé un Jap dans l’affaire dite du " Chinois ". Enfin, d’autres se disent qu’en créant beaucoup d’activités, on justifie le maintient du tribunal malgré la réforme de la carte judiciaire. Tout cela ne serait pas grave s’il n’y avait pas une surpopulation carcérale qui peut atteindre jusqu’à 210%, en moyenne 140 à 180%, des suicides de personnes détenues ( plus de 130 depuis le début de l’année) et de surveillants ( 10 depuis le début de l’année), une explosion des personnes de tous âges malades plus ou moins gravement, beaucoup de surveillants en dépression nerveuse et énormément de violence entre personnes détenues et envers les surveillants. Et le pire, c’est que cela peut vous arriver, pensez-y. Vous pourriez vous aussi être connaître la prison, un jour. Un homme de 48 ans a été condamné à un mois de prison ferme pour conduite en état d’ivresse en récidive. Il s’st suicidé en prison parce qu’il n’a pas supporté. Les Surveillants avaient tous prévu, les magistrats sont restés indifférents. Mais pour rien à 48 ans. 
 
Comme ce n’est pas l’administration pénitentiaire qui décide d’incarcérer et de libérer, les magistrats portent une responsabilité certaine dans ces graves dysfonctionnements du service de la justice. D’autant plus, et c’est sans doute là le plus grave et le plus préoccupant, qu’ils n’écoutent plus les préconisations des professionnels qui s’occupent des détenus : Conseiller d’insertion, Chefs d’établissement, Surveillants et Cadres de détention dont le coeur de métier est la réinsertion. La loi dite Perben2 fixe quant à elle les dates-clés dès la condamnation définitive, ce qui permet de mettre en place un projet construit (formation, emploi, logement, paiement des parties civiles, soins médicopsychologiques, activités socioculturelles, etc.) avec le condamné détenu jusqu’à la date de sa libération conditionnelle. A cette date, il présente un projet pour sa demande de libération conditionnelle, qui passe au travers de trois filtres de l’administration pour être validé : Conseiller d’insertion et de probation, Chef d’établissement et Cadre de la détention. La libération conditionnelle fait partie intégrante de la peine, et c’est ce qui a été consacré par la loi Perben2 : une partie de la peine se fait derrière les murs sanction/réparation/formation), l’autre partie dans la société (réparation/réinsertion/réhabilitation), sachant que la personne est toujours suivie par l’administration pénitentiaire et un juge pendant un temps assez long.
 
A l’autre bout de la chaîne carcérale, il y a naturellement la détention provisoire. Si les juges l’utilisaient normalement, on diminurait encore de près de 15% la surpopulation carcérale. Mais les juges aiment bien la détention provisoire parce que, d’après eux, ça permet de " de ramollir la viande pour obtenir des aveux". De vrais poètes ces juges. 25% côté condamnés, 15% côté prévenus, ce n’est pas de places de prison supplémentaires dont la France a besoin, mais que les juges appliquent la loi. C’est pourtant simple et cela paraît légitime. Trop peut-être pour des hommes et des femmes qui se pensent au-dessus des lois, qui pensent que la loi, c’est bon pour les autres.
Tant qu’on aura pas obligé les juges à appliquer la loi, on ne pourra pas accuser la politique sécuritaire du gouvernement de remplir les prisons. Le problème, c’est que c’est très mal-élevé de dire cela, très politiquement incorrect, surtout à gauche où on croit encore que les juges sont des amis. Comme les artistes. Et pourtant, le rédacteur de cet article est de gauche. Mais d’une gauche résistante, fonceuse, pas d’une gauche-caviar et tasse de thé qui interroge son nombril pour savoir quoi décider. Ah ! Si Sarkozy était de gauche...Mais revenons sur terre. N’empêche qu’il revient au goubernement d’obliger d’urgence les juges à appliquer la loi comme elle est écrite et pas comme ça leur chante. Tous les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire le disent, du Surveillant au Cadre en passant par le Chef d’établissement : si on comme ça à dépouiller l’administration pénitentiaire de son autorité, de ses pouvoirs et de ses prérogatives à propos des libérations conditionnelles et donc de la réinsertion et de la deuxième chance des détenus, en transformant les prisons en Camps de prisonniers administrés par un patron qui serait le procureur qui déciderait seul de qui rentre, qui sort et qui reste, alors nous allons collectivement au-devant de très gros ennuis et au-devant d’une société très violente. On peut comprendre le rêve américain du Président de la République, mais pourquoi vouloir toujours et systèmatiquement recycler ce que ce manifique pays a de pire ? La privatisation des prisons-car il s’agit bien de cela de manière rampante- n’implique pas nécessairement de supprimer les programmes de réinsertion et donc de transformer les Personnels en simples auxiliaires de sécurité, une activité qui pourrait d’ailleurs être confiée au privé si on regarde bien.
 
Comme d’habitude en France, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué et jouer à se faire peur entre gens de pouvoir ? Et pourtant nous allons quand même proposer quelques mesures simples dont il faut espérer qu’elles arriveront aux oreilles de notre pragmatique et déterminé Président de la République, et à ceux des élus les plus courageus et les plus républicains qui considèrent que dans les prisons se sont des hommes et des femmes qui y vivent et y travaillent et pas des tas de viande décérébrés tous bons pour la relégation et les poubelles de la République.
Tout d’abord, arrêté les placements en détention provisoire quand l’objectif est de ramollir la viande pour obtenir des aveux, c’est vraiment une pratique indigne et d’un autre âge. Je rappelle que ça pourrait vous arriver. Ensuite, libérer à la date prévue les détenus dont le dossier a été validé par l’administration pénitentiaire, donc qui répond aux conditions de l’article 729 du Cpp. Enfin, supprimer les peines de prisons de moins de six mois comme dans la plupart des autres pays européens en les remplaçant par d’autres sanctions de substitution.
 
Cette question de la surpopulation carcérale, des suicides de détenus et de surveillants, de maladie, de répétition, de personnes qu’on laisse pourrir en prison au lieu de les aider à s’amender et à se réinsérer est caractéristique d’une société qui va mal, qui est angoissée et anxiogène et qui croit quen martyrisant les personnes détenues elle ira mieux, ça lui fera du bien, individuellement et collectivement. Mais la violence infligée à une autre personne n’a jamais apaisé une angoisse ni une souffrance. En plus, cela devient rapidement une addiction, une névrose profonde, on en a de plus en plus besoin. Un vrai retour à la raison s’impose, surtout chez les magistrats dont c’est le métier de connaître ces chose et d’en préserver la société lorsqu’elle va mal. Ce n’est certainement pas en accompagnant ce processus et en l’amplifiant que les juges retrouveront la confiance et le respect du peuple. Le peuple français est tout sauf idiot. Il sait qu’il faut parfois le protèger de lui-même et de ses tentions destructrices et vengeresses, de ses envies malsaines d’exécutions sur la place publique pour l’exemple. Il sait qu’il a une part d’ombre, une part de sauvagerie qui ne doit pas s’échapper. Lorsque les juges utilisent cela en croyant se faire apprécier, en croyant se faire bien voir, ils se trompent, ils s’enfoncent. Le peuple français ne veut pas de cela, car il a retenu au moins une grande leçon dans l’Histoire de la France et des Français : " plus jamais ça". Il sait qu’avec tous les moyens modernes d’information et de communication, il ne peut désormais plus dire : "on ne savait pas". C’est pour cette raison précise qu’il ne peut pas être complice. Et ça, c’est plutôt sain. Alors, Quelle que soit votre fonction, vous qui avez une parcelle de pouvoir, réagissez. Car ce qui se produit dans une prison finit toujours par se produire dans la société. Et vous non plus, gens de pouvoir, vous ne pourrez plus dire : " on ne savait pas", et il sera trop tard pour dire : "plus jamais ça". A quoi ça tient, parfois, une élection...
 

Quand à vous, citoyens de l’extérieur, c’est comme d’habitude : faites circuler des pétitions sur Internet, écrivez à votre Député-e, au Président de la République, à la presse et à votre télé préférée pour exiger que les juges appliquent la loi telle qu’elle est écrite et qu’on arrête d’incarcérer préventivement pour arracher des aveux, parce que ce qu’on fait à un autre, ça pourrait bien arriver à moi aussi, alors autant que je m’en occupe tout de suite, personne n’est à l’abri. Merci de vous comporter comme des vrais citoyens responsables, c’est beau.