L’HISTOIRE DU TEMPS
Lorsque le Temps n’eut plus le goût d’être
qui lui servait de vie,
lorsque le Temps perdit le sentir
des fleurs, des champs, des ciels, des terres,
des arbres, des lacs, des mers et des rivières,
lorsque le Temps n’eut plus la vision des soleils,
des femmes, des enfants, des animaux,
il fut au désespoir d’avoir perdu les cinq sens
de son être.
S’offrant à un couple étrange qu’il rencontra
sur le Chemin de l’Univers, les racines du Temps
servirent à façonner les liens qui devaient
le rendre prisonnier à jamais.
De ces liens, ces gens, ces gens étranges,
que la magie habitait, firent un immense panier
et partirent à la récolte des herbes, des couleurs,
des senteurs, des voix, des cris, des pleurs,
des chagrins, des regards, des sourires, des eaux,
des lacs et des forets sans oublier... l’Amour,
enfin de tout ce que le Temps n’avait pu rencontrer
lorsqu’il était encore maître de la Vie.
Mais un jour, le Temps reprit conscience et
devint fort triste de sa façon nouvelle.
Il se résigna à faire cette demande :
« Gens étranges, en échange de mon Moi, de ma vie,
de mes sens, je vous offrirai ce qu’il m’est possible
sauf la vie éternelle de mon corps.
Acceptez-vous ce don unique ? »
Mais les gens étranges se refusèrent à cette offre.
Ils lui firent remarquer que d’être les maîtres
de toutes choses ne pouvait être échangé
contre des valeurs moindres...
« Pourquoi nous reprendre le bien de ton offrande ?
Oublies-tu que tu nous supplias jadis de t’en dévêtir ?
Oublies-tu que nous t’avons offert nos vies ? »
« Sachez, mes amis, que vous n’êtes maîtres que des
choses matérielles et non des choses immatérielles.
Le Temps ne peut avoir de maître que lui-même.
Et je suis le Temps ! »
Les années passèrent et les étranges personnes perdirent
Le goût des choses possédées.
Ils s’aperçurent qu’ils ne pouvaient vaincre le Temps.
Ils en perdirent la raison et la folie s’empara
De leur esprit.
Dans un réflexe de survie ils eurent la force de supplier
Le Temps de leur accorder son pardon.
Il leur refusa cet ultime besoin de survivance.
Ils étaient condamner à vivre, à errer dans les siècles,
Sans jamais pouvoir mourir en paix...