Prison : un état des lieux
Observatoire international des prisons, Ed. L’Esprit frappeur, 2000
Prisons : quelles alternatives ?
dirigé par F. Reynal, Ed. Panoramiques, 2000
Au pied du mur : 765 raisons d’en finir avec les prisons
ouvrage collectif, Ed. L’Insomniaque, 2000
La prison sort de l’ombre. Depuis des années, l’OIP dénonçait dans la plus grande indifférence le « voyage au bout de l’horreur ». C’est à l’occasion de son audition par la commission d’enquête parlementaire que l’OIP réalise ce document Prison : un état des lieux, réunissant l’essentiel des faits dont il a été saisi au cours des trois dernières années, analysant conditions de détention, violences, santé, travail, détention provisoire, personnels, intimité et lieux familiaux, réinsertion et alternative à l’incarcération.
Même constat avec le dossier rassemblé par l’excellente revue Panoramiques et titré « Prisons : quelles alternatives ? ». Tout d’abord, le rappel de quelques chiffres : en octobre 1999, les prisons abritaient 58 000 détenus, dont près de la moitié a moins de 30 ans, avec une sur-représentation des milieux défavorisés (chômeurs, SDF, étrangers), soit un doublement en vingt ans, avec en corollaire un durcissement des peines prononcées. Ainsi, par rapport à 1979, les peines de 5 ans ont-elles augmentées de 1 020%, les condamnations à plus de 10 ans de 233% et les perpétuités de 100%, tandis que le nombre de libérations conditionnelles était divisé par deux. En outre, dans l’imagerie traditionnelle, ce sont les voleurs qui vont en prison. La promiscuité, la dégradation des conditions de détention, les rapports dominants-dominés poussent certains à commettre en prison de nouveaux délits ou crimes : rackets, viols, tortures ou meurtres. Dans une lettre d’avril 1997, un détenu de Fresnes atteint d’un Sida déclaré, qui affirme avoir vu « des détenus mourir comme des chiens, dans des conditions de solitude et de désespoir abominables », conclut : « Ce qui est en phase terminale en prison, ce sont les droits de l’homme. »
On assiste toutefois à un timide développement des peines alternatives à l’emprisonnement : suspension de permis de conduire, confiscations, travail d’intérêt général, jours-amendes, sans omettre le classique sursis, et depuis 1984 le sursis avec mise à l’épreuve. Mais elles concernent en général les courtes peines d’emprisonnement, la condamnation pour vol simple étant la plus visée les peines de substitution alors que cette catégorie de délit est en notable diminution. Sur le fond du problème, l’historien Christian Carlier est tout à fait explicite : « Jamais la prison ne contribuera à amender, à réinsérer, à réadapter les détenus qu’elle recèle, elle n’est pas faite pour cela, elle a pour fonction de ‘rassurer les honnêtes gens’, de trier les boucs émissaires grâce auxquels les bons citoyens acquièrent à bon compte une bonne conscience, grâce auxquels aussi est assurée la cohésion sociale. Et cela n’a pas de prix. »
Alors, abolition de la prison ? Pour les auteurs de l’ouvrage collectif Au pied du mur : 765 raisons d’en finir avec toutes les prisons, s’il est effectivement inhumain d’enfermer, la prison n’est qu’une excroissance de la société, son concentré exacerbé. Aussi « les technologies informatiques de surveillance - en même temps que la transformation totalitaire de l’espace urbain par la généralisation de la vidéosurveillance - peuvent-elles favoriser l’abolition par l’État de la prison puisqu’il aura ainsi trouvé des instruments de contrôle social de répression alternatifs. Ce qu’il faut, c’est détruire le concept même de prison qui suppose une autre société et d’autres rapports entre individus que l’actuelle société autoritaire et de classe bâtie sur l’argent-roi ». En effet, de nos jours, « le silence des pantoufles est le plus sûr garant du maintien de l’ordre que le bruit des bottes ».
C’est dans la tête qu’il faut d’abord détruire l’idée de la prison. Il faut croire en l’homme : « J’ai la faiblesse de croire, nous dit Gabriel Mouesca qui se définit comme prisonnier politique basque et est en détention depuis plus de treize ans, que nous avons les moyens de ne pas punir. L’être humain a la capacité de s’organiser et de vivre de façon telle que tout comportement portant atteinte aux intérêts d’autrui peut être proscrit. »
Jean-Jacques GANDINI