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4 Conclusion

Mise en ligne : 26 novembre 2006

Texte de l'article :

Conclusion

Plutôt que de se poser la question : "Qui fait mieux, de la gestion directe ou de la gestion déléguée en matière de santé ?", il convient de se poser une question plus générale qui pourrait être ainsi formulée : "Les détenus dans les prisons françaises sont-ils bien soignés ?". L’esprit de la loi de Janvier 94 qui veut protéger la santé des détenus et donner aux détenus malades un nombre de chances de guérison égal à celui de la population en général est-il respecté ?
Sans qu’on puisse être catégorique après une étude aussi sommaire, celle-ci pourrait être :"Si on veut bien mettre à part le cas de la santé mentale (qui certes, est loin d’être négligeable), la réponse est OUI ".
Qu’il s’agisse des maisons d’arrêt, des centres pénitentiaires ou des centrales, le fait est que la concentration des moyens sanitaires mis à la disposition des demandeurs de soins est plus grande pour la population carcérale que pour la population à l’extérieur, surtout lorsqu’elle est en situation précaire.
Dans l’ensemble, les malades atteints d’affections somatiques sont décemment soignés.
Les maladies infectieuses et virales sont dépistées, diagnostiquées, évaluées et traitées. Il y a des lacunes, certes, mais dans l’ensemble, les malades atteints d’affections graves sont plus attentivement suivis pendant qu’ils sont emprisonnés que quand ils étaient à l’extérieur.
Le fait est que les personnes aujourd’hui détenues étaient, dans leur ensemble, assez peu soucieuses de leur santé lorsqu’elles étaient à l’extérieur. Peu ou mal informées, vivant souvent dans des conditions précaires ou tout au moins peu favorables à l’épanouissement de leur santé, elles n’avaient guère le souci de consulter, même lorsque leur couverture sociale leur en donnait la possibilité. Tout se passe comme si, pour beaucoup de détenus, le premier passage en prison était l’occasion de prendre enfin en charge leur propre santé, tenue jusqu’alors pour négligeable.
Les maladies en rapport avec le vieillissement de la population carcérale (maladies chroniques ou évolutives dont l’apparition en prison est plus récente) sont également bien suivies ; elles prendront dans l’avenir une importance de plus en plus grande si les décisions judiciaires continuent de se prendre dans la direction qu’elles ont prise depuis quelques années.
En revanche, beaucoup d’obstacles restent sur le chemin, beaucoup de difficultés restent à surmonter, beaucoup de problèmes à résoudre pour ce qui est de la santé mentale.
Les responsabilités devant cette gravissime situation sont assez largement partagées : médecins, législateurs, policiers, magistrats, experts, hospitaliers, universitaires, soignants, surveillants, personnels de direction, nul n’est exempt de reproche sur ce terrain. Une prise de conscience de tous les agents intéressés doit intervenir à court terme.
Les services de soins qu’ils soient privés ou publics, hospitaliers ou libéraux travaillent et progressent dans la même direction.
La prison, telle qu’elle a existé au cours de ce siècle doit-elle conserver les caractéristiques qu’on lui connaît encore aujourd’hui ? 
L’institution punitive, privative de liberté, qui isole de la société les délinquants et criminels pour protéger les biens et les personnes et cette vaste structure sociale de pédagogie, de soins et de réinsertion dont notre pays a besoin doivent-elles forcément vivre sous le même toit ?
Les grands débiles mentaux, les fumeurs de marie-jeanne, les étrangers en situation irrégulière, les tueurs en série, les escrocs de haut vol, les schizophrènes et les petits caïds de banlieue, relèvent-ils tous de ce traitement unique qu’est la prison ?
C’est, à l’évidence un projet global autour de la personne qu’il faut promouvoir, ce sont la personnalisation de la peine et la diversification des traitements qui sont au bout du chemin à parcourir.
Les responsables politiques, les élus qui votent les lois de la République, le pouvoir exécutif qui les propose et les met en application doivent fournir un effort de réflexion et aborder courageusement de nouvelles réformes.
Le moment paraît favorable car l’institution pénitentiaire a commencé une véritable mutation visible par tous.
En moins de dix ans, la santé, l’éducation, la formation professionnelle, ont fait une entrée parfois un peu fracassante mais irréversible dans les établissements.
Des freins activement serrés par quelques esprits corporatistes n’empêchent pas le train d’avancer et c’est heureux.
Les établissements à gestion partiellement déléguée sont à cet égard logés à la même enseigne que les établissements en gestion directe.
Malgré les réticences qu’a fait naître la décision de confier la santé des prisonniers à des praticiens liés à des entreprises privées, il faut bien convenir du fait que ceux-ci méritent de poursuivre la tâche qui leur a été dévolue.

Les sociétés gestionnaires, elles-mêmes, ne sont certes pas des organisations caritatives dont le but ultime serait de participer à une entreprise de réconciliation de l’homme avec son entourage. C’est bien de “faire des affaires” qu’il s’agit. Chacun en tombe d’accord, mais les "affaires" n’ont pas pénalisé la santé des détenus et le service rendu pendant 10 ans a cependant été de très appréciable qualité.
Plus récemment, l’hôpital public, solidement installé dans la compétence et le dévouement de ses médecins et dans l’excellence de ses équipements techniques a lui-même réussi une percée extrêmement bénéfique dans les prisons françaises et il assure le maintien et le progrès de la santé de 80% des détenus.
Mais le fait de n’être pas financièrement intéressé à la bonne marche d’un service n’est pas une garantie absolue de la bonne marche de celui-ci.
Les querelles entre administrations, chacune certaine de son bon droit, nous montre que le service public lui-même n’est pas exempt de graves dysfonctionnements. Les difficultés rencontrées à propos des hospitalisations de détenus en est une flamboyante illustration.
Aujourd’hui, il ne paraît pas certain que le retour de toutes les structures pénitentiaires sous un régime unique de gestion soit de nature à transformer la situation sanitaire de l’institution pénitentiaire.