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Mise en ligne : 28 décembre 2003

Texte de l'article :

D’après les différents résultats, nous pouvons conclure, au vu du nombre de personnes stressés et du nombre de personnes pratiquant du sport, que les activités physiques en prison sont très mal adaptées à la population ou bien alors, elles ne sont pas assez régulières.
En effet, les personnes sont toujours stressées puisque les résultats obtenus à l’indice général se regroupent sous une fourchette relativement basse (entre 30 et 57) et que la moyenne est en dessous du « normal » (42,54).
De plus, la pratique d’activités physiques, ne permet pas aux détenus de se sentir mieux car il y en a 28% qui disent avoir encore des problèmes de santé.
Il n’y a donc aucune influence de la pratique d’activités physiques sur la réduction du stress et sur la santé des détenus.

Mais, en parallèle à leur niveau général bas, on peut constater que 64,29% ont un niveau de calme normal voire bon et super. Si les APS n’ont pas d’effet sur les items, on peut se demander pourquoi ce calme. Grâce au questionnaire individuel, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il y aurait une relation entre « fumer du cannabis » et « être calme ». En effet, ils sont une grande majorité à fumer cette substance additive. Elle peut modifier la perception de leur stress et de leur santé. Ils arrivent souvent dans les murs sans en avoir jamais touché. Et à l’intérieur, pour échapper à la monotonie de l’espace et du temps, pour oublier les difficultés et leur environnement, ils fument. Certains nous ont dit « je fume pour oublier, pour pouvoir dormir et me détendre ».
Mais la consommation de cette substance (d’ailleurs interdite dans l’enceinte de la prison) prouve qu’il y a tout de même un certain malaise et mal-être. Toute prise de substance génère une dépendance à la fois physique et psychique. Cette dernière se définit comme une « pulsion psychique à absorber périodiquement ou continuellement une substance pour en retirer du plaisir ou éloigner une sensation de malaise et / ou de mal-être ». [1] Elle sert à pallier un manque, combler une béance et à lever momentanément les obstacles. Le cannabis, tout comme les autres drogues, rend les individus amorphes, sans envie, sans désir. Les activités, quelles soient culturelles, intellectuelles, sociales ou sportives, peuvent être un élément de substitution à cette drogue. « C’est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est dit, alors vous saurez que la drogue, dedans contenue, est bien d’autre valeur que ce que ne promettait la boite… » [2]

Ce n’est pas avec une séance d’1h30 de football ou musculation, trois fois par semaine qu’on arrivera à faire baisser le nombre de stressés ou leur consommation de cannabis. Il ne suffit pas de les mettre devant un ballon pour qu’ils puissent retrouver une certaine jouissance et une restructuration de leur schéma corporel.

Pour remédier à ce problème, il serait intéressant de mettre en place des vrais projets, des cycles d’éducation physique adaptée. Il faut leur proposer des activités qui leur permettent vraiment de penser à autre chose, de développer les différents items et leur inculquer une certaine culture sportive. En effet, dans ce milieu, les populations sont souvent issues de milieu défavorisé et qui n’ont pas de références sportives autre que le football.
Il faudrait permettre une réouverture sur l’individu, et arriver à faire passer les activités physiques comme éléments culturels.

 Il serait judicieux de parvenir à stimuler chez les détenus une certaine envie. Il faudrait les amener à les faire participer activement aux cours d’activités physiques, qu’ils deviennent créatifs, responsables, respectueux. Et surtout qu’ils puissent rompre avec la léthargie du milieu carcéral.

Pour cela, il faudrait peut être revoir notre façon d’appréhender les activités physiques et de les adapter à cette population. Et pourquoi ne pas profiter de cette ouverture sur l’extérieur et de l’aide d’intervenant pour faire passer des techniques et des valeurs sportives ? Il faudrait peut être mettre à contribution les détenus et écouter leurs désirs pour qu’ils puissent s’investir dans ce projet. En effet, lors des entretiens, quelques idées sont ressorties quand à leur désir d’activités.

Les sports de combat (lutte, boxe, art martial…) peuvent être une grande aide à la maîtrise de soi, au respect de l’autre, à la discipline. Ce groupe de sport développerait chez les détenus, la confiance, la compétence, la stabilité. En effet, l’apprentissage des techniques corporelles de ces sports passe par un apprentissage de son propre schéma corporel et de sa personnalité. Par contre, un double phénomène risque de se produire, une montée de violence envers eux même et envers les autres.
Des séances de relaxation seraient aussi très intéressantes. Elles permettraient aux détenus un instant de réflexions, de détente… se sentir en harmonie avec son corps et son esprit. Sentir un bien-être intérieur. La relaxation aide à la décharge des tensions physiques et morales et détend tous les muscles du corps. La difficulté de la mise en œuvre d’une telle activité est la vision qu’ont les détenus sur la relaxation. Il risque de boycotter ce genre d’activité.
Les sports collectifs sont très utiles dans la prise de confiance et le rétablissement des liens sociaux et humains entre les individus. Mais il ne faut pas se cantonner au football. Il faut pouvoir mettre en place tous les sports collectifs puisque chacun a ses propres techniques et ses propres vertus. De plus, ils permettent de cumuler développement physique (force, détente, vitesse) et développement psychologique (appartenance à une équipe, esprit de groupe…).
Une activité physique et artistique, comme « les activités de cirque » trouverait aussi une place dans l’éducation physique. Le jonglage avec des balles, les acrobaties au sol (roulades, roues, ...), les acrobaties collectives (portés, pyramides,...), les exercices d’équilibre ou bien les jeux de rôles, autant d’activités créatives et originales, changeant du quotidien des sports classiques. Ces activités souvent ignorées, sont des bons éléments pour se reconstruire psychologiquement car, dans ce genre d’activité, il faut être patient et connaître parfaitement ses limites. Elles apportent une certaine maîtrise de soi, tout en prenant un certain plaisir.
Et enfin, des activités sortant hors du commun, tels que les APPN qui développent la confiance en soi et dans les autres, la maîtrise de soi, la connaissance du corps. Ou bien le tennis ballon ou encore une activité telle que le pilou. Ces activités ont pour objet de développer une certaine habileté.

Toutes les activités proposées ci-dessus, peuvent permettre de développer le corps et l’esprit du détenu mais cette liste n’exclut pas les autres activités, dites classiques.
Toute fois, pour permettre une réinsertion par le sport, on pourrait penser à mettre à contribution les détenus dans l’élaboration d’une rencontre sportive avec une équipe de l’extérieur.
Ce projet aurait pour objet de faire collaborer les différents acteurs de l’institution carcérale, permettre une relation avec le monde extérieur et leur montrer les difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Des activités physiques bien adaptées peuvent réellement permettre une réduction du stress et de l’anxiété. Et de retrouver un corps sain dans un esprit sain même dans un lieu aussi anxiogène et controversé qu’est la prison. Les détenus ont droit à toutes les activités qui ne vont pas à l’encontre de la privation de liberté de l’individu. Nous oublions trop facilement, que les individus derrière ces grands murs et fils barbelés sont aussi et surtout des êtres humains. Et que le contrôle des corps ne passe pas forcément par l’absence de la pratique des activités physiques.
 
 Un nouveau questionnaire permettant de mieux refléter le niveau de stress et d’anxiété des jeunes en difficulté (et ainsi peut être éviter l’incarcération) et des jeunes en prison (et ainsi éviter le suicide) sera bientôt proposé.

 Malgré toutes les lois, les activités physiques en prison ne sont pas les priorités du ministère de la justice. Alors pourquoi parler de réinsertion par le sport, si rien n’est proposé ? Suivons nous le modèle américain ? Allons nous « américaniser » nos pratiques et nous aligner sur les codes pénaux européens ? Ne risquons nous pas de mettre en place un système « tolérance zéro » et d’exporter dans les institutions carcérales la pauvreté de l’extérieur ? Le gouvernement va-t-il s’intéresser un peu plus à ce qu’il se passe à l’intérieur de ces murs et proposer de véritable projet de réinsertion pour ces individus « dénudés » ? Qui envoyer en prison et quelle forme d’incarcération ? Autant de question qui nous ferons avancer sur les conditions de vie des détenus.

Il nous faut changer les prisons, il nous faut changer « la prison ».

Notes:

[1] Définition de l’OMS

[2] François RABELAIS Gargantua