A.D ou l’esthétique de la cicatrice
mardi 30 novembre 2004, par Franca Maï
Régis Schleicher dans sa 21 ème année de détention - en suspension de peine- libérable depuis 6 ans, croupit toujours en prison.
Nathalie Ménigon, Georges Cipriani, Jean-Marc Rouillan auront fini leur peine de sûreté au printemps 2005. Ils pourraient d’ores et déjà, bénéficier de la loi Kouchner pour raisons médicales mais ils s’asphyxient lentement et sûrement dans les cercueils de l’univers carcéral.
Joelle Aubron, libérée le 14 juin 2004, après dix-sept ans de détention, gangrenée par une tumeur au cerveau- est encagée dans son département de l’Yonne. Elle ne peut s’en évader.. Habituellement la suspension de peine ne fait l’objet d’aucune restriction. C’est donc une mesure coercitive injustifiée. La machine à broyer l’humain fonctionne même hors les barreaux.
Pendant ce temps-là, pour ne citer que lui, Maurice Papon - l’oeil pétillant et cynique- court comme un lapin dans une prairie intemporelle.
Les représentants de l’ordre moral, religieux, judiciaire, militaire et policier en ont décidé ainsi. Les seules questions qui les tarabustent sont :
Les membres d’Action Directe vont-ils baisser les yeux et se repentir à leurs derniers râles ?
Vont-ils trahir leurs idées ?
Six pas jusqu’à la porte.
Six pas jusqu’à la fenêtre.
Voilà le quotidien de ces hommes et de ces femmes.
Six pas jusqu’à la tombe ?
Est-ce le seul voyage que leur concède l’Etat vengeur ?
Je suis étonnée d’entendre si peu s’élever les voix de nos intellectuels et humanistes Français. Les petits fours dans les salons mondains doivent gêner leurs larynx et atrophier le son de leurs borborygmes gênés.
Les membres d’Action Directe ont payé et paient encore chèrement le prix de leurs idées. L’esthétique de la cicatrice est visible surtout chez les trépassés.
Les laissera-t-on une dernière fois humer l’air libre et se baigner nus dans une rivière accueillante parmi les tumulus et les herbes folles, sans menottes aux mains ?
Cette prise de conscience est à la portée de tout être qui réfléchit.
Il suffit de six pas pour apposer une signature.
Il suffit de six pas pour que les portes s’ouvrent.