Nous sommes sept militants indépendantistes bretons toujours détenus dans les prisons de l’état français en région parisienne pour la qualification d’association de malfaiteurs en relation avec une organisation terroriste. Chacun de nous, sous des motifs différents, est mis en examen. Comme le droit nous le permet, nous formulons régulièrement des demandes de mises en liberté en argumentant le droit à la présomption d’innocence (loi du 14 /06/00).
Ces incarcérations devenues abusives et arbitraires sont contraires aux recommandations de la Convention Européenne des Droits de l’Homme que l’état français a pourtant ratifiées, ainsi que le Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques de l’ONU. Les Gardes des Sceaux successifs sont parfaitement informés de ces dispositions. Seulement, pour les appliquer, il faut le courage d’affronter le corporatisme des fonctionnaires de justice chargés de garantir les libertés individuelles, qui a priori, n’ont aucune compétence pour assurer à chacun les recommandations européennes et internationales. La notion de délai raisonnable n’est que l’apanage du droit français et laissé à l’appréciation des juges, qui seuls, peuvent décider en leur âme et conscience au nom d’une justice dite libre et sans contrainte de l’état. Les notifications de rejet prouvent bien les anachronismes et les inepties que les magistrats mentionnent dans leurs arrêts.
En ce qui me concerne, j’ai pu lire que " Alain Solé a été interpellé en situation irrégulière sur le territoire français ". Ce qui n’est pas le cas, bien sûr . Peut-être est-ce un lapsus informaticus ? Ou bien pour nous rappeler que la Bretagne est un pays vaincu et conquis par la France. Plus récemment, un arrêt me qualifiait de " trafiquant de stupéfiants (acquisition, transport, détention, offre et cession) portant notamment sur de l’héroïne ", qualification extrêmement grave que le conseiller rapporteur avait évoquée lors de la lecture des faits en audience publique. Sur un autre arrêt, je lis " que compte tenu de mon attitude qui laisse présumer mon enracinement dans cette organisation ". Je ne sais toujours pas laquelle. Une ordonnance du juge des libertés et de la détention stipulait " qu’il convenait de se prémunir contre tout risque de concertation entre ce membre de l’Armée révolutionnaire bretonne et ses camarades de combat " ou alors " décrit comme prompt à se présenter comme étant un activiste particulièrement actif de l’Armée Révolutionnaire Bretonne ".
Jusqu’à ce jour, la population bretonne et française, voire internationale, ignorait qu’un conflit armé se déroulait en Bretagne. C’est chose faite avec ces informations issues de l’imagination d’un magistrat en charge d’apprécier la forme et décider de remettre ou non un homme incarcéré depuis trois longues années sans élément matériel ou identifié comme tel, cela après une longue et minutieuse enquête, d’expertises en tous genres, etc. Rien ! Si l’on s’en tient à des déclarations délatrices extorquées par la police politique (DNAT) sur des " témoins " gardés à vue dans des conditions exécrables, dénoncées et condamnées par le CPT (Comité Européen pour la Prévention de la Torture et des Traitements inhumains ou dégradants), ou d’aveux de co-mis en examen qui, depuis, se sont rétractés alors même que leurs déclarations sont contradictoires, il n’existe pas d’éléments suffisants pour me maintenir en détention si ce n’est le fait de n’avoir pas produit devant le magistrat instructeur, des éléments que je devais être censé connaître. J’ai toujours nié toute participation aux faits qui me sont présumés reprochés. Sans doute pensait-il que l’incarcération m’aurait fait changer d’avis. Je ne suis pas aussi imaginatif, aussi créatif dans la littérature politico-judiciaire que ceux qui relatent un scénario romanesque.
Nous sommes des prisonniers politiques, n’en déplaise à ceux qui porteraient un avis contraire, et à ce titre, ces aberrations d’une justice d’exception n’ont fait que renforcer ma détermination à lutter contre la politique d’assimilation et d’intégration de la Bretagne dans l’Etat français.
Bevet Breizh dizalc’h ha diveliour !
Alain Solé,
Prizoniad Politikel Breizhat
Nanterre, d’an 26 a viz Eost 02
1057vet deiz a doullbac’h er Stad C’hall