Appel d’Askatasuna à la communauté internationale
Publié le 11 mars 2006 @ 10:43 - Infos
Face aux graves évènements de la semaine dernière dont le résultat tragique a été, entre autres, la mort en prison de deux militants indépendantistes basques, l’organisation antirépressive et de soutien aux prisonnie(re)s et aux réfugié(e)s politiques basques ASKATASUNA veut lancer l’appel suivant à la communauté internationale.
Deux prisonniers politiques basques morts. Crimes d’État.
Le lundi 27 février, le corps sans vie du prisonnier politique basque Igor Angulo a été retrouvé dans sa cellule de la prison de Cuenca. La version de la direction de la prison est qu’Igor s’est suicidé en se pendant avec un lacet de cuir. Igor avait 32 ans, il avait été condamné pour sa militance dans l’organisation ETA, il était en prison depuis 10 ans, père d’un enfant de sept ans et en désirait un second. Personne, parmi sa famille et ses amis, n’avait perçu le moindre signe pouvant faire penser à la possibilité d’un suicide. D’autre part, le corps a été retrouvé sur le lit, la cellule n’avait pas été placée sous scellée, Igor n’avait pas l’autorisation d’avoir des lacets de cuir, aucune photo n’a été prise, autant d’indices qui nous poussent à remettre sérieusement en question la version de la direction de la prison. Askatasuna dit que nous n’avons pas les preuves suffisantes pour ratifier cette version (parce qu’ils ne nous les ont pas données). Et de toute façon, quelle que soit la vérité, Igor est mort en conséquence de la politique pénitentiaire criminelle menée par les États, en toute impunité.
Un peu plus tard, le vendredi 3 mars, le corps sans vie de Roberto Saiz a été retrouvé à la prison d’Aranjuez où il se trouvait en détention préventive depuis septembre 2003, pour sa collaboration présumée avec l’organisation ETA. Dans ce cas, la cause du décès a été un infarctus. Robert avait déjà signalé avoir des douleurs dans la poitrine, montrant aux autorités de la prison son inquiétude sur son état de santé. Le manque d’assistance sanitaire dans ce cas met en lumière le peu de cas que l’on fait de la santé des prisonniers en général. Bien trop de compagnons sont morts en prison ou après leur libération à cause du manque d’assistance sanitaire. Nous y voyons la même main criminelle et assassine que dans les autres cas.
Politique pénitentiaire criminelle.
La politique pénitentiaire espagnole et française est criminelle. Elle cherche à détruire les hommes et les femmes du Collectif des Prisonniers Politiques Basques ainsi que leurs proches. C’est pourquoi les prisonniers sont dispersés et éloignés du Pays Basque, isolés au sein de la prison, privés d’assistance sanitaire, privés du droit d’étudier dans leur langue et dans leur université, sans cesse empêchés (mais en vain) de participer au processus politique de leur pays. En définitive, ce sont leurs droits, que la peine privative de liberté ne peut en aucun cas supprimer, qui sont violés.
De plus, le 20 février 2006, le Tribunal Suprême de l’État espagnol a rendu publique sa sentence n°197/2006, qui revenait sur la jurisprudence en vigueur en Espagne depuis 30 ans dans l’interprétation du Code Pénal de 1973. Corrigeant rétroactivement et au détriment des prisonniers une norme datant du régime franquiste. Sur la base de ce changement qui va être appliqué de façon rétroactive et en désaccord avec la Constitution Espagnole elle-même, les prisonniers politiques basques condamnés sous le Code Pénal de 1973 devront purger trente années entières s’ils ont été condamnés plus de trois fois pour délits graves. L’Audience Nationale espagnole n’a pas tardé à mettre en vigueur ce changement de la jurisprudence, ce qui a eu pour première conséquence de priver de liberté deux prisonniers dont la libération était imminente. Ce changement peut rallonger de dizaines d’années les condamnations d’environ 180 prisonnier(e)s politiques basques, transformant de fait leur peine en perpétuité.
Réponse et répression.
Pendant toute la semaine, des dizaines et des dizaines d’actes ont été organisés en hommage aux compagnons prisonniers morts, actes qui ont tous été interdits par le ministère de l’Intérieur du gouvernement autonomique basque (gouvernement qui ne couvre que trois provinces sur les sept que compte Euskal Herria). La police autonomique basque, la Ertzaintza, a employé une force brutale contre les milliers de manifestants, laissant de très nombreux blessés par tirs de balles en caoutchouc ou coups de matraque ainsi que de nouvelles procédures contre des citoyens basques à l’Audience Nationale espagnole.
Interdire des actes destinés à rendre hommage à des personnes tuées par le terrorisme d’État est extrêmement grave. Ils sont même allés jusqu’à réprimer très durement la manifestation de Gasteiz (Vitoria) organisée en souvenir de cinq ouvriers assassinés par la Police espagnole en mars 1976. Les travailleurs, qui protestaient ainsi trente ans après et qui revendiquaient la justice pour ces évènements -pour lesquels jamais personne n’a été jugé-, portaient également les photos des deux prisonniers morts dans la semaine, ce qui a servi de prétexte à la Police basque pour les charger brutalement.
ASKATASUNA,
face aux graves évènements de la semaine dernière, et par le biais de ce communiqué, veut dénoncer devant la communauté internationale ces morts et la violation de droits civils et politiques que représente le fait d’interdire l’hommage aux personnes décédées.
D’autre part, nous voulons lancer un appel à la communauté internationale pour que, dans la mesure de leurs moyens, les différents acteurs destinataires de cette note réalisent les démarches, pressions, campagnes, etc nécessaires pour informer et protester quant à la politique pénitentiaire menée par les États français et espagnol contre le Collectif des Prisonniers Politiques Basques et leurs proches.
Pour finir, nous voulons faire savoir qu’ASKATASUNA se joint à la grève générale convoquée pour le 9 mars prochain dans toute Euskal Herria, pour la dignité et le respect du peuple basque.
Secteur International d’ASKATASUNA ASKATASUNA 14 Bourgneuf Karrika 64100 Baiona/ 14 Rue Bourgneuf 64100 Bayonne Tel / Fax : 00 33 5 59 59 01 84 askatasuna.eh@free
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