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Contestation de la légalité de notre justice

Appel de l’Ordonnance N° 251695 du 15.11.2002 de Claude Karsenti

Mise en ligne : 17 décembre 2002

Texte de l'article :

Lettre recommandée avec AR n° RA 0635 3861 8FR Le 26.11.2002

Objet : Appel de l’Ordonnance N° 251695 du 15.11.2002 rendu par le Juge des Référés M. D. LABETOULLE

1 – Rappel des faits :

Le 12.11.2002, par LRAR, j’ai saisi le Conseil d’Etat par voie de référé-liberté qui a réceptionné ma requête le 14 novembre 2002.
Dans cette requête, je demandais au juge des référés de :
- constater que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 N° 2000-516, les juges d’instruction sont devenus de « simples agents publics de l’administration »
- déclarer par ce fait leur inexistence en tant que magistrats judiciaires
Par l’ordonnance N° 251695, rendue le 15.11. 2002, Monsieur le juge des référés D. LABETOULLE a rejeté ma demande.
Selon les dispositions du code de justice administrative en vigueur, Monsieur KARSENTI CLAUDE a l’honneur de faire appel de cette décision.

2 – In limine litis :
Sur l’argumentation de Monsieur le juge des référés visant à rejeter la requête susvisée.

1) Sur le fond même du rejet de cette requête ; je ne m’étonne pas des arguments développés par Monsieur le juge des référés qui visiblement et consciemment, sur le sujet, ne veut pas d’une interprétation stricte de la loi qui mettrait en difficulté toute l’institution judiciaire.
En effet, pour justifier et motiver le rejet de ma requête qu’il indique mal fondée , Monsieur D. LABETOULLE écrit :
« Considérant que si l’article 47 de la loi N°2000-516 du 15 juin 2000 a abrogé les dispositions qui, avant cette loi, figuraient au 1er alinéa de l’article 611-1 du code de l’organisation judiciaire, et selon lesquelles : « Il y a dans chaque tribunal de grande instance un ou plusieurs juges d’instruction », cette abrogation n’a manifestement eu ni pour objet ni pour effet de priver de fondement légal l’institution du juge d’instruction, dès lors notamment qu’aux termes des dispositions en vigueur à la date de la présente décision, de l’article L.611-1, dans leur rédaction issue de la loi précitée du 15 juin 2000 : « les juges d’instruction exercent leur activité au siège du tribunal de grande instance auquel ils appartiennent. Toutefois, un décret en conseil d’Etat peut les autoriser à exercer leur activité dans une commune du ressort de leur tribunal autre que celle du siège de la juridiction. Les règles concernant les conditions de nomination et les attributions du juge d’instruction sont fixées par les articles 49 à 51 et 79 et suivants du code de procédure pénale ».

Tout d’abord, je prend acte que Monsieur le juge des référés D. LABETOULLE, ne conteste pas le fait que l’article 47 de la loi du 15 juin 2000 a bien abrogé les dispositions de l’alinéa premier de l’article 611-1 du code de l’organisation judiciaire et ainsi stipulé « il y a dans chaque tribunal de grande instance un ou plusieurs juges d’instruction ».

Cependant, je suis surpris de l’interprétation qui est faite de ce texte par M. le juge des référés car il est aisé de comprendre, y compris pour un citoyen ne possédant aucune connaissance juridique, le sens de cet article qui ne supporte aucune interprétation autre que celle indiquée après sauf à considérer que la langue française ne possède aucune règle sémantique ou à couvrir des desseins non avouables :
« les dispositions du premier alinéa de l’article 611-1 du code de l’organisation judiciaire définissaient l’existence même des juges d’instruction et par conséquent leur légitimité républicaine »
En considération de cette logique interprétative erronée, Monsieur D. LABETOULLE soutient ensuite que l’abrogation de cet article n’a pas eu ni pour objet ni pour effet de priver de fondement légal l’institution du juge d’instruction.

A l’appui de son argumentation, il invoque notamment « l’article 611-1 dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 »

Je remarque que l’article 611-1 n’a pas fait l’objet d’une rédaction spécifique aux termes de la loi du 15 juin 2000 quant à son sens. En d’autres termes, l’abrogation de l’alinéa premier de cet article par la loi et transformant par là-même l’ancien second alinéa en alinéa premier n’a pas été modifié ni réintégré les dispositions concernant l’existence même du juge d’instruction.

Pour conforter sa démonstration, et prenant appui sur le nouveau premier alinéa de l’article 611-1 du Code de l’Organisation Judiciaire, Monsieur D. LABETOULLE verse au débat le texte suivant issu de l’article 91-III de la Loi no 98-546 du 2 juillet 1998 publiée au Journal Officiel du 3 juillet 1998 qui édicte :
« Il est inséré, après le premier alinéa de l’article L 611-1 du code de l’organisation judiciaire, un alinéa ainsi rédigé : « Les juges d’instruction exercent leur activité au siège du tribunal de grande instance auquel ils appartiennent. Toutefois, un décret en Conseil d’État peut les autoriser à exercer leur activité dans une commune du ressort de leur tribunal autre que celle du siège de la juridiction. »

A la lecture de cet argument, il appert que Monsieur D. LABETOULLE n’a pas bien lu et/ou compris le sens du texte de cet alinéa qui ne fait que préciser la modalité d’exercice des juges d’instruction, mais n’institue nullement la juridiction d’instruction.

L’exercice de l’activité d’un juge d’instruction ne peut se comprendre que si cette juridiction lui préexiste !

Ce qui n’est absolument pas le cas en l’espèce puisque les dispositions de l’ancien premier alinéa de l’article 611-1 du code de l’organisation judiciaire et définissant sans contestation possible l’existence même des juges d’instruction ont été abrogées par l’article 47 de la loi 2000-516 du 15 juin 2000.

Contester cette évidence tient plus de l’exercice de style que de l’analyse rigoureuse de la langue française.

Enfin, Monsieur D. LABETOULLE ajoute pour terminer : « Les règles concernant les conditions de nomination et les attributions du juge d’instruction sont fixées par les articles 49 à 51 et 79 et suivants du code de procédure pénale ».

Il n’est pas sérieux juridiquement, pour contester mes arguments comme ceux des autres à ce sujet , de se rabattre sur les règles concernant les conditions de nomination et les attributions du juge d’instruction en invoquant des articles du code de procédure pénale, dans la mesure où le code de procédure pénale ne fait que prévoir la procédure au sens étymologique du terme, qui procède en premier lieu de la loi dont la procédure découle et non l’inverse.

Attendu que dans ces conditions le ministère de la justice, administration publique, commet une grave violation de la loi en maintenant les fonctions des juges d’instruction dont l’existence à été supprimée ; aucun texte en droit interne institue la juridiction d’instruction sauf à une interprétation fallacieuse de ce qui est dit ci-avant et ci-après en vue de faire échec à l’exécution de la loi par nécessaire solidarité entre les personnes détentrices de l’autorité publique.

Attendu aussi que l’article 2 du code civil indique : « La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif »

Dans ces conditions de rejet de ma requête, il apparaît, clairement, que le juge des référés :
· N’a pas écarté du débat toutes dispositions législatives et jurisprudences nationales incompatibles, contradictoires avec les dispositions et prérogatives supra législatives et/ou supra constitutionnelles,

· N’a pas jugé, en tenant compte des prérogatives contenues dans les dispositions liminaires du nouveau code de procédure civile ainsi que de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales que la Cour de Cassation demande à toutes les juridictions d’appliquer pour que le droit soit respecté,

· N’a pas tenu compte de l’article 432.1 du Code Pénal qui vise en ses dispositions que :

 « le fait par des personnes dépositaires de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi, constitue l’une des atteintes à l’Etat »
· N’a pas tenu compte de ma recommandation en matière de respect du code de conduite pour les responsables de l’application des lois adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 17.12.1979 (résolution 34/169) car dans le cas contraire la France commettrait une faute lourde article L781-1 du code de l’organisation judiciaire.

· A fallacieusement interprété mes motivations de manière grossière et en invoquant l’article 522-3 du code de justice administrative le juge m’oblige normalement au pourvoi en cassation. (ce fait est complètement contraire au droit français lui-même qui stipule que la notion de double degré de juridiction est un droit pour tout citoyen – or la cassation ne rejuge pas une affaire, elle ne fait que statuer sur la forme d’une requête et non sur le fond) ou transformera mon appel en recours en révision correspondant à un déni de justice.

De fait, à la lecture des textes du CJA, il est clairement indiqué ceci au sujet du recours en révision : (articles R834-1 à 834-4 du CJA)
Il est ouvert exhaustivement aux trois cas suivants :
-décision rendue sur pièce fausse
-rétention d’une pièce décisive par l’adversaire
-vices importants entachant la procédure (composition irrégulière de la formation de jugement – défaut de notification de la date d’audience)
Ce recours est enfermé dans un délai de 2 mois et doit être présenté par ministère d’avocat, et aboutit s’il est jugé admissible, au remplacement de la première décision par une seconde s’y substituant.

Le Conseil d’Etat est particulièrement strict quant aux conditions de recevabilité. Les recours en révision sont rares.

Il s’agit d’une voie en rétractation comme l’opposition – la tierce opposition – le recours en rectification d’erreur matérielle et non d’une voie de réformation comme l’appel ou le pourvoi en cassation.
Manifestement ce recours ne correspondrait à aucune des motivations exigées.

Il ne s’agit pas du rendu d’une pièce fausse ni des autres éléments sus-indiqués.
· Qu’il sait que article 505 du NCPC portant sur la prise à partie des juges de l’ordre judiciaire a été abrogé par la loi 72-626 du 6 juillet 1972, qu’on ne peut plus poursuivre un juge judiciaire personnellement sur ce plan, qu’il faut invoquer l’article 781 portant sur la responsabilité de l’Etat. Qu’il sait que les juges se réfugient toujours derrière les textes qu’ils interprètent en fonction de l’implication de l’Etat et sans que leur responsabilité personnelle pourrait être mise en cause mais…
 Toutefois, le NCPC ne s’applique pas aux juges administratifs !
 Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :
- s’il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde professionnelle qu’on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l’instruction, soit lors des jugements.

Invoquer le fait que le juge pourra être personnellement poursuivi en cas de refus de statuer, de déformation de ses motivations, de faute lourde professionnelle relève de l’utopie.
Il est évident que j’ai conscience que la partie n’est pas gagnée d’avance, il faudra du temps.

On remarque que la France se fait condamner régulièrement et de plus en plus par la Cour Européenne.

Cependant la France utilise systématiquement tous moyens pour retarder l’application des directives européennes. Les condamnations par la CEDH à payer de très fortes astreintes (voir cas de l’affaire de l’Urssaf et des caisses maladie) ne semblent pas l’inquiéter outre mesure jusqu’à ce que la presse s’accapare du dossier. Il faut dire que ces amendes sont payées par le contribuable !

3 - Par ces motifs :

En application des dispositions du code de justice administrative et notamment du livre cinquième définissant les attributions du juge des référés et du juge du Conseil d’Etat statuant en matière d’Appel ;

En considération des dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en matière de libertés fondamentales ;

En considération des dispositions de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ;

En considération des dispositions de la Constitution française du 4 octobre 1958 ;

Il est demandé à Monsieur le juge d’Appel des référés du Conseil d’Etat, de reconnaître le bien-fondé de ma procédure d’appel que je viens de développer concernant la requête susvisée d’autant plus que la loi qui s’applique au juge d’instruction tiré du code de l’organisation ,d’où est tiré l’article 611-1 sur les juges d’instruction, s’applique aussi à d’autres juges comme, par exemple, ceux concernant le juge de l’expropriation :
 Article R432-1
 Les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de la juridiction de l’expropriation sont fixées par les articles R. 13-1 à R. 13-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ainsi qu’il suit :
 Art. R. 13-1
 La juridiction de l’expropriation mentionnée à l’article L. 13-1 a son siège auprès du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, sauf décision contraire prise par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
 Le nombre des juges de l’expropriation d’un même département est fixé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
 Art. R. 13-2
 Les juges de l’expropriation et les magistrats habilités à les suppléer en cas d’empêchement sont désignés par ordonnance du premier président pour une durée de trois années renouvelable.
 Il peut être mis fin à leurs fonctions dans les mêmes formes.
 Les juges de l’expropriation et leurs suppléants sont désignés parmi les magistrats du tribunal de grande instance près lequel siège la juridiction mentionnée à l’article L. 13-1. Ils doivent avoir accompli deux années de services judiciaires effectifs.

On remarque que le juge de l’expropriation est parfaitement institué et que l’existence de ce juge est bien différenciée de celle de son exercice.
Dans le même code, le juge de l’exécution est également parfaitement institué.

Le juge d’instruction, pas du tout.
On sait qu’au final, l’Assemblée Nationale passera outre l’avis du Sénat et supprimera l’alinéa 1 de l’article 611-1.

 Il est donc demandé à Monsieur le juge d’Appel des référés du Conseil d’Etat de :
- constater que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 N°2000-516, les juges d’instruction sont devenus de « simples agents publics de l’administration »
- déclarer par ce fait leur inexistence en tant que magistrats judiciaires tout en se rapportant à l’examen de cet article au SENAT en sa séance du 30.03.2002 lors de laquelle on notera la remarque du rapporteur au Sénat M. JOLIBOIS qui reconnaît explicitement que la suppression du premier alinéa de l’article 611.1 du COJ constituerait une disposition inapplicable en supprimant le juge d’instruction !!!

Fait à Antony le 26.11.2002 pour faire valoir et servir ce que de droit.

de Claude KARSENTI
3, allée de la Puisaye 
92160 Antony 

à Monsieur le Greffier en Chef
Monsieur le Président
Section Contentieux
 Conseil d’Etat
 Palais Royal
 75100-Paris 01SP