Après deux suicides de détenus survenus au cours de ces derniers mois à la maison d’arrêt de Nanterre, le groupe local de l’Observatoire international (OIP) des prisons tire la sonnette d’alarme. Dénonçant, notamment, l’absence de soins nocturnes en milieu carcéral. Après la mort par pendaison en novembre 2001, d’un homme condamné à un mois de prison pour vol, un second détenu, M., s’est à son tour donné la mort dans la nuit du 17 au 18 septembre dernier, en absorbant - manifestement - une dose importante de médicaments. M., qui était en détention provisoire pour une affaire criminelle, avait déjà tenté de mettre fin à ses jours quelques mois auparavant et n’avait du son salut qu’à l’intervention extrêmement rapide du personnel de la maison d’arrêt. Mais, le soir du 17 septembre, M., qui semble profondément endormi, ne réagit pas lorsque son codétenu tente de le réveiller pour regarder le film qui vient de commencer à la télévision. « Pas de permanences de soins la nuit » Inquiet, ce dernier alerte le surveillant de garde et un gradé qui constatent simplement le fait que M.
semble assoupi. « Son état apparent, confie-t-on à la maison d’arrêt, n’était pas de nature à inspirer d’inquiétude. » D’autant que l’intéressé, qui souffre d’un abcès, suit un traitement médical susceptible d’expliquer sa somnolence. Mais, le lendemain matin, M. est découvert mort par son voisin de cellule. L’autopsie pratiquée a rapidement permis de conclure au suicide du détenu par surdose médicamenteuse. « A-t-il stocké les produits qui lui étaient fournis par le médecin, en prévision de son suicide ? A-t-il réussi à faire parvenir des médicaments de l’extérieur ? Nous ne le saurons jamais, affirme un représentant de l’OIP, mais une chose est certaine, l’absence de permanences de soins, la nuit, pose un réel problème en prison. Une carence attestée par les inspections des services judiciaires et des affaires sanitaires, dans un bilan rendu public en avril dernier puisque on y constate que c’est bien au personnel de surveillance de déterminer le degré d’urgence de la situation d’un malade, alors même qu’il est dépourvu de toute compétence médicale. « Le gouvernement, poursuit l’OIP, a d’ailleurs appelé les chefs d’établissements pénitentiaires à une particulière vigilance, afin de repérer les détenus en état de détresse. Il leur est également demandé d’être plus attentifs la nuit ». Une vigilance de tous les instants vers laquelle affirme tendre l’encadrement de la maison d’arrêt de Nanterre : « Sur une vingtaine de tentatives de suicide, chaque année, nous parvenons à réagir très vite dans l’immense majorité des cas, parfois avec l’intervention du Samu. Dans d’autres cas, qui restent marginaux, c’est malheureusement impossible... », explique un membre du personnel. Selon l’OIP, pourtant, l’absence de permanence médicale de nuit constitue un facteur objectif de non-assistance en personne en danger.
Cécile Beaulieu
Le Parisien , samedi 12 octobre 2002