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C21 La correspondance

Publication originale : 1er mai 2002

Dernière modification : 27 octobre 2009

Le droit de correspondre est un droit fondamental reconnu aux détenus. Même en cellule de discipline, le détenu peut écrire et recevoir des lettres, alors qu’il n’a plus droit aux parloirs. Cependant, la confidentialité de la correspondance est largement ignorée par les textes : les courriers échangés avec les proches peuvent être ouverts et lus par le personnel pénitentiaire par mesure de sécurité. Seuls les échanges épistolaires avec l’avocat, l’aumônier et certains autorités administratives et judiciaires bénéficient du secret de la correspondance.

Texte de l'article :

327 Les détenus ont-ils le droit d’envoyer et recevoir du courrier ?
Tous les détenus peuvent envoyer et recevoir des courriers, sans limitation tenant aux personnes, à la longueur ou à la fréquence des lettres. Pour les prévenus, le magistrat chargé de l’instruction peut cependant imposer des limites à la correspondance avec une personne particulière (par exemple, si elle est liée à l’affaire ou pour protéger un mineur). Le placement en cellule disciplinaire ne peut pas faire obstacle au droit de correspondre. La privation de correspondance ne peut pas non plus être prononcée par le chef d’établissement à titre de sanction disciplinaire, même dans le cas d’une faute du détenu en rapport avec la correspondance. Le prononcé d’une telle sanction serait annulé par le directeur régional des services pénitentiaires si le détenu forme un recours.
Articles D.65 et D.417 du Code de procédure pénale

328 La correspondance peut-elle être interdite ?
Pour les prévenus, la correspondance peut être interdite par le magistrat instructeur pour une période de dix jours, renouvelable une seule fois, dans le cadre d’une interdiction de communiquer liée aux nécessités de l’enquête. Cette interdiction ne s’applique pas à l’avocat du détenu, qui peut continuer à correspondre librement avec son client en toute situation. Quant au détenu condamné, il ne peut pas se voir interdire de correspondre avec son conjoint ou sa famille. Toutefois, le chef d’établissement peut interdire sa correspondance occasionnelle ou périodique avec des personnes lorsqu’elle paraît « compromettre gravement sa réinsertion ou la sécurité et le bon ordre de l’établissement ». Articles 145-4, D.65 et D.414 du Code de procédure pénale

329 Dans quel cas le courrier peut-il être lu et contrôlé ?
L’administration pénitentiaire peut contrôler et lire toute la correspondance reçue ou envoyée par l’ensemble des détenus, sauf certaines exceptions de confidentialité. A ce contrôle, s’ajoute pour les prévenus celui du magistrat chargé de l’instruction, auquel sont adressés tous les courriers reçus et envoyés par le détenu ce qui explique souvent le ralentissement de l’acheminement du courrier). Il peut s’agir du juge d’instruction (si une information est en cours), du juge des enfants (information en cours pour les mineurs), du procureur de la République (en l’absence d’information ou lorsque l’affaire est renvoyée devant la juridiction de jugement), du procureur général près la cour d’appel (en cas d’appel ou de second degré d’instruction) ou du procureur général près de la Cour de cassation (en cas de pourvoi). Ce magistrat peut par ailleurs demander à l’administration pénitentiaire que soit faite une lecture systématique du courrier du prévenu et que les courriers suspects soient retenus. Aucun texte n’interdit l’échange de lettres en langue étrangère, mais elles peuvent être traduites pour contrôle. Sous réserve de réciprocité entre Etats, le détenu de nationalité étrangère peut entrer en rapport avec les représentants diplomatiques et consulaires de son pays. Les correspondances sont alors soumises au contrôle de l’administration pénitentiaire. La correspondance avec les visiteurs de prison s’effectue également sous pli ouvert (elle peut être contrôlée).
Articles D.51, D.65, D.264, D.415 à D.418 et D.477 du Code de procédure pénale

330 Dans quels cas le courrier reste-t-il confidentiel ?
Les détenus ont le droit de correspondre avec certaines personnes et autorités sous pli fermé : les lettres sont cachetées à l’envoi et à la réception. Aucune sanction disciplinaire ne peut limiter ou suspendre ce droit. Sont ainsi exclues de tout contrôle les correspondances des détenus avec les aumôniers de l’établissement et avec les travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire. Les courriers échangés entre le prévenu et son avocat sont également placés sous le sceau de la confidentialité. Depuis un décret du 13 décembre 2000, le Code de procédure pénale n’opère plus de distinction entre les avocats selon qu’ils aient ou non assisté le prévenu ou le condamné au cours de son procès. Cette distinction avait été qualifiée de discriminatoire en violation de l’article 8 de la Convention par la Commission européenne des droits de l’homme (M.Slimane-Kaïd c/ France, Rapport de la Commission, le 1er décembre 1998). Cette disposition s’est étendue au mandataire agréé (personne autorisée par l’administration à assister des détenus), qui peut correspondre sous pli fermé pour la durée de sa mission. Le secret couvre également l’échange des correspondances avec un certain nombre d’autorités administratives et judiciaires : Parquets, juridictions, personnalités politiques locales ou nationales, Conseil de l’Europe, juge de l’application des peines, etc. Les lettres adressées à ces autorités doivent être enregistrées sur un registre spécial et être envoyées sans retard à leur destinataire. L’ensemble des courriers qui bénéficient de la confidentialité doit être adressé par les détenus à l’adresse professionnelle ou fonctionnelle des personnes ou autorités concernées et mentionner clairement la qualité du destinataire. Les correspondances adressées aux détenus doivent également indiquer clairement la qualité de l’expéditeur.
Articles 727, D.69, D.262, D.411, D.419, D.438, D.465, A.40 et A.40-1 du Code de procédure pénale, arrêté du 12 mai 1997

331 Dans quels cas une lettre peut-elle être retenue ?
Pour ne pas être retenues, les lettres reçues ou envoyées par les détenus doivent être écrites (lisiblement (pour permettre le contrôle) et ne comporter aucun signe ou caractère conventionnel, c’est-à-dire aucun message codé. En général, le règlement intérieur prévoit souvent que le courrier au départ doit être présenté non cacheté et porter au dos de l’enveloppe les nom, prénom, numéro d’écrou et position de cellule du détenu. Les courriers sont retenus s’ils contiennent des menaces précises contre la sécurité des personnes ou de l’établissement pénitentiaire. En outre, une lettre retenue peut être transmise aux autorités judiciaires si elle est susceptible de justifier des poursuites pénales (menaces, insultes, etc.). Une circulaire du 19 décembre 1986 exige que le détenu soit informé de la rétention d’un courrier et de ses motifs. Le courrier retenu est si possible renvoyé à l’expéditeur. Sinon, il est classé dans le dossier individuel du détenu, mais rien ne prévoit sa restitution à la fin de la détention. En pratique, il arrive que le courrier soit abusivement retenu (jugé dangereux, insultant...) ou que le détenu n’en soit pas informé. Il suffit parfois de s’en plaindre au chef d’établissement (recours hiérarchique) pour obtenir des explications. Un recours devant le tribunal administratif est également possible. Le juge annulera la décision de retenue du courrier si elle a été pise à la suite d’une erreur de fait, de droit, d’un détournement de pouvoir ou si elle s’appuie sur une erreur manifeste d’appréciation.
Articles D.415 et D.416 du Code de procédure pénale, note DAP du 14 septembre 1990, circulaire DAP du 19 décembre 1986

332 L’envoi d’objets par courrier est-il possible ?
Il n’est pas possible d’utiliser le courrier pour acheminer des objets en raison de l’interdiction d’envoyer des colis à tout détenu. Si le courrier contient un objet, il peut donc être retenu et placé au vestiaire du détenu. Il lui sera remis à sa libération si la possession de cet objet est licite. L’objet retenu peut également être transmis aux autorités judiciaires si son envoi constitue une infraction pénale (par exemple, une aide à l’évasion). En revanche, l’envoi de timbres (sans que leur nombre soit a priori limité) ou de photographies à caractère familial est possible. Bien que leur contenu ne concerne pas spécifiquement et exclusivement le destinataire, les photocopies d’articles de presse envoyées à un détenu ne peuvent donner lier à retenue sauf lorsqu’ils proviennent de journaux ayant fait l’objet d’une saisie dans les trois derniers mois ou s’ils contiennent des menaces précises contre la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. Des photocopies à caractère documentaire et concernant l’intéressé (diplômes, documents scolaires...) sont également licites et leur rétention abusive peut faire l’objet d’une annulation (tribunal administratif de Limoges, 16 mai 1991, Rannaud).
Article D.423 du Code de procédure pénale, circulaire DAP du 19 décembre 1986, note du 23 juillet 2001 relative à l’envoi des timbres aux personnes détenues, note R2382 du 29 juin 2000 relative à la réglementation applicable aux courriers destinés aux détenus.

333 Les détenus sont-ils autorisés à envoyer des articles en vue de leur publication ?
La sortie des écrits d’un détenu en vue de leur publication ou de leur divulgation sous quelque forme que ce soit ne peut être autorisée que par décision du directeur régional des services pénitentiaires. L’administration conserve ainsi la capacité de censurer, partiellement ou en totalité, l’écrit d’un détenu en vue de sa publication.
Article D.444-1 du Code de procédure pénale

334 Est-il possible de téléphoner ?
Seuls les condamnés incarcérés dans les établissements pour peines (maisons centrales et centre de détention) et ceux placés dans les centres pour peines aménagées peuvent être autorisés à téléphoner. Ils financent leurs communications par l’achat de cartes téléphoniques en cantine. La périodicité des communications autorisée est en théorie d’une fois par mois dans les centres de détention et exceptionnelle dans les maisons centrales. Le règlement intérieur peut prévoir une plus grande régularité et l’usage s’est répandu dans ces deux types d’établissement de permettre aux détenus de téléphoner au moins une fois par semaine. Les détenus téléphonent dans des cabines, généralement ouvertes. L’identité du correspondant et la conversation sont contrôlées. Un agent chargé de l’écoute du téléphone doit être en mesure d’interrompre la communication si les propos tenus représentent un risque pour la sécurité d’une personne ou de l’établissement. Le temps autorisé pour chaque appel est en général fixé par le règlement intérieur, en fonction du nombre de téléphones et de la disponibilité du personnel chargé du contrôle. Tout autre mode de communication (téléphone portable, courrier électronique) est interdit.

MODIFICATION depuis DECRET n°2007-699 du 3 mai 2007, article 11
En théorie, toute personne condamnée peut téléphoner, qu’elle soit incarcérée en établissement pour peine (centre de détention ou maison centrale) ou en maison d’arrêt. Néanmoins, toutes les maisons d’arrêt ne sont pas encore équipées de téléphones, la liste est fixée par arrêté du garde des Sceaux.
Article D.419-1 et D.419-2 du Code de procédure pénale

335 Est-il possible de recevoir un appel téléphonique ?
Il n’est pas permis aux détenus de recevoir des appels téléphoniques de l’extérieur. Toutefois, en cas de circonstances familiales graves (décès, maladie), les proches peuvent contacter le service social de l’établissement (SPIP), qui appréciera l’opportunité de transmettre l’information au détenu.
Article D.424-1 du Code de procédure pénale

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