Bastard Cyril
QD de Moulins Yzeure, le 12/12/03
Mesdames, messieurs
Suite à la lecture de l’Envolée N°10, je dois dire que je suis, pardon, que nous sommes consternés.
Effectivement, je me nomme Bastard Cyrille et c’est avec mon co-détenu et ami Allaix André que le lundi 24 novembre nous avons pris en otages 4 membres du personnel de la Maison centrale de Moulins. Pour commencer, nous étions deux et seulement deux à prendre part à cette opération, le reste des détenus n’ayant en aucun cas participé à notre action.
Notre but était de dénoncer aux autorités préfectorales et ministérielles et aux medias bien entendu, les conditions de détention immorales de cet établissement.
Si la réouverture des portes était l’une de nos revendications, c’était loin d’être la seule ; pour commencer les aménagements de peine. Il faut savoir que 30% des détenus de la MC de Moulins sont en fin de peine et qu’ils devraient se trouver théoriquement en centre de détention ou mieux, se voir octroyer une conditionnelle. C’était le cas de Mr Allaix André, dit "Dédé", qui était à lui seul un exemple de réinsertion. Ses demandes de transfert en CD sont innombrables, et appuyées par des démarches personnelles et des projets très élaborés. Ses demandes sont néammoins restées vaines.
Pour ma part, les choses sont différentes ; je suis libérable en 2024, sans compter ce que va me coûter cette action, et comme tous les détenus victimes de "peines d’élimination", il me semble impossible de mener ma peine à terme dans les conditions actuelles. A savoir : le manque évident d’activités ludiques, les parloirs non adaptés pour des détenus ayant de lourdes peines à effectuer et éprouvant le besoin de se retrouver en couple, le besoin d’intimité n’étant pas pris en compte. De toute façon, lourdes peines ou non, les besoins sont les mêmes pour chacun. Inadaptés également pour les enfants en bas âge qui sont dans l’obligation de rester assis pendant toute la durée du parloir sous risque de voir des choses qui ne les concernent pas encore, pire, qui risquent de les choquer. Aucun jeu, livre ou autre n’est mis à leur disposition pour les occuper. Sachez que les couffins des nourrissons ne rentrent pas dans les parloirs, ces petits bouts de choux resteront dans les bras de papa ou maman, respirant la fumée et supportant (mal) le brouhaha ambiant.
Les colis, les courriers et les bons de cantine "égarés" font l’objet de multiples plaintes de la part des détenus, pourtant rien ne change. Les communications téléphoniques sont interrompues sous prétexte que l’on dépasse d’une minute le temps autorisé ; comment expliquer ça à un enfant de 6 ans ? Les pressions constantes exercées par les surveillants font partie de l’ambiance qui règne ; j’ai moi-même été victime, et ce à plusieurs reprises de menaces de mort pendant les rondes nocturnes ; rondes nocturnes pendant lesquelles ces "messieurs" prennent un plaisir certain à réveiller les gens. Les déclarations suivantes pleuvent, je cite "Si ça ne tenait qu’à moi, vous resteriez en cellule 24h sur 24" ou encore "vous n’avez plus de droits, vous avez des obligations d’obéissance". La liberté d’expression est chaque jour baffouée et l’on vous menace de mitard à la moindre petite incartade. Le mitard, beaucoup le redoute, et pour cause ; on vient vous ramasser dans "votre" cellu le à 20h00, munis de cagoules, de matraques, de casques et de boucliers pour un passage à tabac en règle suivi d’une mise à nu, écartement des fesses, et on vous laisse ainsi, bras et jambes attachés, voire même scotchées pour plusieurs heures si telle est la volonté des ces messieurs.
La préservation des liens familiaux n’est pas assurée et la gamelle laisse à désirer. Le travail nous est présenté comme une faveur, mais lorsque qu’avec un salaire se situant entre 75 et 200 euros il nous faut payer la télé (30 euros), le frigo (8 euros), le nécessaire de toilette, shampoing, gel douche, dentifrice, rasoirs, brosses à dents, lessive pour le linge, nécessaire de correspondance, papier toilette, etc., comment améliorer ses repas et faire des cadeaux à ses enfants ? Si par malheur vous fumez, il vous faut choisir entre le steack et le tabac, le poulet et le gel douche.
Les dialogues avec la direction sont inexistants, et quand ils ont lieu, ils restent vains. Mieux, nous nous sommes laissés dire par le directeur en personne, M ; R. Bauer, je cite "vous pouvez mettre le feu, rien ne changera à Moulins tant que je serai là", fin de citation.
Les détenus désireux de pratiquer la religion musulmane ne recontrent que des barrières ; aucun Imam n’intervient ici et il a fallu de nombreux blocages pour essayer de résoudre le problème de la viande Hallal en cantine. Problème non résolu à l’heure actuelle.
Ce sont là certaines des nombreuses raisons qui ont commandé notre action. Sachez également que la prise d’otages a duré 9 heures et 45 mn, et pas 4 heures comme votre article le laisse entendre.
Je me dois, je nous dois de vous faire savoir que notre reddition aux membres du GIGN s’est déroulée sans violences aucunes, de notre part comme de la leur. Et c’est là que l’on voit la différence entre les "professionnels" et les "amateurs", la prise en charge de nos personnes par les ERIS s’est effectuée de la façon suivante : haie d’honneur avec coups, menaces de mort et insultes puis passage à tabac une fois arrivés au cachot.
Pour ma part, écrasement des chevilles à l’aide de boucliers, coups de poing et de pieds, tensions de bras, écartement des fesses, découpage des vêtements au cutter et mise à nu totale. Laissé dans l’état à plat ventre par terre, gémissant, jusqu’à l’arrivée du directeur adjoint, je ne sais pas combien de temps après, j’avais dès lors perdu toute notion de temps. Ma demande de voir un médecin le soir même a été refusée. J’ai en ma possession les certificats médicaux pour étayer mes dires. Des courriers adressés à l’OIP ont depuis été saisis par la direction, pour des motifs sans valeur uisque ne figurant pas sur la liste du code de procédure pénale.
Notre procès se déroulera le 18 décembre 2003 à Moulins. Nous epérons n’avoir pas pris ces risques pour rien. Nous avons bien entendu porté lainte et nos avocats, Me Descahmps, Canis et Cluzy, font tout ce qu’ils peuvent pour nous aider dans nos démarches. Nous espérons un deuxième procès, mais pour paraitre cette fois-ci du côté des victimes.
A tous ceux qui galèrent dans les QD et les QI, gardez la pêche les gars. Un coucou particulier à Régis, Michel, Christophe, Rico, Farid, Pascal, Momo, Steven, Laurent, Fathi, Jamel et tous ceux que j’oublie.
Il est important que vous sachiez qu’un troisième détenu, du nom de Cauhoie Jean jacques, a lui-même essuyé un passage à tabac et effectue en ce moment 45 jours de QD pour une "compliocité" fantasmagorique dans notre action. Une pensée particulière pour lui, victime innocente supplémentaire figurant dans les cahiers der l’administration pénitentiaire.
En espérant que vous diffuserez mon témoignage dans son intégralité, dédicaces comprises.
Le combat continue.
Cyrille B.