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Date : 9-05-2005

C25 Les droits civiques et sociaux

Publication originale : 1er mai 2002

Dernière modification : 6 avril 2008

L’incarcération entraîne la suppression de la plupart des droits accordés aux citoyens à l’extérieur, en particulier l’accès aux minima sociaux. Les personnes qui bénéficiaient des allocations chômages (Assedic) ou du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) n’y auront plus droit une fois écrouées. Quant aux quelques droits maintenus, comme le droit de vote, ils restent souvent ignorés des principaux intéressés, parfois indifférents mais aussi mal informés.

Texte de l'article :

358 Les détenus conservent-ils le droit de vote ?
Les prévenus (détenus non jugés définitivement) jouissent de la totalité de leurs droits électoraux, sauf si une incapacité électorale a été prononcée contre eux dans une condamnation antérieure. Les détenus ayant été condamnés depuis le 1er mars 1994 ne peuvent plus se voir supprimer le droit de vote de façon automatique. Pour être interdit de vote, ils doivent avoir été condamnés à une peine complémentaire interdisant l’exercice de tout ou partie de leurs droits civiques. Il existe deux exceptions à cette règle : la suppression du droit de vote est automatique en cas de condamnation pour manquement au devoir de probité ou atteinte à l’administration publique (corruption, soustraction et détournement de biens...). Pour les détenus qui ont été condamnés avant le 1er mars 1994, l’incapacité électorale continue de jouer automatiquement en cas de condamnation pour crime, condamnation à une peine d’emprisonnement supérieure à un mois prononcée avec sursis pour certains délits comme le vol, l’attentat aux mœurs ou l’escroquerie, condamnation à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou plus de six mois avec sursis.
Articles 131-26, 132-17, 132-21, 432-10 à 432-16, 433-2 à 433-4 du nouveau Code pénal, notes DAP du 21 février 1994 et du 21 mai 1997, loi n°95-65 du 19 janvier 1995

359 Quelle est la durée d’incapacité électorale ?
L’interdiction des droits civiques fixée par la décision de condamnation ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et d’une durée de cinq ans en cas de délit. Elle s’applique pendant la privation de liberté, mais la durée de détention ne s’impute pas sur celle de la privation de droits. Cela signifie qu’une personne passant trois années en détention et étant condamnée à cinq ans d’interdiction des droits civiques se voit en réalité interdite des droits civiques pendant huit ans. Une incapacité électorale cesse en cas d’amnistie, de réhabilitation, de décision judiciaire de dispense ou de suppression de mention au Bulletin n°2 du casier judiciaire et de décision judiciaire de relèvement d’incapacité électorale. Lorsque l’incapacité cesse, l’intéressé doit se faire réinscrire sur la liste électorale, même en dehors de la période légale de révision de cette liste.
Article 131-29 du nouveau Code pénal

360 Comment les détenus peuvent-ils s’inscrire sur les listes électorales ?
Toute personne détenue, radiée des listes électorales de la commune où elle avait sa résidence avant son incarcération, peut demander, par courrier ou par l’intermédiaire d’une tierce personne munie d’une procuration manuscrite, son inscription sur les listes de la commune où l’établissement pénitentiaire est implanté, à condition d’y résider depuis au moins six mois consécutif depuis la clôture des listes électorales. La demande doit être accompagnée d’une photocopie de la carte nationale d’identité (preuve de la nationalité française) et d’un justificatif de résidence de six mois au moins, délivré par le centre pénitentiaire dans lequel le détenu à sa résidence. Il ne peut en aucun cas être demandé au détenu de fournir un extrait de jugement attestant de l’absence d’interdiction d’exercer tout ou partie de ses droits civiques (ou un document délivré par l’administration pénitentiaire en ce sens). Cette vérification est systématiquement effectuée par l’INSEE, auquel les mairies envoient les listes. Chaque établissement pénitentiaire doit prendre ses dispositions pour permettre l’inscription sur les listes électorales des personnes détenues qui le demandent. La date de clôture des inscriptions est fixée au 31 décembre de l’année précédant les élections.
Article L.11 du Code électoral

361 Comment les détenus peuvent-ils voter ?
Les détenus doivent être en principe informés par le directeur de la prison, suffisamment de temps avant chaque scrutin, de leur possibilité de voter par procuration. En pratique, cette information est rarement ou mal assurée. Les détenus doivent donner procuration à un mandataire inscrit dans la même commune (leur commune d’origine s’ils n’ont pas été radiés, la commune de la prison en cas de nouvelle inscription). En pratique, l’absence de proche inscrit sur les listes de la commune de l’établissement pénitentiaire représente souvent le principal obstacle au vote des détenus qui ont dû se réinscrire après leur incarcération. Tous les détenus souhaitant voter par procuration doivent doit s’adresser au greffe de l’établissement pour les formalités à accomplir. D’une part, un officier de police judiciaire se rend à la prison pour établir la procuration. Le détenu doit fournir une attestation sur l’honneur et justifier de son identité. A sa demande, la durée de la procuration peut être fixée à une année, si les justifications présentes établissent que l’intéressé est de façon durable dans l’impossibilité de se rendre dans son bureau de vote.
Note DAP du 2 mai 1997

362 Les détenus peuvent-ils s’organiser en association ou en syndicat ?
Rien en principe ne l’interdit dans la loi. Pourtant, le ministère de la Justice a toujours empêché, au nom du maintien de l’ordre, que des associations ou des syndicats regroupant des prisonniers se constituent à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Les détenus peuvent toutefois être impliqués dans l’organisation d’activités collectives visant à favoriser leur resocialisation, mais sous le contrôle des services pénitentiaires (en général, du SPIP). Enfin, il est régulièrement demandé aux personnels de favoriser et de développer le dialogue avec les détenus, mais sans prévoir explicitement la possibilité pour ces derniers de se regrouper et de s’organiser formellement. Dès lors, certains détenus se voient souvent chargés par les autres, mais de façon informelle, de représenter leurs intérêts dans les discussions avec la direction de l’établissement.
Articles D.442, D.446 et D.449 du Code de procédure pénale

363 Quelles sont les conséquences de l’incarcération sur le contrat de travail de la personne détenue ?
L’incarcération ne constituant ni un motif de licenciement, ni un cas de force majeur, entraîne en principe une simple suspension du contrat de travail ,le salarié incarcéré doit néanmoins prévenir son employeur de son absence, de ses causes précises et de sa durée. Pour justifier un licenciement, l’employeur devra alors démontrer qu’il repose sur un motif réel et sérieux, que le fait reproché au salarié ne relève pas de sa vie personnelle et surtout que l’attitude du salarié a des conséquences préjudiciables dans l’entreprise. Par ailleurs, l’employeur peut licencier le salarié en lequel il n’a plus confiance. Cependant, l’incarcération ne suffit pas, à elle seule, à justifier la perte de confiance, et l’employeur doit démontrer par des faits objectifs et matériellement vérifiables en quoi l’attitude du salarié peut entraîner un trouble dans l’organisation de l’entreprise. Dans le cas d’une incarcération de courte durée, la condamnation n’entraîne que la suspension du contrat de travail sauf si l’employeur peut démontrer que l’absence du salarié entrave le bon fonctionnement de l’entreprise. Dans l’hypothèse où le salarié est condamné à une longue peine, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement et verser l’indemnité légale ou conventionnelle. En cas de non-respect de la procédure de licenciement, la personne détenue peut faire valoir ses droits, comme tout salarié, devant le conseil des prud’hommes. En outre, la commission de l’indemnisation des détentions provisoires peut réparer le préjudice économique lié à un licenciement consécutif à une incarcération, à savoir la perte de salaires ou le préjudice résultant de la difficulté à retrouver un emploi. La personne doit remplir les conditions ouvrant droit à réparation et prouver le lien de causalité entre le préjudice subi et la détention provisoire qu’elle a effectuée.
Articles 149 à 151-1 du Code de procédure pénale, arrêt Cour Cassation Chambre Sociale du 2- février 2003, circulaire JUSD0330079C du 30 mai 2003 « présentation des dispositions relatives à la réparation des détentions provisoires injustifiées ».

364 Quel est le statut du fonctionnaire incarcéré ?
Le fonctionnaire bénéficie d’un statut particulier. Tant qu’il n’a pas été condamné de manière définitive, il ne peut pas être radié de la fonction publique. Il demeure par conséquent dans une « position d’activité » et conserve les droits attachés à cette position. Il peut cependant être suspendu provisoirement par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Pendant cette suspension, il conserve au minimum la moitié de la rémunération.
Conseil d’Etat, 17 décembre 1965 arrêt Dartigue-Peyrou et 13 novembre 1981 arrêt Commune de Houilles

365 Les assurances vieillesse sont-elles maintenues pour les détenus ?
Les personnes détenues relèvent du droit commun en ce qui concerne les pensions d’invalidité ou de retraite. Celles-ci ne sont donc pas interrompues du fait de l’incarcération. Le détenu, conservant la « gestion de ses biens patrimoniaux », choisit de percevoir ses pensions soit sur son compte personnel à l’extérieur, soit sur son compte nominatif. Un détenu qui atteint l’âge de la retraite au cours de son incarcération doit en principe recevoir sa pension de retraite comme s’il était à l’extérieur. Les autres allocations vieillesse à caractère alimentaire et soumises à des conditions de ressources sont suspendues pendant le temps d’incarcération. La disposition qui prévoyait que les fonctionnaires condamnés à une peine afflictive ou infamante soient privés du droit à l’obtention ou à la jouissance de leur pension pendant la durée de la peine n’est plus valable depuis 1994. Enfin, lorsqu’une personne fonctionnaire est condamnée pour crime ou complicité de crime contre l’humanité, des saisies peuvent être effectuées sur la totalité de sa pension afin d’exécuter une condamnation à des réparations civiles ou aux frais dus à la victime.
Articles D.321 du Code de procédure pénale et L.351-1 et suivants du Code de la sécurité sociale et L.56 du Code des pensions civiles et militaires de retraite

366 Les allocations chômage sont-elles maintenues pour les détenus ?
Un détenu n’est plus considéré comme demandeur d’emploi. Dès lors, une personne inscrite à l’ASSEDIC avant son incarcération en est radiée à partir du jour de l’écrou. Elle doit avertir elle-même l’ASSEDIC de son incarcération. Si le détenu n’effectue pas cette démarche et continue à percevoir les allocations, il devra rembourser intégralement à sa sortie les sommes perçues. Par ailleurs, l’allocation de solidarité spécifique (ASS) versée aux chômeurs de longue durée en fin de droits est suspendue pendant toute la durée de l’incarcération.
Article L.351-10 du Code du travail

367 Les détenus ont-ils droit aux prestations familiales ?
Toute personne résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, a droit aux prestations familiales. Une personne détenue peut bénéficier de certaines allocations versées par la caisse d’allocations familiales (CAF) dans les mêmes conditions qu’à l’extérieur. Pour les enfants nés depuis le 1er janvier 2004, la mère détenue peut en outre bénéficier de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) qui comprend une prime à la naissance et une allocation de base mensuelle à compter du mois de naissance de l’enfant jusqu’au mois précédant ses trois ans. La mère d’un enfant né avant le 1er janvier 2004 peut bénéficier de l’allocation pour jeune enfant (APJE) du cinquième mois de grossesse jusqu’aux trois ans de l’enfant. Les femmes incarcérées enceintes ou avec leur enfant ont la possibilité de percevoir l’allocation de parent isolé (API) pendant leur incarcération aux mêmes conditions que si elles étaient libres. La mère détenue avec son enfant de moins de 18 mois peut également percevoir pour son allocation de soutien familial (ASF), à condition qu’elle ne bénéficie pas de l’allocation de parent isolé. Enfin, pour les détenus célibataires, les allocations de logement et l’aide personnalisée au logement sont maintenues pendant un an à condition que le loyer continue d’être payé et que le logement ne soit ni loué ni sous-loué.
Loi du 22 août 1946, circulaire de la CNAF n°51-94 du 16 décembre 1994, circulaire DSS n°99-723 du 30 décembre 1999

368 Les détenus ont-ils droit au revenu minimum d’insertion (RMI) ?
Toute personne détenue pour une durée supérieure à 60 jours ne peut plus percevoir l’allocation de RMI dont elle bénéficiait à l’extérieur. Lors des formalités d’écrou, le greffe de l’établissement pénitentiaire doit identifier les entrants bénéficiaires du RMI et avertir l’organisme payeur (CAF ou mutualité sociale agricole) de leur incarcération avant l’expiration du délai de 60 jours. Si le détenu est marié, vit en concubinage ou a une personne à charge, l’organisme payeur procède à la fin du délai à un examen des droits dont peuvent bénéficier ces personnes à la place du détenu. Le détenu n’est plus pris en compte comme membre du foyer.
Décret n°93-508 du 26 mars 1993, circulaire DAP 89-10 du 24 novembre 1989

369 Que devient l’allocation aux adultes handicapés quand le bénéficiaire est écroué ?
Lorsqu’un bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est incarcéré pendant plus de 45 jours, l’allocation est généralement réduite de 12% de son montant mensuel. Le complément d’AAH, qui était versé aux allocataires disposant d’un logement n’est plus accordé. L’allocation et son complément sont de nouveau versés au taux normal à compter du premier jour du mois suivant la sortie de prison. Dans deux cas seulement, le détenu peut continuer à percevoir l’AAH intégralement : le détenu bénéficiaire de l’AAH est marié, sans enfant, et son conjoint est dans l’incapacité d’exercer une activité salariée ; le détenu bénéficiaire a au moins un enfant ou un ascendant à sa charge.
Articles R.821-13 à R.821-15 du Code de la sécurité sociale

370 Les détenus âgés ont-ils droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ?
Aucune disposition ne s’oppose en principe à ce que l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) soit versée à une personne détenue âgée de plus de soixante ans. Elle devrait être accordée aux détenus présentant des difficultés à accomplir des actes de la vie quotidienne en raison d’une perte d’autonomie. La prise en charge médicale ne fait pas obstacle à l’octroi de cette allocation. Le montant de l’APA doit permettre de rémunérer une tierce personne chargée d’apporter son aide au détenu âgé (pour se nourrir, pour la toilette...). Contrairement au régime de droit commun, le bénéficiaire incarcéré n’est pas en mesure de choisir le prestataire de service. Il appartient effectivement au chef d’établissement de désigner le service d’aide à domicile chargé d’intervenir au sein de l’établissement et de fournir un titre d’accès en détention aux prestataires de service. L’APA sera alors directement versée au service d’aide à domicile. Les demandes doivent être effectuées à l’initiative de la personne concernée avec l’aide d’un travailleur social. Mais en pratique, l’allocation personnalisée d’autonomie bénéficie très rarement aux personnes détenues âgées dépendantes, qui se font le plus souvent assister par un codétenu.

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