8/7/07
Abandon des grâces collectives par le président de la République et projet de loi « Dati » sur la récidive.
Nous saluons, sans réserve, la décision du Président de la République d’abandonner la pratique de la grâce collective du 14 juillet, décision que nous avions réclamée - avec d’autres - depuis plus de 10 ans. Rappelons que c’est Valéry Giscard d’Estaing qui avait réintroduit cette pratique en 1980, devenue systématique à partir des années 1990. Pratique régalienne, injuste, contraire au principe de judiciarisation de l’application des peines, contraire à leur individualisation, ces grâces semblaient ne jamais pouvoir être abandonnées sans, disait-on, mettre le feu aux établissements pénitentiaires.
Nous faisons confiance à la Direction de l’administration pénitentiaire, et à son professionnalisme, pour contrôler la situation, dans le respect des personnes détenues. Nous invitons aussi, plus que jamais les parlementaires à s’informer des conditions concrètes de détention en exerçant leur droit (devoir) de visite dans les prisons. Nous attendons des juges de l’application des peines qu’ils exercent pleinement leurs prérogatives en matière d’aménagement des peines, et qu’ils dénoncent, devant l’opinion, chaque fois que cela se justifie, les manques de moyens mis à leur disposition par les pouvoirs publics (secrétariat, conseillers d’insertion et de probation, etc.).
En effet, la situation de surpopulation des prisons exige d’autres ruptures. Aujourd’hui, on compte près de 12 000 détenus en sur-nombre. Gardons aussi à l’esprit que la population carcérale a augmenté de 10 000 détenus au cours de la précédente législature. Si les choses continuaient ainsi, c’est donc 22 000 places qu’il faudrait construire en 5 ans, ce qui nécessiterait, pour les seuls bâtiments, un budget de 2,2 milliards d’euros.
A cela, risque de s’ajouter les effets de la loi sur « les peines planchers ». Les travaux des criminologues sur la question de la récidive mettent sérieusement en doute un effet significativement dissuasif de l’aggravation des peines prononcées en matière de récidive. C’est beaucoup plus l’assurance d’être pris et surtout les conditions d’application des peines qui peuvent favoriser la réinsertion : conditions de détention respectueuse de la personne, lutte contre l’oisiveté en prison, responsabilisation des détenus, libérations conditionnelles, encadrement effectif en milieu ouvert.
Les députés sont devant leurs responsabilités. Un calcul fait par nos soins (1), montre que l‘accroissement du nombre de détenus, lié aux peines planchers pourrait être, à terme, de 8 000 à 10 000 (32 000 places à construire en 5 ans ?). M. Nicolas Sarkozy s’est engagé devant les électeurs - qui l’ont élu - sur les peines planchers. Soit. Il faut alors que les députés diminuent les seuils votés par le Sénat qui sont très supérieurs aux peines moyennes actuellement prononcées en cas de récidive légale. Les députés doivent aussi aller dans le sens de l’amendement déposé par M. François Zocchetto, au Sénat, qui, malheureusement, n’a pas été retenu, en élargissant la marge de manœuvre des juridictions de jugement leur permettant de choisir des peines en deçà des planchers (en motivant leur décision) et rétablir la règle actuelle d’excuse de minorité pour les 16-18 ans. Les députés doivent aussi repousser à plus tard les réformes en matière d’injonctions de soin proposées, à la « va vite », sans prise en compte des difficultés considérables d’application de la loi de 1998.
Dans le cas contraire, et vu les chiffres que nous avons rappelés, le projet de loi pénitentiaire, prévu pour l’automne, dont la vocation, est de mettre la France en cohérence avec les règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe, ne deviendrait qu’un texte « de bonne conscience », sans aucun effet, la situation des prisons devenant effectivement ingérable, la récidive encouragée, le droit des victimes à la protection de la société bafoué et la sécurité de tous encore plus mal assurée.
Pour le club DES Maintenant en Europe
Pierre V. Tournier
Directeur de recherches au CNRS
Tél. 01 42 63 45 04
(1) Tournier P.V., Des délits et des peines planchers. Un projet de loi déflationniste en matière carcérale ?, Note du Groupe d‘étude de la récidive en Europe (GÉRE), Université Paris 1. Panthéon Sorbonne, 5 juin 2007, 13 pages.