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Courrier de Joëlle Aubron, prisonnière d’Action Directe

Mise en ligne : 15 avril 2004

Dernière modification : 18 octobre 2004

Texte de l'article :

Communiqué du Front de Libération des Organes Mal en point à tous les amies, amis et camarades qui se sont inquiétés pour moi.

Le 2 avril, j’ai réintégré le Centre de détention de Bapaume. Dans une quinzaine de jours, commencera une suite de soins quotidiens sur une bonne quarantaine de jours. Pour l’heure, n’est pas encore établi la manière dont ils se dérouleront.
Ils ne nécessitent pas d’hospitalisation en eux-mêmes. Néanmoins, même si ma qualité de prisonnière au long cours, étiquetée dangereuse qui plus est, entraîne une nouvelle hospitalisation, je compte bien utiliser ces 15 jours pour la préparer. Non seulement j’ai l’énergie pour éviter que se reproduisent les conditions de la première hospitalisation mais cette fois ma famille et mes proches n’auront pas à revivre les 8 premiers jours de l’hospitalisation en urgence du 6 mars. Ceci pour dire que je vais bien. Au moment où j’écris, je suis encore stressée par ces 4 dernières semaines, de la conscience de l’inquiétude brutalement suscitée et non résolue avant le 10 mars aux conditions mêmes d’une hospitalisation sous escorte policière. Pour autant, entourée par ma camarade Nathalie et par une camarade basque, Agurtzane, je sens déjà diminuer la tension. Je suis sereine pour aborder cette suite.
 
Une fois encore, ce sont les mots amour et colère qui définissent le mieux mon état d’esprit. Dans le premier, les amours et les amitiés personnelles s’entrelacent avec l’élan initial de notre engagement pour une libération sociale, politique et culturelle du mode de production capitaliste. La seconde aussi joue ainsi sur les 2 tableaux.
 
Difficile de ne pas relier les conditions de cette hospitalisation, du black-out initial vis-à-vis de ma famille aux menottes m’attachant au lit en passant par une accumulation de consignes prétendument sécuritaires, à une perpétuation routinière par la machine étatique de sa politique à notre égard. L’Etat nous aime, le seul problème est qu’il a l’amour vache : il s’agit de nous garder encore et encore. Je le sais, nous le savons et c’est aussi contre cet acharnement que la colère sert d’armure dans l’adversité.
 
Bref, j’espère que ce simili de communiqué vous aura dit l’essentiel : même menottée sur mon lit, encerclée dans un de ces no man’s land dont les administrations répressives ont le secret, me protégeait la chaleur de vos amitiés et nos engagements communs pour changer de société et rendre l’avenir à l’humanité. Carrément !

Joëlle Aubron, prisonnière d’Action Directe
Le 4 Avril 2004