Depuis près de 15 ans, Ban Public dénonce les chiffres donnés par l’administration pénitentiaire concernant les décès en prison en faisant un recensement quotidien des informations trouvées dans la presse ou obtenues par les membres de l’association. Ce combat de longue haleine, tant de recensement macabre que de soutien aux proches des prisonniers décédés, a permis de contraindre l’administration à s’engager vers davantage de transparence. Tant les médias que les chercheurs et les associations agissant sur les mêmes combats, reprennent nos chiffres régulièrement.
Mais aujourd’hui, une fois encore, l’administration se tait face au décès de Matthieu, prisonnier que l’association suivait depuis plusieurs années.
Matthieu a été retrouvé inanimé dans sa cellule de la prison de Fresnes le vendredi 15 mai 2015 au matin. Il a été transporté à l’hôpital Kremlin-Bicêtre où il est décédé dans les heures qui ont suivies. Ses proches n’ont été avisés que plusieurs heures plus tard et son avocat ne l’a même pas été alors qu’il avait pris rendez-vous pour jeudi prochain avec le service des parloirs…
Rien dans le profil de Matthieu, ni dans les échanges encore récents que nous avions tous avec lui, ne laissait présager un passage à l’acte suicidaire. Bien au contraire, Matthieu était conditionnable et permissionnable, il se battait pour construire un projet pour sa sortie mais attendait depuis plusieurs mois déjà son transfert vers un établissement pour peine, situé près de ses proches.
Matthieu menait des combats dans la prison (recours contre des mesures iniques devant les juridictions administratives et recours devant la CEDH pour une détention provisoire trop longue). Il aidait régulièrement ses codétenus les plus fragiles pour qu’ils fassent valoir leurs droits. Il avait décidé de commencer des études universitaires et Ban Public le soutenait dans ce projet. Il avait d’ailleurs réussi brillamment sa première année de capacité en droit et venait de passer ses examens de seconde année. Rien ne laissait donc entrevoir qu’il aurait pu être suicidaire.
Ses proches ont même reçu un courrier de lui écrit avant son décès. Il n’y faisait mention d’aucune souffrance particulière même s’il se plaignait parfois de difficulté avec ses codétenus ou avec l’administration. Rien d’alarmant toutefois.
Pour la première fois, en 2002, l’administration pénitentiaire a été condamnée pour non assistance à personne en danger après le suicide d’un détenu. Alors que l’administration pénitentiaire est garante de l’intégrité des personnes incarcérées, le nombre des suicides en prison a augmenté de 200% au cours des 20 dernières années. 60% des suicidés sont en attente de jugement, donc présumés innocents, et un tiers des suicides a lieu pendant le premier mois de la détention.
Aussi Ban Public exige des autorités compétentes que toute la lumière soit faite sur ce décès, rapidement.